L’Express

Les dix vedettes de la rentrée littéraire : ce qu’il faut lire (ou pas)

La romancière Emma Becker




Ils sont 459 romans sur la ligne de départ, dont 311 français. Parmi ces ouvrages, ceux de l’inévitable Amélie Nothomb, de la scandaleuse Emma Becker, du balzacien Abel Quentin, du (trop) politisé Aurélien Bellanger, ou encore celui de la star du polar Olivier Norek – qui passe à la littérature blanche… Pour vous aider à faire le tri, le service Livres de L’Express a lu les titres les plus attendus de cette rentrée littéraire. Voici notre ­verdict, entre gros coups de cœur, petits coups de mou et quelques coups de sang…Abel QuentinLes voyants de BerkeleyLes éditions de l’Observatoire, pas réputées pour être un repère de gauchistes, se seraient-elles converties à la décroissance ? Un an après le Humus de Gaspard Koenig, la maison de Muriel Beyer récidive avec un autre grand roman réaliste sur la crise écologique. Satiriste aimant se confronter à des thématiques ultracontemporaines (la radicalisation islamiste dans Sœur, le wokisme avec Le Voyant d’Etampes, prix de Flore), Abel Quentin effectue dans Cabane un pas en arrière pour mieux illustrer les angoisses de notre époque. Il réussit l’exploit de romancer un document d’une centaine de pages, avec des boucles de rétroaction, basé sur la dynamique des systèmes : le rapport Meadows. Paru en 1972, ce texte commandé par le Club de Rome à quatre jeunes scientifiques alertait sur « les limites à la croissance », avec un risque d’effondrement. A partir de là, Quentin prend sa liberté d’écrivain et réinvente la biographie des quatre chercheurs, les téléportant même du MIT sur la côte Est au Berkeley de la contre-culture californienne.Comme pour le roman à idées d’Aurélien Bellanger, on peut débattre du fond, le rapport Meadows se voyant attribuer un statut prophétique. Mais ici, le souffle littéraire l’emporte largement sur le mémoire de Sciences Po. Rebondis­sant d’un scientifique à l’autre, l’intrigue finit par se focaliser sur l’énigmatique mathématicien norvégien Johannes Gudsonn, sorte de Salinger de ­l’écologie profonde. L’auteur nous fait voyager de l’insouciance des années 1970 jusqu’aux actuelles craintes collap­sologues, avec la tentation grandissante de l’éco­terrorisme dont Theodore Kaczynski (alias « Unabomber ») a été le pionnier. Même si les logiques tordues des prix littéraires résistent à toute modélisation mathématique, prédisons un bel avenir à cette fresque brillante. Thomas MahlerCabane, par Abel Quentin. L’Observatoire, 480 p., 22 €.Emma BeckerLa Colette 2.0A côté d’elle, Catherine Millet passe pour une nonne. La vie sexuelle d’Emma Becker est un feuilleton. Après avoir raconté ses galipettes avec un homme plus âgé (Mr.), son expérience dans un bordel berlinois (La Maison) ou son désarroi de mère de famille en quête d’aventures (L’Inconduite), la voilà qui tombe amoureuse d’un écrivain aristo canaille qui aime l’opéra et les abats, et porte des pantalons de velours rouge. Ce drôle d’oiseau se nomme Antonin de Quincy d’Avricourt dans Le Mal joli – pour connaître sa véritable identité, envoyez un mail à la rédaction. Problème : Antonin vit à Paris alors qu’Emma déprime dans le Var avec ses deux enfants en bas âge. Leur liaison brûlante est marquée par la clandestinité (situation de double adultère) et le manque créé par l’éloignement. Réputée pour ses scènes érotiques, Emma Becker s’avère ici meilleure dans les passages mélancoliques, quand elle est séparée de son amant. Bien qu’elle cite Nana de Zola et s’amuse à se comparer à une cocotte du XIXe siècle, elle se sert de la technologie de son temps – après ­lecture du Mal joli, vous envisagerez d’un autre œil les visioconférences…La moralité n’est pas le fort d’Emma Becker, mais notre rôle n’est pas de sélectionner des ouvrages pieux pour la bibliothèque d’un pensionnat de jeunes filles. Comment résister à son esprit gouailleur et drolatique ? Quant à son style, il étincelle : personne ne sait comme elle faire swinguer argot désuet et tournures surannées. Si elle se qualifie elle-même de « roulure », il serait fâcheux de la prendre au pied de la lettre. Plein de romancières laborieuses se réclament de Colette en publiant des platitudes. Avec sa littérature colorée, à la fois rétro et moderne, Emma Becker s’impose définitivement comme la seule vraie fille spirituelle (dans tous les sens du terme) de l’auteure du Blé en herbe. Louis-Henri de La RochefoucauldLe Mal joli, par Emma Becker. Albin Michel, 416 p., 21,90 €.Kamel DaoudAlgérie, contre-enquêteDix ans après Meursault, contre-enquête, Kamel Daoud revient non seulement au roman, mais s’attaque à un sujet tabou dans son pays natal : la guerre civile algérienne. Alors que le régime d’Alger ne cesse d’instrumentaliser la mémoire de la guerre de décolonisation contre la France, cette décennie noire des années 1990 opposant « les ombrageux militaires et les barbus de Dieu » a vite été frappée d’amnésie collective. L’écrivain, qui a couvert les massacres de cette période en tant que journaliste, est habité par son sujet. Il a attendu son exil en France pour offrir ce tombeau littéraire aux 200 000 morts oubliés. La narratrice principale, Aube, a la gorge tranchée à l’âge de 5 ans par des islamistes. Miraculée, elle a perdu ses cordes vocales, mais gagné un sourire monstrueux reconstitué par les chirurgiens. Deux décennies plus tard, enceinte, Aube raconte à la fille qu’elle porte ses traumatismes intimes comme les démons de toute une nation.Daoud fait appel à son habituel style lyrique, riche en trouvailles poétiques, pour redonner leur voix à ces victimes. On salue la force du réquisitoire contre l’hypocrisie des religieux et la violence de ­l’islamisme (le romancier va jusqu’à établir un ­parallèle entre le sacrifice de moutons et celui des humains…), qui s’accompagne d’un vibrant plaidoyer féministe. On a en revanche plus de réserves sur l’enchaînement de monologues sur 400 pages, avec une construction parfois confuse. L’auteur semble d’ailleurs en avoir conscience. « Tu m’écoutes, ma sœur ? Ne perds pas le fil, je t’en supplie, c’est important », fait-il dire à l’un de ses personnages, hanté jusqu’à la folie par les charniers. Alors, on s’accroche dans le labyrinthe, et on finit par dire hourra à ce Houris, cri déchirant d’une muette rompant avec le silence imposé. T. M.Houris, par Kamel Daoud. Gallimard, 416 p., 23 €Amélie NothombRetour au JaponOn pourrait commencer par des chiffres. 103 manuscrits écrits, 33 publiés, dont au moins quatre consacrés au Japon, de Stupeur et tremblements (1999) à La Nostalgie heureuse (2013), « terre sacrée » de l’auteure qui affleure dans bien d’autres de ses ouvrages. Aussi le fervent lecteur d’Amélie Nothomb est-il largement au parfum de la passion de la romancière belge pour le pays du Soleil-Levant, passion héritée de son père, ambassadeur neuf ans durant à Tokyo, et se sent-il dans un premier temps désarçonné par L’Impossible Retour, récit d’un bref séjour sur les lieux de son enfance effectué fin mai 2023 en compagnie d’une amie photographe baptisée ici Pep Beni. En guide (trop ?) attentive, Amélie Nothomb prend soin de rappeler les épisodes précédents – premier arrachement à l’âge de 5 ans, expérience tokyoïte malheureuse à 21 ans, retour en 1989 en compagnie du père, etc. – bien connus de ses fans, tout en entraînant le lecteur de Kyoto à Tokyo en passant par Nara. En fait, il faut aller chercher la clef de son obstination à la toute fin du roman – « Le seul endroit que j’aurais élu, je l’ai quitté. Je viens encore de l’abandonner. Quid de cette aberration ? Je n’y comprends rien, alors je l’écris. » – et prendre ce livre comme une étonnante et sincère confession intime.Plus de dix ans après son dernier voyage au Japon, et trois ans après la mort de son père, dont elle a hérité « la vertu cardinale » de la nostalgie, omniprésente ici, elle dit son mal-être et le « vertige de nullité » qui la tenaille. « Les seuls moments où je ne doute pas de mon existence sont ceux où je lis », écrit-elle, notamment A rebours de Huysmans, « chef-d’œuvre lu à 18 ans » et repris durant ce séjour. Mais ne nous méprenons