C’est allé vite. Nous étions sur le pied de guerre cinq minutes après la grande scène entre Trump et Zelensky à la Maison-Blanche. La trouille nous avait rendus sages, résignés à admettre que, oui, il allait falloir consacrer beaucoup d’argent à notre défense. Et puis tout a passé. Armons-nous, mais payez, vous autres ! Pas question d’en rabattre sur nos “acquis” et encore moins sur nos demandes automatiques. Vous savez, celles qui nous tiennent lieu de totems : les fonctionnaires demandent des postes ; les syndicats veulent que rien, jamais, n’impacte leurs exigences, surtout en ce qui concerne l’âge de la retraite… Il faut que tout change, bien sûr, mais à condition que rien ne change…D’autant qu’on a tout de suite trouvé les voix qu’il fallait pour proposer des alternatives somptueuses à “l’austérité” promise. Ah, Manuel Bompard et son désarmement non aligné… On en a trouvé aussi pour relativiser à la fois la gravité de la menace et l’effort à consentir. Thomas Piketty – rebelote – n’a pas failli à la tâche dans Le Monde du 15 mars : “Si cela s’avère indispensable, l’Europe pourrait aussi augmenter ses dépenses militaires. Encore faut-il apporter la preuve de cette nécessité” ; comme si la seule preuve absolue pouvait résider ailleurs que dans la catastrophe militaire elle-même, faute pour nous d’avoir dissuadé l’ennemi d’agir avant que d’avoir pu valablement le combattre… Le même, plus loin : “Le vrai enjeu est […] surtout de mettre en place des structures permettant de prendre des décisions collectives pour protéger efficacement le territoire ukrainien” ; comme si le destin de l’Ukraine constituait, en soi, le seul défi auquel faire face et comme si nous n’étions opposés qu’à une crise locale, encore pour quelques mois…Il ne doit pas exister un géopoliticien ni un expert militaire sérieux pour dénier que le niveau des risques sécuritaires a bondi en Europe et pour ne pas conclure en la nécessité d’un sursaut financier majeur, maintenu sur au moins dix ou quinze ans, pour retrouver une armée crédible. Mais non. Surtout, ne les croyons pas. Doutons ! Faisons les malins puisque nous sommes là pour ça, et reprenons où nous en étions avant qu’on ne nous dérange…Le possibilité d’une nouvelle dissolutionAutre scène, même ambiance. On reparle de la censure du gouvernement. Il y a eu un budget pour 2025, ce n’est déjà pas si mal. Aucune raison de donner d’autres gages de pérennité à qui que ce soit. Les retraites, les étrangers, le budget 2026… Les occasions de chantage ne vont pas manquer. Sans compter que le 7 juillet approche et, avec lui, la possibilité d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale. Ça planifie sec dans les états-majors partisans. Au café du coin, on relance le concours de pronostics, à la satisfaction générale.Pendant ce temps-là, personne ne s’inquiète de voir revenir une forte crainte d’instabilité normative. Les entreprises françaises ont, en plus de leurs énormes problèmes habituels, à absorber un autre choc – le désordre du commerce mondial que l’Amérique vient goulûment d’enclencher à grands coups de droits de douane. Pour investir, embaucher, innover, elles ont donc, plus que jamais, besoin de voir se réduire le champ des incertitudes parce qu’il y en a beaucoup (trop). Mais non. Les perspectives catastrophiques s’accumulent. Remettons-en une couche. Renversons le gouvernement. Pourquoi pas une petite guerre civile tant qu’on y est ?Les déclinistes n’ont pas tort. Nous avons perdu le goût et sans doute la capacité d’acquérir ce qu’il faut pour affronter le monde : devenir adultes, renoncer à la pensée magique, accepter la perte et le compromis, différer, voir ce qui est et non plus seulement ce que nous voudrions qu’il soit, faire la part du feu, payer le prix…Nous ne sortons plus de l’enfance que par de brefs moments. Ce ne serait pas bien grave s’il n’y avait pas d’immenses souffrances à attendre de cette immaturité irresponsable qui nous tient désormais lieu de manière d’être. Mais il y en a. Et elles n’auront pas de commune mesure avec celles dont, victimes de pacotille, nous nous plaignons complaisamment du soir au matin.
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Author : Denys de Béchillon
Publish date : 2025-03-28 07:00:00
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