L’Express

« Cela se passera ailleurs » : l’Assemblée nationale, ce lieu où il ne faut plus être (pour durer)

L'Assemblée lors de l'adoption du budget 2021, le 17 décembre 2020 à Paris




Renoncer à briguer de hautes fonctions, quelle drôle d’idée. Nos élus nous ont plutôt habitués à l’inverse, forts d’un insatiable appétit de pouvoir. Lui n’a pas hésité. Cet ancien président de commission macroniste n’a brigué aucun poste à responsabilité dans la nouvelle Assemblée nationale. Sans regrets. « Il ne va rien se passer. Je ferais quoi dans un système bloqué où je me ferais c… comme un rat mort dans mon bureau ? »Notre homme aurait-il perdu la raison ? Les élections législatives ont accouché d’un Parlement émietté, indépendant d’un président jadis tout puissant. Le roi est mort, vive le Palais Bourbon ! Dès juin 2022, l’absence de majorité absolue lui avait donné un relief inédit, d’âpres négociations accompagnant chaque projet de loi. Certains députés en vue se réjouissaient même – mauvaise foi comprise – de ne pas siéger au Conseil des ministres. Non, le pouvoir était ailleurs. « Il faut toujours mieux être dedans que dehors, juge en privé la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet. Politiquement c’est là que ça se passe. » L’analyse a la force de l’évidence.2024, 2022 en grand ? Beaucoup de responsables politiques en doutent. La majorité absolue était à portée de main il y a deux ans, par la grâce de rapprochements ponctuels entre la Macronie et Les Républicains (LR). Elle semble aujourd’hui hors d’atteinte, au vu de l’éclatement de l’hémicycle en trois blocs antagonistes. Au vu, enfin, de l’absence de culture du compromis d’une classe politique biberonnée au fait majoritaire. Une forme de spleen étreint déjà des élus, angoissés à l’idée de leur propre effacement. « Quand on est député, on a envie de dire que le cœur de la vie démocratique est l’Assemblée. Mais là ce n’est pas vrai, cela ne va pas s’écrire là », anticipe une ministre. « Je voyais dans le 7 juillet une opportunité pour parlementariser le régime, glisse un député NFP. Mais les menaces de censure à la moindre contrariété ne vont pas dans ce sens. » L’ancien patron de l’UMP Jean-François Copé redoute enfin l’impossibilité « de faire passer des lois ». »Cela se passera ailleurs »Laurent Wauquiez partage ces observations. Lui estime que seul un « gouvernement technique », à faible tonalité politique, peut naître de cette Assemblée ingouvernable. Le président du groupe Droite républicaine (DR) a fait un retour remarqué dans l’hémicycle, mais regarde déjà ailleurs. « Il ne veut pas, malgré sa fonction, se laisser enfermer dans les débats parlementaires avec leur intérêt et leurs limites, note un proche. Il y a des points d’étapes où il faudra être là. Pour le reste, cela se passera ailleurs, sur le terrain et dans les médias. » En 2017, Edouard Philippe théorisait que Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen devaient être à l’Assemblée. Que croit-il aujourd’hui, lui qui a choisi de rester maire du Havre après la dissolution ?Une Assemblée bloquée. Au poids politique inversement proportionnel à son éruptivité. Ce pressentiment repose sur une analyse froide de la configuration au Palais Bourbon. Chez des élus, elle revêt aussi la forme d’une prophétie auto-réalisatrice. D’un souhait dissimulé, car la quête du compromis n’étreint pas la classe politique. A trois ans de l’élection présidentielle, chacun veut préserver sa pureté doctrinale. Ne pas s’abîmer dans des négociations législatives, tant une rhétorique de la trahison – « accords d’appareil », « combinazione » – les accompagne. « Personne ne veut gouverner, et assumer des décisions difficiles, note l’eurodéputé Renew Gilles Boyer. Tout le monde veut être opposant, cela n’est pas sain et risque de nous faire perdre deux ans. » @lexpress 💬 « Macron n’a pas fait que procrastiner, il s’est cogné au réel. » Il a fallu au président comprendre, étape par étape, ce qui lui était arrivé avec cette dissolution. L’analyse de notre journaliste, Eric Mandonnet. #macron #dissolution #législatives #premierministre #apprendresurtiktok #tiktokacademie #Sinformersurtiktok #newsattiktok ♬ original sound – L’Express – L’Express La France insoumise pousse la candidature de Lucie Castets à Matignon mais son intransigeance – « tout le programme du NFP, rien que le programme du NFP » – jette un doute sur son désir d’exercer le pouvoir. Laurent Wauquiez mime l’esprit de responsabilité avec son « pacte législatif » mais refuse toute coalition gouvernementale afin d’incarner l’alternance. Le RN regarde par-dessus la fenêtre. La formation d’extrême droite refusait d’entrer à Matignon en l’absence de majorité absolue. Défaite dans les urnes, elle se concentre sur sa restructuration interne. Son numéro 2 Louis Aliot érige déjà la préparation des « prochaines législatives » en priorité. Loin des travaux à venir au Palais Bourbon. Il faut enfin écouter cette députée Ensemble pour la République (EPR) qui ne dirait pas non à une cure d’opposition. « Au centre, on porte toujours la responsabilité des compromis et on finit par passer pour des technos. Dans l’opposition, on porte un message plus fort et plus politique. » Elle s’en est ouvert à Gabriel Attal, moins séduit par cette thèse. »L’opinion contre l’Assemblée »Parfois Gérald Darmanin varie. On prête au ministre de l’Intérieur démissionnaire l’envie de rester au gouvernement après la prise du groupe Renaissance par Gabriel Attal. Au cœur de l’été, l’homme envisageait de retrouver le statut d’opposant dans cette Assemblée insaisissable. Il en tirait même une théorie. Il faudrait parfois jouer « l’opinion contre l’Assemblée » dans l’hémicycle, tant celui-ci ne serait qu’une représentation imparfaite d’une France à droite. Il faudrait y porter des idées fortes – quitte à essuyer des défaites – et ne pas sombrer dans le compromis permanent.Que pense la France ? Son refus de la réforme des retraites ne la classe t-elle pas à gauche ? A moins que sa fermeté sur les sujets régaliens ne la range à droite ? A l’aube d’une pré-campagne présidentielle, chaque camp surjoue enfin sa victoire idéologique pour limiter des concessions jugées en décalage avec l’opinion majoritaire. « Je ne crois pas à la fable qui consisterait à dire que les Français nous demandent de tous travailler ensemble, et on va se prendre par la main et faire une grande ronde, juge une ministre. Je ne connais pas un électeur de droite qui serait ravi d’une grande coalition avec la gauche et inversement. Cette fable vaguement séduisante signe la mort idéologique des partis politiques. »Au risque de limiter le rôle du Parlement dans la vie politique. Maintenant, et après ? Un député EPR s’alarme déjà d’une paralysie ouvrant un « boulevard vers un truc vertical et autoritaire » dans trois ans. « Les parlementaires ouvrent la voie à un gouvernement par ordonnances du prochain président de la République, s’inquiète l’ancien ministre de la Justice et professeur de droit public Jean-Jacques Urvoas. L’Assemblée ne peut pas demander à être respectée si elle ne se montre pas respectable. » Pour l’être, elle devra prouver son utilité.



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Author : Paul Chaulet

Publish date : 2024-08-31 08:30:00

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