pas, entre les larmes pointe aussi l’humour, marque de fabrique de la facétieuse romancière aux prises ici avec le métro nippon et les humeurs de sa compagne de voyage. Marianne PayotL’Impossible Retour, par Amélie Nothomb. Albin Michel, 162 p., 18,90 €.Olivier NorekUn coup de (Le) maîtreOlivier Norek referait-il le coup d’un Daniel Pennac ou d’un Pierre Lemaitre, passant « subrepticement » de la noire à la blanche avec le succès que l’on sait ? C’est tout ce que l’on peut souhaiter à l’auteur phare du polar français qui publie un formidable « premier » roman historique. Soit 450 pages sur une guerre oubliée, celle déclenchée par l’empire de Staline fin novembre 1939 contre la modeste Finlande par crainte, notamment, que celle-ci ne laisse passer Hitler si l’Allemagne décide d’envahir l’URSS. Un pavé qui se dévore comme un thriller à rebondissements et à suspense alors qu’on en connaît la fin : la victoire soviétique au terme d’une lutte acharnée de cent cinq jours et la signature du traité de Moscou. Tout sonne juste dans cette reconstitution d’une guerre marquée par l’impréparation totale de la 8e armée russe, la morgue des Soviétiques (« dix jours suffiront »), un état ­d’esprit de fer du côté des Finlandais (le fameux sisu, cocktail de force intérieure et de volonté), et un froid polaire (jusqu’à -50 °C).Ancien flic de terrain, Olivier Norek s’est fait auteur de terrain comme il l’a démontré dans ses polars (Surtensions, Surface, Dans les brumes de Capelan…) et le prouve aujourd’hui encore pour avoir longuement enquêté en Finlande sur les traces de son héros, le sniper Simo, surnommé « La Mort blanche ». Un sacré homme que ce Simo Häyhä, de la 6e compagnie, fils de paysan chasseur et tireur d’élite (le 23 décembre 1939, il abattait un sniper russe à une distance de 490 mètres, tir jamais égalé), que Norek entoure de valeureux camarades. Outre son impressionnante science stratégique (à croire qu’il a suivi les cours de l’Ecole de guerre), l’auteur donne de la chair à ses personnages, réels ou de fiction, et ressuscite avec maestria une page de l’histoire qui nous fait furieusement penser à l’actuel conflit russo-­ukrainien. M. P.Les Guerriers de l’Hiver, par Olivier Norek. Michel Lafon, 448 p., 21,95 €.Aurélien BellangerHouellebecq mal documentéC’est un roman à (grosses) clés qui agite le Landerneau intellectuel. Dans Les Derniers Jours du Parti socialiste, Aurélien Bellanger met en scène des figures aisément reconnaissables, de Laurent Bouvet (« Grémond ») à Michel Onfray (« Frayère ») en passant par Raphaël Enthoven (« Taillevent »), Philippe Val (« Revêche ») ou Rokhaya Diallo (« Lassana Diop »). Par le passé, ce philosophe de formation nous a amusés avec des fictions théoriques s’inspirant de personnalités réelles (Xavier Niel dans La Théorie de l’information, Bernard-Henri Lévy dans Le Continent de la douceur…).Mais l’idéologue a pris le pas sur le romancier. Le plus problématique n’est même pas la thèse ­simpliste, à savoir que les militants laïcs du Prin­temps républicain (rebaptisé « Mouvement du 9 décembre ») auraient contribué à la défaite idéologique du PS et à l’essor de l’extrême droite. Les personnages ont l’épaisseur romanesque de fiches Wikipédia, mais qui seraient très mal renseignées. Difficile de ne pas rire en découvrant que les alter ego de Raphaël Enthoven et de Michel Onfray partageraient une secrète complicité alors que dans la réalité, ces deux-là ne sont d’accord sur rien. Les nombreuses pages consacrées à Laurent Bouvet, cofondateur du Printemps républicain emporté par la maladie de Charcot en 2021, sont, elles, abjectes.Ne cachant pas son mépris pour un mort, Bellanger le dépeint en apparatchik frustré, en comploteur cynique et même en admirateur de Charles Maurras. Pis, l’auteur se réserve le beau rôle avec son double Sauveterre, écrivain barbu renouant avec une conscience de gauche. Bellanger se rêve en Balzac du Nouveau Front populaire, mais faute d’autodérision, son livre n’arrive même pas à la cheville du plus paresseux des romans de Houellebecq. T. M.Les Derniers Jours du parti