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Toute dématérialisée qu’elle soit, l’IA n’échappera pas au chaos provoqué par la guerre commerciale de Donald Trump. Malgré la “pause” de 90 jours des droits de douane réciproques ciblant 75 pays et le sursis nébuleux accordé à certains produits électroniques, le secteur de l’IA est inquiet. Certes, les grands modèles de langage qui permettent à ChatGPT et ses congénères de tourner ne sont pas directement touchés. “Mais l’infrastructure du secteur est visée”, indique Wafaâ Amal, présidente de Prisme AI. Car l’entraînement des IA génératives requiert l’accès à de grandes quantités de processeurs graphiques (GPU) de dernière génération, comme ceux de Nvidia. Le PDG de ce dernier estimait, il y a un an, qu’un modèle de la taille de GPT-4 aurait nécessité l’utilisation pendant 90 jours de quelques 8000 puces H100 -dont le prix unitaire tutoyait les 40 000 $.Pour l’heure, les semi-conducteurs eux-mêmes échappent aux taxes, mais ce n’est pas le cas de nombreux produits qui en contiennent. SemiAnalysis, centre de recherche de référence dans le secteur, pointe dans une récente étude que les GPU sont considérés comme des “dispositifs de traitement de données”, et qu’ils ne figurent pas dans la liste des produits exemptés de droits de douane, pas plus que les “machines de traitement automatique”, un autre équipement largement utilisé dans l’industrie. Les GPU importés devraient donc être automatiquement soumis à des droits de douane, conclut le rapport.Les semi-conducteurs également touchésLes puces les plus puissantes au monde étant produites à Taïwan, celles utilisées pour l’entraînement des IA seront touchées. Ainsi, les GPU exportés de Taïwan vers les États-Unis doivent subir la taxe de 10 % s’appliquant à tous les produits du pays. ASML, l’un des acteurs les plus importants du secteur, n’est pas non plus épargné. Ses machines à ultraviolet extrême, qui permettent de produire les puces les plus fines, sont elles aussi ciblées par les taxes. Une très mauvaise nouvelle pour tout le secteur américain des semi-conducteurs, qui dépend de ces machines pour leur fabrication.Un autre nuage noir se profile : les semi-conducteurs devraient bientôt être taxés. Donald Trump a indiqué le 13 avril que des droits de douane visant spécifiquement ces équipements ainsi que les produits pharmaceutiques seraient mis en place dans les prochaines semaines. Si le montant de ces taxes n’est pas encore connu, la nouvelle effraie déjà l’industrie. “Il n’y a pas encore d’indépendance complète des Etats-Unis dans les semi-conducteurs et il n’y en aura peut-être jamais, toute cette sphère étant interconnectée. Les entreprises américaines n’auront pas d’autre choix que d’importer des semi-conducteurs asiatiques”, analyse Philippe Notton, PDG de SiPearl, entreprise spécialisée dans les microprocesseurs.Les fournisseurs de cloud ne seront pas non plus épargnés. Outre les puces, les data centers ont besoin de nombreux équipements pour fonctionner : un système complexe de refroidissement des circuits, des routeurs, des câbles, des transformateurs et des matériaux de construction. Une grande partie de ces éléments viennent de pays visés par des droits de douane dont… la Chine.En réponse aux droits de douane américains, Pékin a d’ailleurs annoncé restreindre l’exportation vers les États-Unis de sept nouvelles terres rares : le dysprosium, le gadolinium, le lutécium, le samarium, le scandium, le terbium et l’yttrium. Des minerais essentiels pour de nombreux produits électroniques présents dans la chaîne de valeur de l’IA. Le dysprosium est ainsi utilisé pour la production d’aimants de smartphones, le gadolinium dans les systèmes de refroidissements, et le lutétium et le terbium dans les écrans LED.Augmentation du prix des abonnements”Il risque d’y avoir une augmentation des coûts, notamment pour les fournisseurs de cloud”, prédit Wafaâ Amal. Quant aux entreprises comme OpenAI ou Google, qui développent et font tourner ChatGPT et Gemini, “maintenant que leurs produits sont connus et indispensables, ils vont certainement limiter l’accès gratuit aux utilisateurs”, pronostique Pascal Bizzari, directeur général délégué du cabinet de conseil en IA Avisia. Si cela ne suffit pas, le prix des abonnements pourrait augmenter.”Pour les entreprises qui dépendent de l’IA appliquée, particulièrement les start-up et les petits acteurs, ces hausses de frais risquent d’être douloureuses, explique Ayushman Dash, manager Data & AI chez Jus Mundi, un cabinet spécialiste dans le droit international et l’arbitrage. Le coût d’exécution des modèles d’IA pour l’analyse de données, le traitement du langage naturel ou la vision par ordinateur pourrait augmenter.”Les investissements dans l’intelligence artificielle risquent également de diminuer. “Nos clients pensent à mettre en pause les projets IA ou à diminuer les budgets de ceux qui ne généreraient pas immédiatement de chiffre d’affaires”, alerte Pascal Bizzari. La R & D risque d’être la grande perdante de cette guerre commerciale.Le coup à jouer de l’EuropeL’impact ne se verra pas à court terme, pointe Pierre Bosquet, associé en charge du programme IA chez PwC France : “les États-Unis sont le pays accueillant le plus de data centers au monde, et ces derniers sont d’ores et déjà bien équipés en GPU surpuissants.” Certaines parades pourraient également soulager les entreprises américaines. SemiAnalysis, dans son rapport, indique ainsi que les droits de douane actuels permettent aux structures américaines d’importer des GPU depuis le Mexique et le Canada sans aucun droit de douane.”Le vrai sujet, ce sont les effets secondaires de la politique ’America First’ de Donald Trump”, reprend Pierre Bosquet. “Cela va rester dans les esprits comme une nouvelle preuve de l’impérialisme américain, et relancer les sujets de souveraineté du cloud et de protection des données européennes utilisées par les IA”. Cette nouvelle donne géopolitique peut constituer une vraie opportunité pour l’UE, et particulièrement pour la France. “Une future hausse du prix des GPU importés de Taïwan aux États-Unis pourrait améliorer la compétitivité du cloud en Europe, où les droits de douane resteront inchangés”, précise l’expert.Le Stargate tricolore, ce plan de plus de 100 de milliards d’euros pour l’installation de data centers en France annoncé en février par Emmanuel Macron tombe à point nommé. L’Union européenne a également mis en place des initiatives pour promouvoir la production locale de semi-conducteurs, comme le European Chips Act, “ce qui pourrait réduire la dépendance aux pièces importées sensibles aux tarifs”, souligne Ayushman Dash. Le moment ou jamais pour l’Europe de devenir une puissance de l’IA.



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Author : Aurore Gayte

Publish date : 2025-04-15 05:30:00

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