L’Express

GPA : santé des mères porteuses, développement de l’enfant… Ce que dit la science

Les pieds d'un nouveau-né.




C’était inévitable : la gestation pour autrui (GPA), sujet clivant par excellence où s’affrontent différentes mouvances politiques, éthiques, féministes et scientifiques, se devait de figurer en Une du JDD, « nouvelle formule ». C’est chose faite dans l’édition datée du 28 avril, avec 4 pages à charge et un sondage CSA pour Europe 1, CNews et Le Journal du Dimanche montrant que près de 59 % des Français sont favorables à la GPA, ceci justifiant sans doute cela. En caution médicale, le Pr René Frydman, le « pére » d’Amandine, le premier bébé éprouvette, en promotion de son dernier ouvrage La Tyrannie de la reproduction (Editions Odile Jacob). Il y étrille la GPA : « une aberration biologique, sociale, psychologique … un risque affectif majeur… un abandon sur ordonnance… où on se raconte que l’enfant conçu pour être abandonné ne souffrira pas puisque d’aucuns le désirent… »*. Est-il possible, dans ce déversement de militances, de convoquer quelques données scientifiques, au moins dans les pays qui en produisent ? Revenons aux faits pour tenter d’apaiser le débat.La gestation pour autrui est-elle en pleine « explosion » ?La GPA est-elle un enjeu de santé publique ? En France on évalue, faute de recensement possible pour cette pratique illégale, à 200 ou 300 naissances par GPA à l’étranger par an sur 735 000 naissances, dont 20 233 par PMA (2,7 %) et 600 à 895 adoptions pour 10 000 demandes. Dans les pays qui autorisent la GPA tout en l’encadrant, le phénomène ne représente que 0,02 % des naissances. Par exemple aux Etats-Unis, le CDC recensait en 2020 environ 8000 enfants nés de mère /femme porteuse pour 3,7 millions de naissances. Certes des chiffres en augmentation depuis 2015, mais sans explosion. Comme le souligne la sociologue Irène Théry « même multiplié par 10 il n’y a aucun raz de marée ». Voilà une réponse à la peur du « grand envahissement ».Quel est l’impact de la GPA sur le développement de l’enfant ?Autant l’écrire : aucune étude ne permet de répondre péjorativement à cette question. Mais le débat scientifique autour de la GPA est biaisé par la pauvreté de la plupart des études en sciences sociales, souvent qualitatives, réalisées grâce à la contribution de familles militantes ou au contraire des associations, catholiques notamment, opposées entre autres à la GPA.Néanmoins, plusieurs méta-analyses démontrent l’absence de retentissement sur l’enfant. A l’instar de celle publiée en 2016 dans l’une des meilleures revues de gynécologie-obstétrique (55 études compulsées) : « L’issue périnatale des enfants est comparable à celle de la FIV standard et du don d’ovocytes, et il n’y a aucune preuve de préjudice pour les enfants nés grâce à la maternité de substitution ». De rares équipes universitaires ont constitué des cohortes de suivi longitudinal, telle l’équipe pluridisciplinaire de Suzan Golombok à l’Université de Cambridge (Royaume-Uni) avec 40 jeunes adultes (moyenne d’âge : 20 ans) nés par maternité de substitution traditionnelle (la mère porteuse donne ses ovocytes), d’une gestation pour autrui avec donneuse d’ovocytes, d’un don d’ovules ou d’un don de sperme, et élevés par des couples hétérosexuels. Dans tous les cas, les parents avaient rencontré la mère porteuse avant le traitement. La majorité des jeunes adultes ont été informés de leur conception avant l’âge de 4 ans. Autre cohorte, celle de Marie-Christine Williams-Plouffe, chercheuse et coordinatrice de la Chaire de recherche au Canada sur la procréation pour autrui et les liens familiaux (Gatineau, Québec)**.Dans les deux cas et d’autres, aucun signal péjoratif. Du côté des anti-GPA, ce sont les témoignages qui répondent aux études. A l’image d’Olivia Maurel, leur figure de proue, qui milite pour l’abolition de la GPA qui l’a fait naître et accuse sa mère porteuse de lui avoir transmis ses troubles bipolaires : « L’agence de maternité de substitution aurait dû la rejeter pour cette raison, mais elle ne l’a pas fait ». Dans le JDD, elle assure : « Je ne condamne pas les personnes qui ont recours à la GPA » tout en étant la porte-parole de la déclaration militante de Casablanca, qui demande aux États de « sanctionner les personnes qui recourent à la GPA sur leur territoire et de sanctionner leurs ressortissants qui recourent à la GPA en dehors de leur territoire ». Au nom du droit de l’enfant, alors même qu’il n’existe aucun signal d’alerte à ce jour…Un sur-risque pour les mères porteuses ?Dans les pays où la GPA est encadrée, la question de la protection de la mère porteuse demeure centrale. Elle entremêle des questions éthiques, notamment celle du consentement éclairé, ou du danger du contrôle exercé par les parents d’intention qui peut s’étendre aux comportements quotidiens de la gestatrice (mode de vie, tabac, alcool, sexualité…) jusqu’aux décisions médicales relatives à la grossesse (réduction embryonnaire, dépistage génétique, choix du sexe, dérive eugéniste..) ou encore la possibilité de rétractation (avortement, garder l’enfant…). S’y ajoutent des questions méthodologiques (qui est appelé́ à juger de l’ »aptitude » des candidates à devenir de « bonnes gestatrices », sur quels critères et avec quelles compétences ?) et médicales (risques liées aux grossesses gémellaires en baisse constante aux Etats-Unis, dépression post-partum, complications de la grossesse, taux de césarienne et ses implications..).Autant dire que les études comparatives sont compliquées à établir en fonction des différents critères socio-démographiques. Pour autant sur le serveur PubMed on recensait 2667 articles scientifiques répondant au thème « surrogate mother ». La plupart portant sur les questions éthiques. Aucune ne permet de démontrer par exemple que le risque de dépression post partum soit « significativement plus élevé » comme le mentionne les opposants à la GPA.On le voit le débat médiatique autour de la GPA est à la fois devenu de plus en plus difficile car politique et… de moins en moins informé.Le Pr Gilles Pialoux est infectiologue et auteur de Un don presque parfait, roman paru en 2024 chez Mialet-Barrault et ayant comme toile de fond la GPA.*Lire aussi l’interview du Pr François Olivennes (gynécologue obstétricien) qui comme Bruno Le Maire se dit « en réflexion » sur le sujet de la GPA (La Tribune Dimanche du 21 Janvier 2024)**Interviewée par l’auteur dans le cadre de l’écriture du Roman



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Author : Pr. Gilles Pialoux

Publish date : 2024-04-29 12:39:41

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