La tension ne redescend pas entre les Etats-Unis et le Danemark, pourtant l’un de ses plus fidèles alliés européens depuis des décennies. Alors que Donald Trump a réitéré sa volonté d’incorporer aux Etats-Unis le Groenland, un territoire faisant partie du royaume nordique, son vice-président, J.D. Vance, se rend ce vendredi 28 mars, avec son épouse, sur la base américaine de Pittufik, au nord-ouest de cette île convoitée. “La confiance est cassée avec les Etats-Unis”, estime Flemming Splidsboel Hansen, de l’Institut danois des études internationales (DIIS).L’Express : Que pensez-vous du déplacement de J.D. Vance au Groenland ?Flemming Splidsboel Hansen : La femme du vice-président, Usha Vance, devait d’abord se rendre au Groenland pour ce qui était présenté comme un voyage privé. A cause de la pression, notamment locale, cette visite a été annulée au profit d’un déplacement de J.D. Vance à Pittufik, où se trouve une base américaine. Certaines personnes voient cela comme un geste d’apaisement, mais ce n’est pas mon cas. Car c’est la première fois qu’un vice-président ou qu’un président américain voyage au Groenland. Je pense que les Américains se disent : comme vous ne voulez pas que cela se passe de la manière douce, on va faire autrement. Et donc le vice-président va se déplacer et faire des déclarations sérieuses. Tout ceci nous met au défi.Pourquoi, selon vous, l’administration Trump se montre-t-elle obsédée par le Groenland ?Leur obsession s’explique par leur néo-impérialisme et leur volonté d’avoir plus de territoires. Trump a dit lors de son discours d’inauguration qu’il allait agrandir les Etats-Unis. Ils disent qu’ils en ont besoin pour des raisons de sécurité nationale, pour la paix mondiale. Pourtant, la menace principale vient de Russie. Je vois donc une inadéquation entre la façon dont ils parlent du Groenland, dont ils disent en avoir besoin, et leur coopération avec la Russie. Je pense qu’il s’agit d’une invention. L’autre argument est l’accès à des réserves minérales au Groenland, pour lesquelles il y a un intérêt économique. Je pense que la motivation réelle, c’est d’agrandir le territoire américain en prenant le Groenland et peut-être même le Canada.Donald Trump a déclaré que le Danemark était un mauvais allié. A-t-il raison ?Bien sûr, il se trompe. Le Danemark a été un très bon allié pour les Etats-Unis et les a suivis en Afghanistan, en Irak et en Syrie. Nous avons aussi envoyé une frégate en mer Rouge. Il y a même eu des débats internes au Danemark sur le fait que nous étions allés beaucoup trop loin avec les Américains. Quand Trump dit que le Danemark et d’autres pays sont de mauvais alliés et qu’il ajoute qu’il s’interroge sur le fait qu’ils ne soutiendraient pas les Etats-Unis en cas de besoin, c’est de la manipulation politique ou simplement de l’ignorance. Car l’article 5 de l’Otan a seulement été utilisé une fois, pour soutenir les Etats-Unis après les attentats du 11-Septembre. Le langage de Trump est très dommageable et met à mal l’Otan et la relation transatlantique. Je ne pense pas qu’il s’en rende parfaitement compte – et de toute façon, il s’en fiche !Donald Trump Jr arrive à Nuuk, au Groenland, le 7 janvier 2025Qu’est-ce que cela change ?Au Danemark, nous avions un plan A, qui consiste à dépenser beaucoup d’argent pour montrer aux Etats-Unis que nos les aimions, afin qu’ils nous aiment en retour. Maintenant, il s’est développé un plan B, qui consiste à prendre soin de nous-même. Dans les différents cercles politiques, j’entends de plus en plus qu’il faut passer au plan B. Chaque parti est divisé entre ceux qui disent qu’un séisme est en cours, que c’est une situation entièrement nouvelle, qu’il faut revoir notre politique étrangère, nos alliances, beaucoup plus au profit de l’Union européenne par exemple, et d’autres qui disent qu’il faut être patient.La confiance avec les Etats-Unis est-elle cassée ?Oui, je pense que la confiance est cassée avec les Etats-Unis. Pour nous, c’est principalement lié au Groenland. Chaque matin, dans les ministères comme celui des Affaires étrangères, au Danemark, les gens se demandent quelles informations ils vont découvrir sur leur téléphone. Trump l’a encore mentionné avant le déplacement de