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L’économiste Desmond Lachman a le nez creux. En début de semaine, le chercheur à l’American Enterprise Institute anticipait déjà, dans les colonnes de L’Express, une volte-face de Donald Trump, sous la pression des marchés financiers et de l’opinion publique américaine. Ce, tout en faisant mine qu’elle faisait partie du plan. Bingo ! Au détour d’un post sur son réseau Truth Social, Donald Trump annonce mercredi 9 avril – jour de l’entrée en vigueur des droits de douane additionnels – suspendre ses nouvelles mesures tarifaires pour une durée de 90 jours. Pour expliquer ce revirement, le secrétaire d’Etat au Trésor, Scott Bessent, s’empresse de tempérer et assure qu’il s’agissait de “sa stratégie depuis le début”. Une pirouette qui clôt une semaine chaotique, où l’économie mondiale a été ballottée au rythme des coups de menton du président américain.Le feuilleton s’ouvre fin mars, par un aphorisme aux accents messianiques : le “Liberation Day”. Un jour – le mercredi 2 avril, en l’occurrence – présenté par Donald Trump comme celui d’une “déclaration d’indépendance économique”. “Je refuse qu’on profite des Etats-Unis et je pense que les tarifs douaniers sont nécessaires pour garantir l’équité du commerce international et protéger les travailleurs américains”, fait valoir le milliardaire républicain qui promet l’instauration de nouveaux droits de douane dont l’entrée en vigueur est prévue en deux temps.Un premier volet, samedi 5 avril, consiste à appliquer des droits de douane planchers de 10 % sur toutes les importations. Un second, le mercredi 9 avril, prévoit des mesures additionnelles dirigées à l’encontre d’un florilège de partenaires commerciaux. Ainsi, les produits chinois seront taxés à 34 %, ceux en provenance de l’Union européenne à 20 %, le Vietnam à 46 %… Même certaines îles inhabitées de l’Antarctique n’échappent pas à la nouvelle politique commerciale américaine. La Russie, elle, curieusement, est épargnée.Le contre-pied d’Elon MuskEn une cinquantaine de minutes seulement – le temps de sa conférence de presse -, Donald Trump provoque une onde de choc dans le monde entier. Jeudi, les principales places boursières dévissent, atteignant leur plus bas niveau depuis le début de la pandémie de Covid-19 au printemps 2020. Des milliards de dollars d’actions partent en fumée. L’or noir, lui, plonge et replonge. La panique gagne les financiers et les dirigeants politiques, qui peinent à comprendre la cohérence des chiffrages annoncés.Quelques heures après la salve de mesures américaines, Emmanuel Macron dénonce une “décision brutale et infondée […] d’une extrême gravité pour l’économie européenne” et enjoint les entreprises tricolores engagées aux Etats-Unis à suspendre tous leurs projets d’investissements jusqu’à ce que la position de Donald Trump soit “clarifiée”. Le lendemain, le 4 avril, la perspective d’une escalade avec Pékin mêlée à une crainte de récession fait de nouveau plonger les marchés boursiers, qui connaissent alors un “vendredi noir”.Si l’incertitude créée par les annonces de Donald Trump n’est pas bonne pour les affaires, elle ne l’est pas non plus pour celles d’Elon Musk. Jusqu’alors peu disert sur la politique tarifaire de la Maison-Blanche, le patron de X prend, dimanche, le contre-pied du président, en suggérant l’idée d’une “zone de libre-échange” entre l’Europe et l’Amérique du Nord, avec des “droits de douane nuls”. Mardi, le même Elon Musk s’en prend directement à Peter Navarro, l’architecte de la guerre commerciale lancée par Donald Trump. En plus d’être “bête comme ses pieds”, et “crétin”, “ce qu’il dit est manifestement faux”, pilonne le milliardaire sud-africain depuis son compte X.Qui a achevé de convaincre Donald Trump ?Le revirement de Donald Trump serait toutefois survenu dans les dernières vingt-quatre heures précédant l’entrée en vigueur des droits de douane fixée au 9 avril. Il y a d’abord eu les marchés financiers, qui ont continué à s’effondrer en