C’était une formalité, mais sa mise en scène devait être parfaite. Après quatre jours de convention euphorique à Chicago, Kamala Harris a officiellement accepté l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle. Arrivée sur scène à 21h30 (heure locale) devant une foule transcendée, la vice-présidente a d’abord souligné l’étrange contexte qui l’a amenée à remplacer Joe Biden, il y a un mois. « Le chemin qui m’a conduite ici ces dernières semaines était sans doute inattendu. Mais je ne suis pas étrangère aux voyages improbables », a-t-elle commencé.Dans son discours d’investiture, probablement le plus important de sa carrière jusqu’à présent, Kamala Harris s’est longuement adressée à l’ensemble des Américains. « Au nom du peuple, au nom de tous les Américains, peu importe leur parti, leur race, leur genre », au nom de ceux « qui travaillent dur, poursuivent leurs rêves et veillent les uns sur les autres, au nom de tous ceux dont l’histoire ne peut s’écrire que dans la plus grande nation du monde, j’accepte votre nomination pour devenir présidente des Etats-Unis », a lancé la candidate.Car si la convention démocrate a pour objectif d’électriser le cœur de l’électorat, le discours d’investiture est une opportunité unique de se faire entendre au-delà de cette base. En juillet dernier, plus de 25 millions de personnes ont regardé le discours de Donald Trump lors de la convention républicaine. Kamala Harris a d’ailleurs salué les « personnes aux différents points de vue politiques qui nous regardent ce soir », avant d’appeler à dépasser les « batailles clivantes du passé », leur « cynisme » et leur « amertume ».La charge contre Trump, « un homme pas sérieux »Mais cette invitation à l’unité n’est pas synonyme de mollesse. Haussant la voix, dans un ton grave et solennel, l’ancienne procureure s’en est prise plusieurs fois à son adversaire républicain. « Regardez ce qu’il a l’intention de faire si nous lui donnons à nouveau le pouvoir », a-t-elle déclaré. « Regardez son intention explicite de libérer les extrémistes violents qui ont agressé les forces de l’ordre au Capitole. Son intention explicite d’emprisonner les journalistes, les opposants politiques et tous ceux qu’il considère comme des ennemis. Son intention explicite de déployer nos militaires en service actif contre nos propres citoyens ». Avant de résumer ainsi un nouveau mandat du républicain : « Imaginez un peu. Donald Trump sans garde-fou. »Kamala Harris: « In many ways, Donald Trump is an unserious man … But the consequences of putting Donald Trump back in the White House are extremely serious. »https://t.co/j96Tts0Moe pic.twitter.com/7KCGLdJanR— NBC News (@NBCNews) August 23, 2024Kamala Harris a notamment mentionné le « Projet 2025 », ce programme ultraconservateur préparé par des proches du milliardaire, qui renforcerait grandement les pouvoirs du président américain et placerait sous son contrôle personnel de nombreux fonctionnaires fédéraux. « À bien des égards, Donald Trump est un homme pas sérieux », a déclaré la candidate dans un tailleur sombre. « Mais les conséquences d’un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche sont extrêmement graves » et ramèneraient « notre pays des années en arrière ».Plus une profession de foi visant à asseoir sa stature présidentielle qu’un discours programmatique, Kamala Harris a promis d’être « une présidente qui dirige et écoute », et « nous réunit autour de nos plus hautes aspirations ». Les priorités démocrates énoncées ces dernières semaines ont tout de même été citées : rétablissement du droit à l’avortement, soutien à la classe moyenne, dans la continuité du bilan de Joe Biden, une économie « qui permette à chacun de réussir » et une réforme du système d’immigration, « défaillant » selon celle qui fut chargée par le président Biden d’en gérer les causes.Sa vision de la politique étrangèreKamala Harris a également évoqué sa politique étrangère. La potentielle commander-in-chief a promis qu’elle continuerait à soutenir pleinement l’Ukraine et que « contrairement à Donald Trump », elle ne ferait pas « ami-ami avec des dictateurs ». Sur l’offensive israélienne à Gaza, un sujet très clivant au sein du Parti démocrate, elle a assuré qu’elle ferait en sorte qu’Israël ne vivrait plus jamais « l’horreur causée par l’organisation terroriste Hamas le 7 octobre », mais a affirmé que « ce qui se passe à Gaza depuis dix mois est épouvantable ».Pour Kamala Harris, l’objectif de cette convention démocrate était aussi de dévoiler qui elle est aux électeurs américains, qui la connaissent encore peu, malgré sa notoriété de n°2 de l’exécutif. Après le discours plein d’humour prononcé par son mari, l’avocat Doug Emhoff, mardi 21 août, c’est la sœur de Kamala Harris qui a pris la parole un peu avant elle.L’hommage à sa mèreAu fil de son discours d’investiture, la native d’Oakland, en Californie, a rendu un hommage appuyé à sa mère, Shyamala Gopalan, médecin oncologue indienne qui s’est installée aux Etats-Unis à l’âge de 19 ans et décédée en 2009. « J’ai vu comment le monde la traitait parfois. Mais ma mère n’a jamais perdu son calme. Elle était forte, courageuse », a affirmé la candidate qui a aussi dit avoir appris d’elle « à ne jamais (se) plaindre de l’injustice, mais à agir contre ».Fille d’immigrés indien et jamaïcain, Kamala Harris n’a pas insisté sur le caractère historique de sa candidature. Si elle était élue le 5 novembre prochain, elle serait la première femme et la première femme noire à occuper le Bureau ovale. Ce n’est d’ailleurs pas elle mais la foule qui était habillée en blanc, la couleur associée aux combats politiques des femmes.Au contraire, Kamala Harris a préféré mettre en avant son enfance dans la classe moyenne, plus fédératrice auprès des électeurs. Elevée dans un « beau quartier ouvrier de pompiers, d’infirmières et d’ouvriers du bâtiment », la candidate démocrate a aussi parlé de sa vocation de procureure, apparue au lycée quand une de ses amies lui a confié se faire agresser sexuellement par son beau-père. « Chaque jour, au tribunal, je me suis tenue fièrement devant le juge et j’ai prononcé cinq mots : Kamala Harris, pour le peuple », a-t-elle martelé, en référence à la phrase protocolaire des procureurs. Maintenant la convention terminée, il lui reste encore 74 jours pour faire de cette formule une réalité.
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Publish date : 2024-08-23 08:27:54
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