socialiste, par Aurélien Bellanger. Seuil, 480 p., 23 €Alice ZeniterLa Nouvelle-Calédonie pour les nulsPar le passé, la normalienne Alice Zeniter a déjà obtenu le prix Renaudot des lycéens pour Juste avant l’oubli et le prix Goncourt des lycéens pour L’Art de perdre. Est-ce à dire qu’elle ne s’adresse qu’aux moins de 18 ans ? Après ces succès auprès des adolescents, elle a publié un roman raté, Comme un empire dans un empire, et surtout un essai abracadabrant, Toute une moitié du monde, où elle se plaignait d’être invisibilisée en tant que femme – un peu fort de café quand on a la carte dans tous les médias et qu’on a en outre déjà reçu le prix du Livre Inter et le prix littéraire du Monde… N’ayant visiblement plus de surmoi, la bonne élève publie cette année un nouveau roman presque pire que le précédent, Frapper l’épopée, qui mériterait que l’on crée pour elle le prix Goncourt des collégiens, tant elle a tendance à prendre ses lecteurs pour des nigauds.Dans un style effroyablement lourd, Frapper l’épopée raconte la vie de Tass, une professeure à la belle âme qui, après des mésaventures amoureuses en métropole, retourne enseigner à Nouméa, d’où elle vient. Un beau jour, deux lycéens (décidément) cessent de venir en cours. Ils sont jumeaux et d’origine kanake. Sont-ils liés à ce mystérieux groupe indépendantiste, que certains pensent terroriste mais qui fait selon lui dans « l’empathie violente » ? Alors que Tass enquête sur la disparition des ados, et au passage sur sa propre généalogie, Alice Zeniter nous gratifie de tartines confondantes de naïveté sur le passé de la Nouvelle-Calédonie. Tout est scolaire, sot et maladroit. Si ce livre était une copie du bac, on donnerait toutefois la moyenne à Alice Zeniter : elle a sagement bachoté l’histoire des ­colonies pénitentiaires. Et pourrait même envisager une reconversion comme gardienne de prison. Car lire ses pensums, quand on aime la littérature, c’est pire que le bagne. L.-H. L. R.Frapper l’épopée, par Alice Zeniter. Flammarion, 352 p., 22 €.Gaël FayeLe Rwanda, du génocide à la cohabitationC’était en 2016. Un rappeur franco-rwandais de 33 ans débarquait dans le paysage éditorial et remportait illico le prix du roman Fnac. Petit Pays, de Gaël Faye, récit autobiographique d’une jeunesse presque insouciante au Burundi stoppée dans son élan par les conflits sanguinaires de l’Afrique des Grands Lacs, enflammait les librairies avec 470 000 exemplaires vendus chez Grasset et 1,3 million en poche (dopés par l’adaptation d’Eric Barbier). Huit ans plus tard, revoilà Gaël Faye avec un roman ancré dans le Rwanda de l’impossible (?) pardon et la difficile cohabitation après le génocide des Tutsi.1994, 1998, 2005, 2010, 2020 : en cinq temporalités, de longueur inégale, le narrateur, Milan (peu ou prou le double de papier de Gaël), 12 ans à l’heure des massacres, nous raconte avec candeur ou fureur, c’est selon, l’histoire de sa famille maternelle et du Rwanda contemporain, « start-up nation » empêtrée dans les non-dits. Jeune Versaillais élevé dans un cocon entre un père cadre français et une mère rwandaise mutique sur son passé, Milan voit sa vie bouleversée par l’arrivée d’un petit Claude, blessé et terrorisé, présenté comme le neveu de sa mère et très vite réexpédié au Rwanda. A 16 ans, premier voyage à Kigali, et premier choc : Milan retrouve Claude, fait la connaissance de sa grand-mère et de l’étonnant Sartre, sauveur de culture et d’enfants abandonnés. En 2005, hanté par les assassinats commis par les Hutu, il lui faut repartir. Il assiste alors au procès de génocidaires de la famille de Claude (des voisins pour la plupart), procédure guère réconfortante pour les survivants mais nécessaire pour les générations d’après. En 2010, Milan s’installe définitivement au Rwanda, auprès de sa nouvelle « famille », brossée avec empathie par Gaël Faye qui jongle, tout en délicatesse et fraîcheur, avec les notions de mémoire et de réconciliation. M. P.Jacaranda, par Gaël Faye. Grasset, 288 p., 20,90 €.Philippe JaenadaKaki et whiskysDans La désinvolture est une bien belle chose, le