L’Express

Management : « Le rôle d’un chef n’est pas de faire respecter les règles, mais de les enfreindre »

L'amiral Loic Finaz




« Quand on se fait torpiller, amiral et matelot courent le même risque, vos étoiles ne vous protègent pas » : l’image est parlante et l’amiral Loïc Finaz l’utilise avec malice. Chef, manager, commandant, ce dernier l’a été dès l’âge de 25 ans où, à peine sorti de l’Ecole navale, il s’est mis à diriger des vaisseaux, carrière qu’il a poursuivie pendant des décennies à bord de frégates anti-sous-marines ou encore de sous-marins nucléaires d’attaque. La voix porte, la stature en impose, et on l’imagine sans difficultés motivant son équipage à la passerelle d’un navire ou dans les entrailles d’un submersible. Ecrivain, poète, le militaire s’est aussi occupé de politique des ressources humaines de la marine et a dirigé la prestigieuse Ecole de guerre. Un spécialiste à la fois du commandement et de la nature des hommes face à l’adversité, qui livre des enseignements utiles pour naviguer – en entreprise.Dans un ouvrage récent coécrit avec l’écrivain aventurier Patrice Franceschi et l’essayiste italienne Andrea Marcolongo, Le Goût du risque (Grasset, 2023), il fustige l’abondance de normes dans la société – un débat dans l’air du temps. Un rappel qu’il adresse aussi aux managers : « Le rôle d’un chef, contrairement à ce que l’on croit, n’est pas de faire respecter les règles, mais de les enfreindre », tonne-t-il, avec le sourire amusé de celui qui sait qu’il surprend. Explication : les règles ne sont que des outils prévus pour résoudre des problèmes. Si tout allait toujours bien avec ces outils, alors à quoi servirait le manager ? Ce dernier doit comprendre quand il faut contourner les règles et surtout en assumer la responsabilité. Autre anecdote extraite de la vie de marin, celle où il embarque des étudiants de l’Ecole navale. Des aspirants pas très débrouillards, plutôt mal partis pour être diplômés. Alors à peine plus âgé qu’eux, il décide de leur confier la barre, en totale autonomie. « A ce moment-là, je sais que je vais mettre mon bateau en risque », raconte-t-il. Une mise en danger néanmoins indispensable pour qu’ils se sentent en responsabilité. Alors qu’ils étaient hésitants, guettant l’approbation de leurs supérieurs, leur attitude change du tout au tout. Une exigence couplée à la bienveillance, une autonomie doublée de solidarité : voici quelques-unes des associations indispensables selon Loïc Finaz pour que vogue le navire – et toute forme d’organisation humaine. »S’assurer que la mission a un sens »Au moment où le monde connaît une période trouble – deux guerres, le réchauffement climatique et un certain « choc des civilisations »–, accepter une dose de risque permet aussi de mieux faire face aux problèmes, assure l’amiral. En cela,la lueur d’espoir de notre époque vient du monde du travail. « Je crois que l’entreprise est un vrai lieu de transformation et de l’évolution du monde. Sans naïveté, car ce n’est pas le cas partout, mais ce sont des leviers auxquels je crois. La société civile continue à tenir la route parce qu’elle a encore suffisamment d’acteurs, d’hommes et de femmes de bonne volonté, qui ont une influence positive. »Reste à les guider dans la direction commune. Dans son ouvrage paru il y a quelques années, où il développe ses préceptes appliqués au management (La Liberté du commandement, Ed. Equateurs, 2020), l’amiral expose son idée-force : l’esprit d’équipage. Le rôle d’une organisation consiste à offrir une place à chacun. Chaque membre est indispensable dans ses fonctions et, en même temps, comme sur un bateau, la polyvalence est possible. Pour mener chacun à bon port, Loïc Finaz détaille ce qu’il considère comme les points cardinaux du chef : « Nous sommes chefs pour remplir une mission. Il faut s’assurer qu’elle a un sens – c’est tellement important que si, après avoir cherché honnêtement ce sens, on ne le trouve pas, il faut refuser la mission ! Ensuite, les circonstances, dont il ne faut pas être prisonnier, mais qu’il faut savoir regarder avec lucidité et honnêteté pour les prendre en compte. Etre chef, c’est avoir des hommes et des femmes qu’on nous a confiés pour remplir une mission. Et le plus important : ces hommes et ces femmes, il faut les aimer. »



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Author : Hamdam Mostafavi

Publish date : 2024-02-04 09:30:00

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