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Mal-être au travail : comment la détresse psychologique a « remplacé » le burn-out

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Deux mots chuchotés comme s’ils pouvaient être contagieux : « burn-out » (combustion). L’épuisement professionnel est pour la première fois détaillé en France en juin 1959 par le psychiatre Claude Veil qui a introduit le concept dans l’histoire médicale (Les états d’épuisement. Le Concours médical, Paris) avant qu’il ne traverse l’Atlantique. « Les médecins psychiatres utilisaient alors ce terme de burn-out pour qualifier l’état de patients « cramés » par l’abus de drogues dures », relate Valentine Hervé, psychologue clinicienne (« Le burn-out, un syndrome d’épuisement professionnel », site de Paris VI).A l’époque, le psychiatre américain Herbert J. Freudenberger, qui travaille dans une clinique de bénévoles pour soigner les toxicomanes, découvre qu’il est lui aussi carbonisé par sa mission et documente cette fatigue extrême liée au travail (Staff burn-out, Journal of social issue, 1974 et Burn-out. The high cost of high achievement, avec Géraldine Richelson, Bantam Books, 1981).En France, on (re) découvre les pathologies liées au travail et notamment du stress, avec un plan d’urgence de prévention des RPS (risques psycho-sociaux) du ministère du Travail en 2009. Puis, celui-ci publie un guide pour prévenir le burn-out en 2015, tandis que la loi Rebsamen établit que les maladies psychiques peuvent être reconnues comme étant d’origine professionnelle. Le burn-out n’en fait pas partie. « Il ne décrit pas un état mais plutôt un processus : l’épuisement professionnel qui peut déboucher, au terme de plusieurs phases, sur un effondrement total de la personne et donc sur des maladies psychiques », explique Valentine Hervé (Ibid). Ces dernières années, un nouveau terme a fait son apparition : la détresse psychologique. C’est ainsi qu’en novembre 2023, 48 % des salariés français déclaraient être dans un tel état, soit quatre points de plus qu’en février et sept points de plus qu’en mars 2022 (Empreinte Humaine/OpinionWay, 12e édition).Burn-out, risques psychosociaux, détresse psychologique… Le vocabulaire se transforme au fil du temps. Comment l’expliquer ? « Si l’employeur est responsable de la santé mentale, elle est très difficilement définissable, d’où l’évolution du champ sémantique », analyse Philippe Emont, cofondateur du cabinet AlterNego (spécialisé dans la négociation et la gestion de conflits en entreprise). « L’expansion du terme burn-out est une source de confusion en raison des limites imprécises de cette réalité », déclare l’Académie de médecine dans son rapport du 23 février 2016. La dépression en revanche est bien une maladie, mais n’est pas inscrite au tableau des maladies professionnelles… ce qui oblige les médecins à mettre en place des protocoles précis pour caractériser son origine. Origine professionnelle ou non ? Le flou perdure autour de l’expression générique « santé mentale » qui possède un spectre aux multiples ramifications (stress, dépression, surcharge psychique…). »Depuis une vingtaine d’années, les termes évoluent. Nous sommes sortis des anglicismes. On s’approprie par le français une réalité qui recouvre des choses plus ou moins semblables », décrit Philippe Emont. Il y voit « un enrichissement du vocabulaire, car c’est le corps social qui se l’approprie ». Par ailleurs, l’acculturation par la société de ces termes, la médiatisation de situations dramatiques comme le suicide de plusieurs dizaines de salariés de France Télécom dans les années 2000, ainsi que les obligations légales des entreprises, font que ces dernières sont beaucoup plus attentives à ces risques, juge le cofondateur d’AlterNego. La prise de conscience sort du monde professionnel et les personnes concernées décrivent maintenant leur ressenti, sans tabou.Une souffrance diffuse qui recouvre des réalités différentes »Même si certains praticiens disent que ces termes ne veulent rien dire et que ce sont un ensemble de symptômes, d’agrégat d’émotions négatives, ce sont des expressions qui parlent à tout le monde et c’est bénéfique pour avancer », poursuit Philippe Emont.Un climat international anxiogène, un monde de l’entreprise de plus en plus ancré dans la société… « On est aussi dans un monde du travail complexifié et à un carrefour politique et social », analyse l’expert. Out le burn-out ? Non, mais désormais, une souffrance diffuse recouvre des réalités différentes exprimées, comme la « solastalgie » par exemple, néologisme du philosophe australien Glenn Albrecht, qui résulte d’un état émotionnel négatif lié à la dégradation de l’environnement (Solastagia : the distress caused by environmental change, Australasian Psychiatry, février 2007). Autrement dit, l’éco-anxiété, « une angoisse contemporaine » selon la Fondation Jean-Jaurès : 43 % de la population mondiale se dit très préoccupée par le changement climatique (Ipsos, novembre 2023).



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Author : Claire Padych

Publish date : 2024-08-20 06:30:00

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