L’Express

Tensions Iran-Pakistan : le début d’une escalade ?

Des jeunes militants du "Muslim Talba Mahaz" (MTM) tenant une banderole crient des slogans lors d'une manifestation contre la frappe aérienne iranienne, à Islamabad, le 18 janvier 2024.




Le Pakistan n’aura pas attendu pour répliquer. Moins de quarante-huit heures après des frappes conduites par l’Iran dans la province du Baloutchistan, le ministère des Affaires étrangères a annoncé, jeudi 18 janvier, avoir mené le matin même une « série de frappes militaires de précision hautement coordonnées et spécifiquement ciblées » contre des « caches terroristes » dans le sud de l’Iran, dans la province du Sistan-et-Balouchistan.Téhéran avait procédé, mardi 16 janvier, à une frappe aérienne sur le territoire pakistanais. Cette attaque, qui a causé la mort de deux enfants, a été jugée « totalement inacceptable » et injustifiée par Islamabad.Seul pays musulman doté de l’arme nucléaireL’escalade inédite entre l’Iran et le Pakistan, seul pays musulman doté de l’arme nucléaire, survient alors que la guerre fait rage entre le Hamas et Israël dans la bande de Gaza. Le conflit a attisé les tensions à travers le Moyen-Orient. Les rebelles houthistes du Yémen, soutenus par l’Iran, ont récemment multiplié les attaques contre des navires de commerce en mer Rouge. Puis, ces derniers jours, s’est déroulée une série inquiétante de frappes puis de contre-attaques entre ces rebelles yéménites et la coalition menée par les Etats-Unis.Téhéran veut montrer qu’elle ripostera avec force contre ses ennemis à travers le monde. Avant de viser le Pakistan, l’Iran avait déjà tiré mardi des missiles en Syrie et au Kurdistan irakien autonome sur des cibles qualifiées de « terroristes » par la République islamique et de quartiers généraux d' »espions du régime sioniste ». Pour Téhéran, il s’agissait d’une réponse aux assassinats ciblés menés par Israël contre les cadres de l' »axe de la résistance » (qui réunit les alliés de l’Iran au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen), ainsi qu’à un attentat meurtrier revendiqué par l’organisation Etat islamique à Kerman, en Iran, le 3 janvier.Au Pakistan, l’Iran affirme s’en être pris au quartier général de Jaish Al-Adl, l’organisation qui avait revendiqué une attaque contre un commissariat de police dans le Sistan-et-Baloutchistan, lors de laquelle 11 agents de police iraniens ont été tués en décembre dernier. Plusieurs groupes séparatistes baloutches opèrent en Iran et au Pakistan et représentent une source de tensions entre les deux pays, qui s’accusent mutuellement de servir de base arrière aux rebelles pour opérer des attaques sur leur territoire.Suite aux frappes iraniennes, le Pakistan a rappelé mercredi 17 janvier son ambassadeur à Téhéran et a empêché le retour de l’ambassadeur iranien, qui est actuellement dans son pays. Islamabad avait mis en garde contre une réponse avant d’effectivement répliquer jeudi matin. « Un certain nombre de terroristes ont été tués », a affirmé le communiqué du gouvernement pakistanais, alors que Téhéran évoque la mort de neuf personnes de « nationalité non iranienne », selon les médias officiels.La crainte d’un conflit plus largeLa contre-attaque pakistanaise est sans précédent et fait craindre un conflit plus large dans la région. « Nous sommes désormais confrontés à une situation très dangereuse et imprévisible », a mis en garde Mosharraf Zaidi, écrivain et analyste politique pakistanais sur X. A travers le monde, les appels à la retenue se sont multipliés : de Moscou à l’Union européenne, en passant par Pékin. Le Premier ministre par intérim du Pakistan, Anwar ul-Haq Kakar, a écourté sa visite en Suisse, où il se trouvait pour participer au 54ᵉ Forum économique mondial, à Davos. »Les représailles du Pakistan semblent avoir été proportionnées à la frappe précédente de l’Iran, et ont uniquement visé les séparatistes et non les forces de sécurité iraniennes », tempère sur X Michael Kugelman, directeur de l’institut d’Asie du Sud du Wilson Center, à Washington. « Le moment est venu de faire appel à une médiation pour garantir qu’une crise soudaine mais de plus en plus dangereuse ne devienne pas incontrôlable », estime ce spécialiste, pour qui Pékin, allié des deux pays, s’impose comme l’intermédiaire de choix. La Chine, qui entretient des liens privilégiés avec Islamabad et Téhéran, a d’ailleurs indiqué se tenir prête à « jouer un rôle » pour apaiser les tensions entre le Pakistan et l’Iran.L’Iran et le Pakistan sont également confrontés à des pressions internes qui pourraient en partie expliquer ces attaques. A quelques semaines des élections législatives pakistanaises, prévues le 8 février, ces frappes pourraient bénéficier à la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N), le parti de Nawaz Sharif, soutenu par l’armée, en apaisant momentanément la colère des Pakistanais attisée par la répression contre l’ancien Premier ministre Imran Khan, très populaire dans le pays. Quant à l’Iran, il « veut se battre », juge l’écrivain Mosharraf Zaidi, qui estime qu’un « régime révolutionnaire ne peut survivre [que s’il se trouve dans un] état de guerre perpétuelle ».



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Publish date : 2024-01-18 16:49:01

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