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Après une année d’enquête sur la tentative d’enlèvement de l’opposant, blogueur et influenceur algérien Amir DZ, l’arrestation d’un agent consulaire algérien en France n’a pas seulement ravivé les tensions franco-algériennes : elle met en lumière un affrontement plus profond. Il oppose les valeurs fondatrices de la République française à celles d’un pouvoir de plus en plus autoritaire en Algérie. Cette arrestation, suivie de l’expulsion de 12 diplomates français par Alger, coïncide avec la condamnation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal à cinq ans de prison. Elle révèle la volonté du régime algérien d’exporter la répression et d’universaliser le totalitarisme, en opposition frontale aux idéaux universalistes qui sont les piliers de la France : la liberté d’expression et les droits de l’homme.Amir DZ est réfugié politique en France, il bénéficie de la protection de ce pays, et il est du droit de la France d’interpeller ses agresseurs à la suite d’une séquestration perpétrée sur son sol. Cela relève de la souveraineté française, souveraineté que le régime d’Abdelmadjid Tebboune a ignorée. Ce respect aurait dû être de mise, tout comme lors de l’arrestation de Boualem Sansal, qui possède la nationalité française depuis près d’un an. Tebboune rejoint ainsi la lignée d’autres dictateurs qui traquent leurs opposants au-delà des frontières. A l’instar du régime russe avec des empoisonnements commis au Royaume-Uni ou encore de la république islamique en Iran, avec l’assassinat d’Hamid Reza Chitgar, réfugié politique en France et tué à Vienne par les hommes de Khomeini en 1987.Ennemi absolu en AlgérieCe type de régime, implacable et autoritaire, se présente comme irrésistible : il veut afficher sa puissance et sa prétendue éternité. Pourtant, il est si fragile : un seul opposant, armé uniquement de mots, peut menacer l’ensemble de son système politique. Tebboune a affirmé : “Aucun pouvoir, sauf celui de Dieu, ne peut s’imposer sur l’Algérie.” Cependant, on pourrait croire qu’un simple influenceur comme Amir DZ, qui a fait l’objet de neuf mandats d’arrêts internationaux émis par Alger et s’est retrouvé, sur le territoire français, séquestré par de faux policiers pendant vingt-sept heures, est, aux yeux de l’autocrate algérien, plus puissant qu’un dieu. En Algérie, Amir DZ est perçu comme un ennemi absolu. Il est accusé de faire partie d’une organisation terroriste menaçant la sécurité de l’Etat et d’inciter les citoyens à se dresser contre le pouvoir. Mais son véritable “crime”, c’est d’avoir diffusé des informations sur la corruption des hauts responsables algériens.Parce que ces régimes sont faibles et vivent dans la peur de leur propre population, ils se sentent obligés de collaborer entre eux. Ces dernières années, les relations entre l’Algérie et la Russie ont ainsi évolué de manière significative, avec un renforcement des liens dans divers domaines : coopération militaire, énergie, échanges culturels et médiatiques… Ceux qui se ressemblent s’assemblent.Un héritage de complotsAprès 63 ans d’indépendance, l’Algérie semble toujours prisonnière de son obsession pour les complots. Tebboune a fait des dizaines de déclarations dans lesquelles il considère le pays de Voltaire comme une menace pour l’Algérie. Il construit sa légitimité sur la haine envers la France. Dans le même temps, il entretient l’image traditionnelle de son pays comme nationaliste et en révolte contre la francophonie, le “pays au million de martyrs” comme on l’appelle au Moyen-Orient, en référence à la guerre de décolonisation. Mais pourquoi l’Algérie n’a-t-elle toujours pas évolué depuis cette époque ?Tebboune devrait plutôt remercier la France et la francophonie, cet ennemi imaginaire qui lui sert à détourner les regards des véritables problèmes. Ce n’est pas la France qui précipite la chute de l’Algérie, mais bien l’Algérie elle-même qui, prise dans ses contradictions, se condamne à une spirale de déclin. Ce n’est pas l’Occident qui méprise le peuple algérien, mais ce régime militaire et mafieux qui multiplie les mesures répressives contre les journalistes, les activistes et les avocats. En termes de ressources naturelles, l’Algérie est l’un des pays les plus riches d’Afrique. Elle possède tout ce qu’il faut pour être prospère. Pourtant, ses dirigeants font tout pour qu’elle demeure écrasée par la pauvreté et la censure.”Contre-feu”A la suite de son arrestation, les médias algériens ont qualifié Boualem Sansal de “traître sioniste”, d’”agent de la France”, voire d’”agent du Maroc”. Des dizaines d’émissions ont été consacrées à l’écrivain. Tout comme Amir DZ, il est présenté comme un danger public.En avril 2024, lors du festival les Escales du livre à Bordeaux, j’ai eu la chance de rencontrer Boualem Sansal. Nous devions prendre un petit café, mais nous avons fini par passer des heures à parler de l’Europe, de l’histoire et du Proche-Orient. Nous avons échangé des blagues, partagé nos craintes et nourri un engagement commun. Sansal est un véritable puits de savoir et de bienveillance. En sa compagnie, j’ai trouvé à la fois un ami et un père. Il m’a parlé de la nécessité de créer un “contre-feu” : allumer un feu contrôlé pour stopper un incendie en consommant les matériaux combustibles sur son passage. Pour Sansal, ce feu est essentiel en Europe si on veut lutter contre les islamistes.Aujourd’hui, les tensions entre la France et l’Algérie ne semblent pas se calmer. Ce n’est pas seulement en raison de la volonté d’Abdelmadjid Tebboune d’exploiter le filon du “complot français”, mais aussi parce que l’affrontement entre la démocratie et la dictature est, à terme, inévitable. Il est difficile de concevoir une coexistence durable entre un système libéral et démocratique et un autre de nature totalitaire, qui ne se limite pas à ses frontières. L’Américain Elihu Root, qui fut secrétaire d’Etat de 1905 à 1909, avait déclaré : “Il est impossible que le monde continue à être moitié démocratique et moitié autoritaire.” A ses yeux, l’un de ces systèmes devait finir par l’emporter sur l’autre.Le régime de Tebboune se montre particulièrement virulent contre la France, sa culture et ses valeurs. Faut-il, pour reprendre les mots de Boualem Sansal, que notre pays allume un contre-feu afin de stopper l’incendie initié par Alger ? En tout cas, n’oublions jamais que la dictature algérienne ne cible pas seulement notre pays, mais avant tout sa propre population.* Ecrivain et poète né près de Damas en 1987, Omar Youssef Souleimane a participé aux manifestations contre le régime de Bachar el-Assad, mais, traqué par les services secrets, a dû fuir la Syrie en 2012. Il vient de publier L’Arabe qui sourit (Flammarion).



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Publish date : 2025-04-23 13:58:00

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