L’Express

Fin de vie : les deux nuages au-dessus du projet de loi

Catherine Vautrin lors de la cérémonie d'investiture d'Emmanuel Macron, en mai 2022. (Photo by Ludovic MARIN / AFP)




Vulnerant omnes, ultima necat, indiquait l’horloge. Toutes blessent, la dernière tue. Des heures qui font une vie… Cycle immuable. Mais quand le mouvement de l’aiguille, soudain, peut être précipité par la loi, c’est tout un monde à repenser. Les responsables politiques qui, à pas prudents, cheminent vers « l’aide à mourir », le font avec la conscience de se frotter à un sujet « intimidant », selon le terme choisi par Emmanuel Macron dans son grand entretien à La Croix et à Libération. « L’écoute », devient le maître-mot. « Ne pas heurter », le but catégorique. Depuis que le projet de loi a été annoncé par le président, ministres, élus et conseillers disent leur attention portée aux formulations ; surtout ne pas tourmenter, surtout ne pas blesser.Pourtant, dans le texte transmis au Conseil d’Etat, deux phrases comme deux nuages qui s’amoncellent au-dessus des têtes de l’exécutif. En découvrant tout d’abord que le projet de loi « indique que l’accord donné à l’ »aide à mourir » est pris par un seul professionnel », selon l’AFP qui a consulté le document, ceux qui, au sein de la majorité, avaient lu avec minutie l’interview du président n’ont pu contenir leur étonnement. Pourquoi donc la « collégialité » promise par le chef de l’Etat s’est-elle évanouie ? « Il revient à une équipe médicale de décider, collégialement et en transparence, quelle suite elle donne à cette demande », précisait ce dernier. Collégialement, écrit noir sur blanc. A la recherche de l’adverbe perdu, certains députés ont fait part de leur gêne à la ministre Catherine Vautrin, venue répondre aux questions de la majorité lors de la réunion de groupe du mardi 19 mars. Elle-même, qui confie « aborder tout cela avec calme, respect et prudence », a fait plus qu’écouter le malaise. Certains ont compris qu’elle le partageait.Pourquoi donc cette solitude de la décision dans le projet de loi envoyé au Conseil d’Etat ? « Parce que c’est bien un seul médecin qui prescrit, explicite un de ceux qui ont travaillé sur le texte. Il s’agira bien d’un processus collégial, mais c’est un seul médecin qui endosse la responsabilité. » A cela s’ajoute aussi, selon le ministère de la Santé, la crainte de faire peser sur les patients « la difficulté dans certains endroits de trouver deux ou trois médecins » dans des délais acceptables.Mais quelle immense responsabilité sur les épaules d’un seul soignant, quand bien même celui-ci doit, selon le texte, solliciter obligatoirement l’ »avis » d’un autre « médecin, qui ne connaît pas la personne, spécialiste de la pathologie » et d’un « professionnel paramédical qui intervient auprès d’elle ». Et, que faire si le patient place sans le savoir son avenir entre les mains d’un médecin qui, au plus profond de lui-même, ne peut et ne veut se résigner à écourter une vie ? »Ouvrir les possibles » »Je suis très ouverte à la discussion », glissait Catherine Vautrin en petit comité avant d’envoyer dans Le Monde du 6 avril ce message : « Ce qui me va dans ce texte, c’est son équilibre entre, d’un côté, le respect de la volonté du patient et, de l’autre côté, la vérification des conditions requises par un examen médical inscrit dans une démarche collégiale. » La collégialité retrouvée.Et des inquiétudes qui, sur un autre sujet, perdurent : la possibilité pour un proche du patient d’effectuer le geste létal. Précisément, selon le texte : « L’aide à mourir consiste en l’administration d’une substance létale, effectuée par la personne elle-même ou, lorsque celle-ci n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, par un médecin, un infirmier ou une personne volontaire qu’elle désigne. » Née des discussions qu’Emmanuel Macron a eues avec des soignants, cette proposition émeut, beaucoup craignant les conséquences psychologiques pour ceux qui restent.Existe-t-il vertige plus grand que celui que doit procurer l’acte d’ôter la vie ? « L’idée était d’ouvrir les possibles selon les cas, énonce un conseiller élyséen. Ce sera des cas extrêmement réduits, l’exception dans l’exception, pour les personnes qui ne sont pas en mesure d’absorber elle-même. » Quant au suivi psychologique que des voix réclament, « il n’a pas à figurer dans le texte mais il pourra faire l’objet d’amendements, c’est le genre de question qui émerge dans le débat parlementaire, c’est toujours comme ça sur les questions éthiques, c’est très itératif. » A ces angoisses intimes, Catherine Vautrin promet qu’elle répondra avec précaution, vigilante à se tenir loin de tout dogme : « Qui peut avoir des certitudes sur un tel sujet ? » Une seule certitude : ultima necat.



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Author : Laureline Dupont

Publish date : 2024-04-08 19:12:14

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