champion du fait divers se penche sur la brève existence de Jacqueline Harispe, dite Kaki. Le 28 no­vembre 1953 à l’aube, cette mannequin éphémère a sauté en culotte du cinquième étage de son hôtel derrière le cimetière Montparnasse. Elle n’avait que 20 ans. Une figure évanescente qui hantait déjà le beau roman de Patrick Modiano, Dans le café de la jeunesse perdue. A partir de là, Philippe Jaenada se passionne pour toute une bande de jeunes gens bohèmes qui se réunissait dans un bouge de la rue du Four fréquenté par Guy Debord, Chez Moineau. Parallèlement à sa traque dans les archives, cet ­indécrottable Parisien décide d’effectuer un tour de France par ses contours. Comme il n’a pas les mêmes ambitions athlétiques qu’un Sylvain Tesson, il le fait à bord d’une Kuga de location, s’arrêtant dans des hôtels confortables (et bien sûr des bars).Ce programme pourrait paraître bien désinvolte, mais le limier Jaenada est également un champion du style. Comme d’habitude, on y prend des nouvelles de sa femme, Anne-Catherine, on croise des fantômes de l’Occupation, on tombe sur des noms inattendus (la communicante de crise Anne Hommel), on a des fous rires en suivant les mésaventures de notre inspecteur Gadget… En fil rouge, un hommage mélancolique aux cafés de la sobriété perdue. « Les bars n’appartiennent pas à la ville dans laquelle ils se trouvent, ils sont un espace à part, ni public ni privé, une zone en dehors du monde », note joliment l’écrivain. Sous la pression insistante de ses éditeurs, ce champion de la digression (et de la parenthèse) a presque réussi à se limiter à 400 pages (en vrai, 496). « Je me sens bien dans les bars », explique Philippe Jaenada. On se sent bien aussi dans ses livres, qui s’étirent plus que de raison mais n’en finissent pas de nous enivrer. T. M.La désinvolture est une bien belle chose, par Philippe Jaenada. Milallet-Barrault, 496 p., 22 €.Thibault de MontaiguTombé pour la France ?Thibault de Montaigu fut à ses débuts un héritier de Sagan, auteur de romans mélancoliques et chics qui méritent d’être relus (Les anges brûlent, Un Jeune Homme triste, Les Grands Gestes la nuit). Puis il a pris dans la figure les livres d’Emmanuel Carrère. Depuis La Grâce (prix de Flore 2020), il a délaissé la fiction au profit de la non-fiction, mêlant enquête et autobiographie. Si Carrère sait comme personne hypnotiser ses lecteurs via son art narratif, il a un défaut majeur : un style d’une pauvreté à faire passer Annie Ernaux pour James Joyce. Avec La Grâce, et désormais avec Cœur, Montaigu réussit cette prouesse : construire ses textes aussi bien que Carrère, en y ajoutant l’élégance formelle et le spleen de Sagan. Un bonheur pour les lecteurs cherchant en librairie des nouveautés sachant allier classicisme et modernité.Au début de Cœur, le père de Montaigu, ancien Dom Juan mythomane et flamboyant, se trouve mourant, aveugle et ruiné. Sa dernière volonté ? Que son fils écrivain raconte l’histoire de leur ancêtre Louis, fauché par un obus en 1914 alors que, capitaine commandant un escadron d’une centaine de cavaliers, il s’était lancé dans une charge à cheval, sabre au clair, contre les mitraillettes et les canons allemands… Derrière cette légende héroïque, Montaigu découvre un destin plus complexe qui, à certains égards, rappelle celui de Charles Péguy, lui aussi tombé en 1914 – nous n’en dirons pas plus. Il y a du Fitzgerald dans la façon dont Montaigu explore ici l’envers du panache, les blessures que les fantaisies des uns laissent dans leur entourage. A la fois réflexion ­psycho-généalogique profonde sur les erreurs et les drames qui se répètent au sein d’une même famille et déclaration d’amour poignante au père (disparu avant la fin de l’écriture du livre), Cœur est à offrir à tous ceux qui en ont encore un. L.-H. L. R.Cœur, par Thibault de Montaigu. Albin Michel, 336 p., 21,90 €.



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Author : Louis-Henri de La Rochefoucauld, Thomas Mahler, Marianne Payot

Publish date : 2024-08-18 17:00:00

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