début de semaine. Puis, dans le sillage de nombreux dirigeants étrangers, plusieurs sénateurs républicains ont exprimé leur inquiétude face au spectre d’une récession mondiale. Dans la soirée du mardi 8 avril, un cénacle d’élus du Grand Old Party s’entretient par téléphone avec le président, tentant tant bien que mal de le convaincre de rebrousser chemin. Tous participaient ce soir-là à l’émission de Sean Hannity sur Fox News, au cours de laquelle le sénateur républicain de Louisiane, John Neely Kennedy, demande “quinze secondes pour parler directement au président” au sujet des tarifs douaniers.Reste que, au sein du parti républicain, c’est bien Ted Cruz qui fait figure d’exception. Tandis que Donald Trump et ses sbires s’évertuent à tuer dans l’œuf toute dissension publique au sein du mouvement, le sénateur du Texas n’hésite pas à émettre des critiques sur les orientations choisies par le gouvernement. Ces derniers jours, celles-ci se sont, sans surprise, concentrées sur les mesures protectionnistes infligées par l’administration américaine au reste du monde. Pour convaincre le locataire de la Maison-Blanche d’enclencher une marche arrière, le sénateur du Texas aurait notamment misé sur l’échéance des élections de mi-mandat, prévues à l’automne 2026. Ted Cruz en est convaincu, sans abandon de sa politique, 2026 aurait été “un bain de sang” électoral” pour son camp.Si Ted Cruz se réjouit d’avoir pesé dans la suspension d’une partie des droits de douane, penser que sa seule intervention ait joué dans la décision de Donald Trump est illusoire. La pression autour de l’occupant du bureau Ovale s’accentuait à mesure que l’échéance de mercredi 9 avril approchait. Pour nos confrères du Washington Post, un interlocuteur en particulier aurait joué un rôle déterminant dans ce virage à 180°. Il s’agirait de Karin Keller-Sutter, la présidente de la Confédération helvétique, qui a téléphoné mercredi à l’heure des croissants à son homologue américain. La cheffe d’Etat aurait tenté de convaincre Donald Trump de renoncer aux 31 % de taxes imposées aux montres Rolex et au chocolat suisse, lui rappelant par exemple la levée des barrières douanières sur les produits industriels américains l’an dernier et les emplois créés par les entreprises suisses outre-Atlantique.La matinée où tout a basculéPour comprendre l’influence qu’aurait pu avoir cet appel de vingt-cinq minutes, le New York Times rappelle que la Suisse se place au 6e rang des investisseurs étrangers aux Etats-Unis et est à la tête du podium des investisseurs en recherche et développement. Autre poids lourd de l’économie mondiale qui a pu jouer un rôle dans ce détricotage : Jamie Dimon. Sur la chaîne conservatrice Fox News, le PDG de JPMorgan tire mercredi matin la sonnette d’alarme et agite le spectre d’une récession provoquée par le ralentissement des dépenses des investisseurs et des entreprises. L’interview a été regardée par des millions d’Américains, dont le premier d’entre tous, Donald Trump.Aux abords de midi, Scott Bessent et le secrétaire au Commerce Howard Lutnick se réunissent autour de Donald Trump, l’aident à confectionner ce qui a été tranché dans la matinée. L’entreprise n’est pas simple. Comment reculer sans démonétiser la parole du leader de la première puissance mondiale ? La main tendue d’un cortège de pays qui se sont dits ouverts à des négociations bilatérales avec les Etats-Unis sera leur alibi. La suite, on la connaît. “Du fait de la volonté de plus de 75 pays de négocier, j’ai autorisé une pause de 90 jours et des droits réciproques substantiellement réduits durant cette période”, annonce Donald Trump sur Truth Social. Lorsqu’il est interrogé une heure plus tard sur la pelouse de la Maison-Blanche, Donald Trump se contentera d’éluder : “Je trouvais que les gens s’emballaient un peu trop. Ils devenaient nerveux.”



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Author : Ambre Xerri

Publish date : 2025-04-10 14:00:00

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