L’Express

Rapport sur le marché unique : « L’UE est en train de laisser partir le train des énergies propres »

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a proposé jeudi d'imposer des droits de douane sur les céréales venant de Russie, lors d'une conférence de presse le 21 mars 2024 à la suite d'un sommet de l'UE à Bruxelles




Dans son rapport sur le marché unique présenté mercredi 17 avril aux dirigeants européens, l’ex-Premier ministre italien plaide pour un renforcement considérable du « Mécanisme pour l’interconnexion ». Il plaide aussi pour la création d’une « agence pour la fourniture d’énergie propre ». Cette nouvelle entité superviserait les systèmes d’incitation pour le déploiement à grande échelle des technologies propres. Elle servirait également de guichet unique pour les entreprises. Des mesures qui vont dans le bon sens mais qui ne compensent pas l’absence d’un « Inflation Reduction Act » à l’européenne, estime Thomas Pellerin-Carlin, candidat aux prochaines élections européennes sur la liste Place Publique et Parti Socialiste, portée par Raphaël Glucksmann.L’Express : Le rapport Letta insiste beaucoup sur la coopération. En d’autres termes, pour s’assurer un avenir meilleur, les pays européens doivent mettre de côté leurs dissensions, notamment dans le domaine de l’énergie. N’est-ce pas enfoncer une porte ouverte ?Thomas Pellerin-Carlin : Au contraire. Le rapport rappelle de manière opportune que l’intérêt national passe aussi, au moins en matière d’énergie, par plus d’intégration européenne. Il ne s’agit pas d’idéologie. De nombreux arguments techniques et économiques plaident dans ce sens. Par exemple, si vous n’avez que 10 % d’éolien et de solaire dans votre mix électrique, il est relativement facile de gérer la variabilité de leurs productions. En revanche, plus cette part grimpe à un niveau élevé, plus les questions de variabilité se posent de manière aiguë. Une interconnexion aux pays voisins devient cruciale, afin d’assurer un approvisionnement suffisant en électricité. En résumé, plus on a d’énergie renouvelable dans le mix électrique, plus on a intérêt à bien coopérer et à s’interconnecter.Autre exemple éclairant, l’approvisionnement en ressources critiques. Dans les années 60 lorsqu’il y avait un consensus pro-nucléaire en Europe, il était assez évident qu’il fallait aussi coopérer au niveau de l’amont de la chaîne de valeur. C’est pour ça que, par exemple, l’agence d’approvisionnement d’Euratom autorise et conclut les contrats d’achat d’uranium enrichi. Je suis surpris de voir que sur d’autres matières stratégiques comme le lithium, nous n’avons pas encore mis en place un processus similaire. Le rapport Letta a donc raison de mettre ce sujet en avant en évoquant des achats groupés au niveau européen.Malgré ses propositions, le rapport dit aussi clairement que nous n’avons pas les moyens de rivaliser avec l’Inflation Reduction act (IRA) américain, du moins à court terme. Tout ce que nous pouvons faire, c’est fluidifier, optimiser nos politiques actuelles. N’est-ce pas un aveu d’échec ?Absolument. Ce qu’Enrico Letta ne peut pas dire de manière franche, c’est que l’Union européenne – sans doute par lâcheté politique de certains dirigeants – a choisi de ne pas répondre sérieusement à l’IRA. Comment comprendre autrement le manque de réponse du vieux continent alors que vingt mois se sont écoulés depuis la mise en place de ce plan aux Etats-Unis ? L’appel à plus de coopération entre les pays européens doit donc être vu comme ce que les économistes appellent un équilibre de second rang. Cela permettrait tout de même d’améliorer la situation actuelle, mais ce n’est pas satisfaisant.La vraie réponse à l’IRA, c’est de déployer un plan européen d’investissement pour le climat et les technologies propres – les fameuses « cleantech ». Il n’y a pas besoin d’imaginer des mesures compliquées. Certes, il est impossible de faire exactement comme l’IRA, avec des crédits d’impôt à l’échelle du continent puisque nous n’avons pas encore d’impôt européen sur les sociétés. Mais nous pouvons innover et utiliser d’autres outils, adaptés à notre modèle européen.L’Europe est-elle condamnée à perdre du terrain sur la Chine et les États-Unis ?L’avenir dépendra du résultat des élections européennes du 9 juin. Celles-ci peuvent entériner la régression écologique, le statu quo, ou au contraire créer une nouvelle dynamique. La banque européenne de l’hydrogène, qui dispose d’un budget de 800 millions d’euros, montre que l’on peut mettre en place des choses intéressantes. Mais il faut aller plus long et changer d’échelle. Parler en milliards, pas en millions. On pourrait aller plus loin en instaurant une taxe sur les transactions financières – une idée soutenue par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel en 2011 mais auquel Emmanuel Macron s’oppose aujourd’hui, un système de prélèvement automatique sur les super profits ou encore un impôt européen sur la fortune que porte Aurore Lalucq. Les ressources tirées de ces mécanismes permettraient de lever de l’argent sur les marchés et de donner à l’Europe les moyens financiers de répondre à l’IRA américain. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre davantage. Le train de la révolution des technologies vertes est en marche. La Chine est déjà montée dedans depuis longtemps. Les Etats-Unis les ont rejoints en 2022 avec l’IRA. Ce 9 juin, avec Raphaël Glucksmann, nous voulons donner aux Européens la possibilité de voter pour une Europe qui devienne une puissance écologique, qui investit à la hauteur des enjeux, une Europe qui devienne leader d’une révolution énergétique, écologique et industrielle.



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Author : Sébastien Julian

Publish date : 2024-04-18 15:38:31

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