Vance, assurant qu’il devait s’emparer de ce territoire. Prétendre que le voyage de la femme du vice-président ou celui de cinq heures de Donald Trump Jr. ont pour but de découvrir la belle île du Groenland, cela relève de la manipulation. Il y a une stratégie politique derrière cela, une opération d’influence visant la population du Groenland, montée et exécutée avec un grand niveau de cynisme.Comment la Première ministre Mette Frederiksen et son gouvernement gère-t-ils cette menace américaine ?On trouvera bien quelques partis et politiciens pour dire qu’ils l’ont mal géré. Mon opinion personnelle est qu’ils gèrent cela très bien. Ils bénéficient d’ailleurs d’un large soutien politique. Ils ont été dans la retenue, jusqu’aux élections législatives groenlandaises du 11 mars, pour ne pas être accusés d’interférences. Depuis, le gouvernement se permet d’être plus réactif. Le Groenland doit décider seul de son avenir et choisir le moment de quitter le royaume du Danemark. C’est ce que le Danemark a toujours défendu auprès de Donald Trump : le Groenland revient aux Groenlandais. Maintenant les Américains disent que si cela se décide non pas à Copenhague, mais à Nuuk. Ils mettent donc la pression sur Nuuk. Le Groenland se trouve dans une position difficile, d’autant qu’il n’a pas encore formé de gouvernement.Que fait le Danemark pour renforcer sa crédibilité en matière de défense ?Nous essayons de faire avancer le plan A, qui consiste à dépenser plus d’argent pour que les Américains nous aiment ! Ce plan implique de dire aux Américains qu’ils ont raison quand ils disent que nous avons échoué, mais qu’à présent nous allons augmenter nos dépenses pour notre sécurité, pour prendre notre part plutôt que ce soit le contribuable américain qui paye.Que change le Danemark dans son approche ?Nous changeons beaucoup de choses. Déjà, juste après l’invasion de l’Ukraine, nous avons renoncé à nos “opt out” (dérogations) en matière de défense au sein de l’Union européenne. L’Otan est encore vue comme notre espace d’échange principal en matière de défense, mais il y a de l’inquiétude. Nous verrons ce qu’il restera de l’Otan après le prochain sommet. Nous sommes dorénavant totalement engagés dans l’Union européenne, ce qui est un gros changement. On a développé deux jambes, l’Otan et l’UE. La jambe otanienne va peut-être mourir doucement. Le fait que les Etats-Unis continuent de nous menacer, également par des moyens militaires, sape la confiance au sein de l’alliance.Nous dépensons beaucoup plus d’argent dans la défense, mais nous avons un problème pour dépenser vite, car on ne produit rien, et il faut donc voir quoi acheter, où et à qui. C’est un défi très important, car il faut être rapide. Il y a même des débats autour d’un “impôt de guerre”. Nous remodelons aussi notre armée avec l’ouverture de la conscription aux femmes. Elle passe de 4 mois, ce qui était insuffisant, à 11 mois.Est-ce que le Danemark pourrait envoyer des troupes en Ukraine, dans le cadre de la coalition de volontaires menée par la France et le Royaume-Uni ?Oui, je pense qu’on pourrait le faire, mais ce n’est pas un grand débat actuellement au Danemark. Notre soutien général à Ukraine a toujours été très élevé et continuera de l’être.Mette Frederiksen n’a pas écarté l’idée qu’il y ait des armes nucléaires françaises sur le sol danois…Je ne pense pas qu’il y ait quelque chose de concret. On l’a interrogé sur ce point et elle a dit que le Danemark n’était pas dans une position de rejeter ce qui était proposé. Les politiciens ne lui sont pas tombés dessus ensuite, en lui disant que c’était inacceptable. L’offre de dialogue stratégique a été lancée par le président français et suivie par les Allemands. S’il fallait se résigner à ce qu’il n’y ait plus de parapluie nucléaire américain, il faudrait repenser cela. Ce n’est pas un débat au Danemark, mais cela pourrait refaire surface. Donald Trump a fait beaucoup de dégâts en deux mois, il va peut-être continuer.
Source link : https://www.lexpress.fr/monde/europe/visite-de-jd-vance-au-groenland-la-confiance-est-cassee-avec-les-etats-unis-QPVYHBDJ5NHGZEKGCAFOQ2MLBA/
Author : Clément Daniez
Publish date : 2025-03-28 04:45:00
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