L’Express

Crise agricole : après la colère, l’intense bataille législative à l’Assemblée

Les députés en séance à l'Assemblée nationale, le 4 avril 2024 à Paris




Plusieurs mois après l’intense mobilisation du monde agricole, c’est le texte qui est censé clôturer de nombreux débats. L’Assemblée nationale entame ce mardi 30 avril en commission l’examen du projet de loi d’orientation agricole, la réponse du gouvernement à la colère paysanne qui s’était cristallisée comme jamais en début d’année. Le nom complet du texte, la « loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture », pose clairement l’objectif : rassurer sur l’avenir de la filière, alors que l’attractivité du métier d’agriculteur se dégrade d’année en année. « Compte tenu du défi que l’on a de trouver 200 000 chefs d’exploitation d’ici 10 à 15 ans, il faut que l’on fasse venir des gens qui ne sont pas issus du monde agricole », a souligné le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau devant des journalistes ce mardi.Réécrit sous la pression des manifestations, le texte mêle des mesures sur la formation, les transmissions d’exploitations, ou encore l' »accélération des contentieux » en cas de recours contre des projets de stockage d’eau ou de construction de bâtiments d’élevage, en dépit d’alertes du Conseil d’Etat sur des « risques de constitutionnalité ».Les débats devraient durer jusqu’à ce week-end. Plus de 3 000 amendements ont été déposés, dont près de la moitié par Les Républicains. Un tiers des propositions, notamment sur les produits phytosanitaires ou la fiscalité, ont toutefois été jugées irrecevables, car trop éloignées des articles ou créant une charge financière pour l’Etat.Le texte devrait ensuite arriver dans l’hémicycle le 14 mai, pour un vote solennel le 28. « Dans sa version initiale, il est déjà très utile pour l’agriculture », a argué Marc Fesneau, se disant ouvert à débattre de fiscalité lors de l’examen du prochain budget à l’automne. Un texte de loi sur les phytosanitaires devrait aussi être présenté d’ici l’été. »Intérêt général majeur »En présence du ministre Marc Fesneau, les députés débuteront par le plus gros morceau : l’article 1, qui fait de la « souveraineté alimentaire un objectif structurant des politiques publiques ». C’est notamment cet article qui souhaite consacrer « l’agriculture, la pêche et l’aquaculture » comme étant « d’intérêt général majeur ».Simple article incantatoire ? Pas seulement, juge le cabinet du ministre, qui espère qu’il va « nourrir la réflexion du juge administratif » pour trancher un litige autour d’un projet agricole, lorsqu’il est en balance avec un impératif écologique. « La hiérarchie des normes ne serait pas modifiée : la protection de l’environnement a une valeur constitutionnelle alors que, même ’majeur’, l’intérêt général agricole n’aurait que valeur législative », pondère Didier Truchet, professeur émérite de Paris-Panthéon-Assas, dans une analyse pour Le club des juristes. »Si vous voulez faire du panneau photovoltaïque mais que ça vient dégrader la souveraineté alimentaire, c’est quand même pas mal de se poser la question », estime une source gouvernementale, selon qui « c’est la jurisprudence » qui tranchera. « Soit on remet en cause la Constitution et la Charte de l’environnement, soit on se moque du monde paysan », critique le socialiste Dominique Potier, pour qui le texte « réussit l’exploit de ne traiter aucun sujet majeur ou à la marge ».La crainte d’une nouvelle motion de rejetIl n’y a pas que le Parti socialiste qui ne cache pas ses doutes quant à la portée de ce texte. Pour Antoine Villedieu, député RN, ce projet de loi ne « répond en rien aux attentes des agriculteurs ». Les mesures ne « vont pas du tout répondre aux enjeux de la crise », juge de son côté David Taupiac (Liot). »Nous voulons un texte, mais pas petits bras. Il va falloir le renforcer considérablement », a de son côté prévenu le député LR Julien Dive, alors que le gouvernement compte les voix à droite, voire au PS ou chez les élus Liot pour espérer une adoption. Auprès de l’AFP, une source gouvernementale affirme même craindre un scénario similaire au projet de loi immigration, avec une motion de rejet votée par LR dans l’hémicycle, et appelle à « passer un certain nombre de deals dès la commission ».Le projet de loi « fait tout sauf répondre à l’enjeu de renouveler les générations », dénonce aussi de son côté la députée LFI Aurélie Trouvé, qui s’opposera, sans surprise, au texte. Outre l’accélération des contentieux, celle-ci dénonce également un article prévoyant des conditions d’investissements de capitaux fonciers dans des terres agricoles. « Ça vise à ouvrir à la finance l’accaparement des terres », critique-t-elle, affirmant que cette loi vise à « développer l’agrobusiness contre l’agriculture familiale ».Déjà de premiers compromis ?Fait rare, toutes les oppositions et même quelques macronistes ont d’ailleurs déposé des amendements de suppression concernant cet article. « On ne veut pas en faire une financiarisation. On va tâcher de mettre des balises pour expliquer que ce sont par exemple des collectivités qui peuvent entrer dans le financement », a tenu à rassurer Marc Fesneau. Selon les informations du média Contexte, le rapporteur général du texte, Eric Girardin (Renaissance), se serait ainsi dit prêt à « réécrire » cet article pour éviter « tout risque de financiarisation » du foncier agricole.Du côté des syndicats, la FNSEA est favorable à l’esprit du texte global mais attend d’autres mesures sur la fiscalité et les pesticides, demandes également formulées à droite. La Confédération paysanne, troisième syndicat et situé plus à gauche, critique quant à elle une loi qui « profite aux tenants de l’agro-industrie, en renforçant leur permis à polluer plus » et en « simplifiant l’agrandissement des fermes ».Emmanuel Macron recevra les syndicats ce jeudi à l’Elysée, à la suite de plusieurs autres engagements pris le week-end dernier, qui ont rencontré un écho positif chez les syndicats majoritaires. Un signe que si la mobilisation a faibli dans l’espace public, la pression reste encore forte sur l’exécutif.



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Publish date : 2024-04-30 17:21:17

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