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Des dizaines de nouveaux engagés chaque jour. Malgré sa participation à des négociations avec les États-Unis en vue d’un très hypothétique cessez-le-feu en Ukraine, la Russie semble loin de renoncer à ses objectifs militaires. Parmi ses ambitions ? Augmenter drastiquement le nombre de soldats mobilisables sur le front, condition sine qua non à la poursuite de la guerre, lancée par l’invasion de son voisin il y a plus de trois ans. Comme documenté par plusieurs travaux scientifiques, mais aussi de nombreuses enquêtes journalistiques, une augmentation sensible du nombre de volontaires prêts à aller combattre en Ukraine est constatée ces dernières semaines en Russie. Cadence de recrutement élevéeLe chercheur allemand Janis Kluge, chef adjoint de la division “Europe de l’Est et Eurasie” au German Institute for International and Security Affairs (SWP), mène de nombreuses recherches sur ces dynamiques de recrutement impulsées par le Kremlin. Ce spécialiste de la Russie est parvenu à établir un modèle permettant d’appréhender l’évolution du nombre de soldats nouvellement engagés, mois par mois, détaillé dans un article publié le 13 avril dernier. D’après ses calculs, basés sur l’analyse de données officielles russes partielles, il estime “avec un degré de confiance élevé” qu’environ “1 000 à 1 500” nouveaux contrats ont été signés chaque jour en Russie durant le mois de mars pour renflouer les troupes militaires, contre 600 par jour il y a un an.Une cadence de recrutement élevée, qui résulte d’une volonté initiale du Kremlin d’augmenter drastiquement ses forces sur le front. Depuis décembre dernier, les gouverneurs des différentes régions russes sont poussés à accélérer l’enrôlement de nouveaux volontaires. Après avoir essuyé de nombreuses pertes humaines depuis le début du conflit, Moscou aurait besoin de 30 000 nouveaux soldats chaque mois pour avoir les capacités de poursuivre sa guerre. Selon Washington, environ 790 000 militaires russes auraient été tués ou blessés au combat depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022. 600 000 autres seraient aujourd’hui mobilisés sur le champ de bataille, d’après la même source. Impossible de vérifier avec précision ces données, la Russie ne communiquant pas sur ses pertes réelles. Primes à la signature colossalesUne certitude : les autorités russes multiplient les stratégies pour faciliter l’enrôlement de nouveaux soldats dans ses rangs. Toutes les régions n’optent en revanche pas pour la même approche. Beaucoup d’oblasts misent sur l’argument économique. Depuis plusieurs mois, l’augmentation du montant des primes à la signature a fini par convaincre certains hommes jusque-là réticents de s’engager. À l’automne dernier, le territoire du Khanty-Mansiïsk, dans le centre du pays, promettait déjà par exemple plus de 25 000 euros de gratification pour toute nouvelle intégration de l’armée – en plus d’un salaire annuel estimé à environ 50 000 euros. En Sibérie, dans la région d’Irkoutsk, près de 15 000 euros de prime sont promis à chaque nouvel homme recruté, comme rapporté dans un reportage de Siberia Realities, un média indépendant affilié à Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL). Il y a quelques mois, ce montant ne s’élevait qu’à un peu moins de 4 300 euros. Jusqu’à ce que les autorités décident mi-mars de le multiplier par 2,5 pour accélérer le nombre de demandes de rejoindre l’armée. “C’est censé être ce qu’ils vous paient pour mourir. Ou tuer. Ça dépend du résultat, j’imagine”, a déclaré Sergueï, l’un de ces volontaires, interrogé par les journalistes de cette antenne locale.Le récent contexte géopolitique, marqué par le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche et l’ouverture de pourparlers entre Washington et Moscou, figure également comme l’un des paramètres à même de pousser certains individus à se dire prêts à combattre. “Les spéculations sur les négociations américano-russes et une possible fin de la guerre attirent des opportunistes qui espèrent empocher une énorme prime à la signature tout en évitant les combats meurtriers du Donbass”, décrypte Janis Kluge dans son analyse. Le chercheur évalue la part actuelle des investissements russes dans les seules primes à la signature à environ 2 milliards de roubles par jour, soit plus de 21 millions d’euros. Un chiffre colossal, qui comprend à la fois l’argent versé par le gouvernement fédéral et les autorités régionales.Propagande et alternativesMalgré tout, avec de telles dépenses, le levier financier ne devrait pas suffire longtemps à la Russie pour étendre sa politique de recrutement. Dans la région de Moscou, la remise en marche d’une propagande plus accrue afin d’inciter les citoyens de la capitale à se porter volontaires se met en place. Le média russe indépendant Verstka a interrogé plusieurs sources appuyant cette information. “À la fin de l’année dernière, ils ont soudainement commencé à réduire toutes les campagnes, les banderoles et les tracts, mais maintenant, ils les intensifient à nouveau”, indique dans cet article une personne travaillant au sein de l’administration russe. D’après la même source, l’annonce de l’ouverture de discussions russo-américaines, couplée à l’annonce du recul ukrainien dans la région russe de Koursk, ont contribué à une hausse considérable du nombre d’accords pour servir l’armée. Dans le détail, le site web rapporte que 993 personnes ont signé un contrat d’engagement du 1 au 10 avril, contre seulement 499 sur les dix premiers jours de mars et 503 sur la même période en février. Augmentation circonstanciée aux derniers évènements ou enclenchement d’une nouvelle dynamique ? L’analyse des données des prochains mois devrait permettre de répondre rapidement à cette question. Nation au réservoir démographique de plus en plus limité ces dernières décennies, la Russie a pour le moment toujours trouvé des alternatives pour répondre à ses besoins sur le champ de bataille. Le Kremlin n’a pas hésité à soutenir le recrutement de prisonniers, parfois dangereux, pour aller combattre. Une loi a d’ailleurs été votée en septembre au Parlement russe pour permettre l’abandon des poursuites pénales contre toute personne acceptant de se rendre sur le front. L’appui militaire de Pyongyang a aussi permis à Moscou de disposer d’un réservoir de 14 000 soldats nord-coréens en supplément à ses troupes régulières. Tout comme le recours militaire à certains mercenaires chinois, népalais ou encore yéménites. Pour élargir encore le nombre de personnes possiblement mobilisables, les règles d’exemption concernant les malades atteints de certaines pathologies mentales pourraient également être largement revues. Une des pistes ? Selon RFE/RL, les Russes souffrant de problèmes psychiatriques “graves”, par exemple liés à des troubles de l’humeur ou au stress, pourraient finalement être prochainement déclarés aptes au combat. Symbole, là aussi, de l’incroyable capacité russe à ne pas s’embarrasser de trop de conditions de recrutement pour accroître sa puissance sur le terrain.”En dépit de pertes importantes sur le champ de bataille, la force militaire russe se reconstitue et s’accroît plus à un niveau plus rapide que ce que la plupart des analystes avaient anticipé”, prévenait ainsi lors d’une audition au Sénat américain début avril le général Christopher Cavoli, commandement des forces des États-Unis en Europe. Au-delà de la question des réserves militaires humaines, la Russie survit toujours aux imposantes sanctions financières sur ses échanges commerciaux, en ayant tourné une bonne partie de son économie vers l’effort de guerre.



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Publish date : 2025-04-18 13:00:00

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