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IA générative : que cache la prudence de Meta ?

La Commission européenne estime, à titre préliminaire, que Meta a enfreint les règles de l'UE "en faussant la concurrence sur les marchés des annonces publicitaires en ligne", a indiqué lundi l'exécutif européen




Ses principaux concurrents comme Google ou Microsoft, à travers OpenAI, avancent à pas de géant sur leurs produits : chatbots, assistants, et autres générateurs d’images, de sons et de vidéos, à destination du grand public. Meta, elle, suit pour le moment une trajectoire singulière dans l’intelligence artificielle générative, une technologie en plein boom à travers la planète. La compagnie fondée par Mark Zuckerberg investit massivement dans l’invisible infrastructure – puces, supercalculateurs – qui la sous-tend. Et mise ensuite sur… le partage de connaissances. Auteure de plusieurs modèles de langue (LLM) de pointe, Meta livre gratuitement ses progrès à la communauté scientifique open source. Sans pleinement en profiter elle-même.Une première raison, simple : Meta cherche toujours la bonne formule. L’IA n’est pas toujours très fiable, rapide et adaptable. Ceci, alors que la firme entend s’adresser à ses « 3 milliards d’utilisateurs » à travers Facebook, Instagram et WhatsApp, présents dans plus d’une « centaine de pays », a rappelé Joëlle Pineau, la vice-présidente de la recherche en IA, lors d’un évènement organisé à Paris, mercredi 10 avril. Un déploiement d’envergure, encore « jamais réalisé, pas même par OpenAI [NDLR : le créateur de ChatGPT] », a surenchéri Chris Cox, responsable des produits. Meta, pas exempte de scandales dans son histoire, et déjà très surveillée sur les questions de modération et de désinformation par les régulateurs, marche sur des œufs. Dont acte.Yann LeCun, patron de l’IA chez Meta, lors du « AI Innovation Day » organisé par Meta à Paris, le mercredi 10 avril 2024.Un « AMI » qui vous veut du bienL’entreprise a ainsi offert un timide aperçu de ce que pourrait donner l’introduction de la technologie sur ses célèbres applications. Quelques prompts de génération d’image sur Messenger et sur Instagram, des recommandations de restaurants sur WhatsApp. Pas beaucoup plus. Le tout dernier modèle de la compagnie, Llama-3, pourrait être le premier à investir massivement les réseaux sociaux et les appareils immersifs de Meta, et permettre ces requêtes. Sa date de sortie, son degré de puissance et de précision restent toutefois inconnus. Tout juste sait-on qu’il existera en différentes versions, et qu’il sera open source comme ses prédécesseurs.Cette apparente pudeur laisse un autre goût en bouche. Un peu comme si Meta cédait à contrecœur au « fomo » – cette sensation de rater quelque chose d’important – et ne serait finalement pas si emballée que ça par l’IA générative telle qu’elle se présente actuellement.Présent aux côtés de Joëlle Pineau et Chris Cox, Yann LeCun a confirmé cette hypothèse. Le Français, lauréat du prix Turing de mathématiques et figure de l’IA chez Meta, a maintenu sa croyance en une « super-intelligence », capable de se rendre utile auprès des humains. Mais encore faut-il qu’elle soit réellement à son niveau. Alors que l’IA se démène depuis des années pour tenter de conduire une voiture de manière autonome, « un garçon de 17 ans peut apprendre à conduire en seulement vingt heures », a-t-il par exemple critiqué. Grâce à sa vision, ses connexions nerveuses et sa capacité à raisonner, même faible, un enfant de 4 ans est d’après lui plus compétent qu’un LLM. Le problème de ces modèles fondamentaux, à la base des applications d’IA générative, vient de leur apprentissage, majoritairement fondé sur des « textes », qui ne permettent pas de « comprendre comment fonctionne le monde ». Ils servent aujourd’hui à déployer des applications pour du texte et de l’image de manière basique, et dessinent une vision à « court terme » de ce que peut proposer l’IA, a poursuivi LeCun.L’expert estime que la véritable révolution de l’IA prendra encore quelques années. Et qu’elle passera plutôt par de nouveaux modèles. Pourquoi pas un « AMI », pour « Advanced machine intelligence ». Une toute nouvelle approche – la sienne –, basée sur une architecture d’apprentissage novatrice (JEPA) axée autour de la notion de contexte, qui permettra aux IA de mieux comprendre le monde, de planifier des tâches complexes et hiérarchisées, de disposer d’une mémoire persistante, d’être enfin plus sûres. Soit des caractéristiques plus proches des capacités humaines. Voilà qui éclaire un peu plus l’attentisme de Meta sur l’IA générative, davantage disposée au partage de connaissances qu’à la commercialisation de solutions, à l’inverse d’OpenAI, leader actuel du marché. « Dispose-t-on des capacités scientifiques dont on a besoin pour le produit que l’on veut ? » a finalement interrogé LeCun, sans y répondre. Laissant à penser que la réponse est pour le moment : « Non ».



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Author : Maxime Recoquillé

Publish date : 2024-04-11 12:00:00

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