L’Express

Guerre en Ukraine : missiles et « coalition artillerie », la France en fait-elle vraiment plus ?

Un canon français Caesar sur la ligne de front dans la région du Donbass, le 15 juin 2022 en Ukraine




Pour des raisons de sécurité, le ministre de la Défense ukrainien ne s’est pas rendu à Paris, jeudi 18 janvier, comme il l’avait initialement prévu. C’est donc à distance, grâce à un système de visioconférence, que Roustem Oumerov a pu participer au lancement officiel d’une « coalition artillerie » par son homologue français, Sébastien Lecornu. Piloté par la France et les Etats-Unis, ce « club » va fédérer la montée en gamme de l’artillerie ukrainienne, indispensable outil pour résister aux forces russes et reconquérir des pans de territoires envahis.Alors que la guerre va bientôt entrer dans sa troisième année, la France renforce son soutien à l’Ukraine. Mardi 16 janvier, Emmanuel Macron a annoncé une nouvelle livraison d’une « quarantaine » de Scalp, après ceux fournis en 2023. Les Ukrainiens sont parvenus à monter sur leurs bombardiers Su-24 ces missiles de 5 mètres de longueur et d’une portée de plus de 250 kilomètres, capables de slalomer entre les défenses russes pour atteindre leurs cibles. Les Scalp – ou leurs jumeaux britanniques, les Storm Shadow – ont notamment été utilisés sur Sébastopol, en Crimée, contre le siège de la flotte de la mer Noire et un sous-marin à quai.Un missile français n’ayant encore jamais été livré à l’Ukraine devrait aussi équiper sa flotte aérienne, le président ayant également évoqué lors de sa conférence de presse à l’Elysée des « centaines de bombes ». Il s’agirait d’armements air-sol modulaires Hammer : des bombes classiques de 125 kilos à 1 tonne, sur lesquelles sont installés des dispositifs de guidage et de propulsion, pour une portée de plusieurs dizaines de kilomètres en haute altitude et de 15 kilomètres en basse altitude – ils équipent actuellement les Mirage 2000 et les Rafale français.Sur terre, la France a annoncé qu’elle allait régler elle-même les 50 millions d’euros (puisés dans le fonds Ukraine de 400 millions d’euros déjà voté) nécessaires à la production pour Kiev de 12 nouveaux Caesar, un canon automoteur d’une portée de 40 kilomètres. Produit par le groupe français Nexter, il est très apprécié des Ukrainiens pour sa précision et sa mobilité. Ceux-ci vont en recevoir bientôt six « déjà achetés », a indiqué Sébastien Lecornu. Nexter – capable de sortir six canons par mois de ses usines contre deux il y a deux ans – peut produire 78 Caesar pour Kiev d’ici au début de 2025, a précisé le ministre. « Il restera 60 canons à financer, c’est le message que je passe à l’ensemble de nos alliés », a-t-il ajouté. »La France livre peu par rapport à d’autres soutiens »Reste à savoir qui sera prêt à participer et à quelle hauteur. Certaines voix s’élèvent pour souligner que la France pourrait en faire plus pour aider l’Ukraine. La plus forte d’entre elles est celle du chancelier allemand. « Les livraisons d’armes prévues jusqu’à présent par la majorité des Etats membres de l’Union européenne à l’Ukraine sont de toute évidence trop faibles, a déclaré Olaf Scholz, le 8 janvier dernier. J’appelle donc nos alliés de l’UE à prendre également des mesures pour intensifier leurs efforts », a-t-il poursuivi – le « également » fait référence au doublement de l’aide militaire allemande à l’Ukraine en 2024, pour la porter à 8 milliards d’euros.En tout, l’aide militaire de l’Allemagne depuis l’invasion de février 2022 s’élèverait à plus de 17 milliards d’euros, contre 500 millions pour la France, selon l’Institut de Kiel pour l’économie mondiale. Il s’agit des chiffres des promesses, que le ministre ne manque jamais de contester, estimant qu’ils minorent la valeur de l’aide de la France.Il n’empêche, la différence entre l’aide allemande et l’aide française est conséquente, même si elle s’explique par les moindres stocks dont disposaient Paris. L’Allemagne a fourni des chars de combat (Leopard) et des canons antiaériens (Gepard), a contrario de Paris (qui a gardé ses chars Leclerc, qui ne sont plus produits, et n’avait pas d’équivalent du Gepard). Selon le site Oryx, Berlin livre des systèmes antimissiles à courte portée Iris-T depuis octobre 2022 (12 systèmes prévus pour 22 lanceurs) et a déjà livré deux batteries de longue portée Patriot. De son côté, Paris a livré deux batteries de courte portée Crotale (un modèle ancien) et, avec son partenaire italien, un système de longue portée SAMP/T. »La France livre peu par rapport à d’autres soutiens de l’Ukraine, constate Léo Péria-Peigné, chercheur au centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Dès lors, financer les 250 millions d’euros des 60 autres Caesar qui peuvent être fabriqués par Nexter permettrait de combler un peu cette différence dans les classements, mais la vérité est que la France ne semble pas vouloir mettre beaucoup d’argent. Problème : ses partenaires ont l’impression qu’elle fait beaucoup de bruit par rapport à la quantité de matériel pour laquelle elle s’engage individuellement. »Encore faut-il avoir fabriqué suffisamment d’obus pour alimenter les canons ukrainiens. L’Union européenne s’est donné pour objectif de leur en fournir 1 million d’ici au printemps 2024. Le compte ne devrait pas y être, près de 500 000 seulement ayant été livrés à ce jour. « L’économie mise en place n’est pas à la hauteur des attentes », a regretté le président de la commission de la Défense du Sénat, Cédric Perrin, de retour d’un déplacement à Kiev fin décembre.La France fournit des efforts et va passer ce mois-ci de 2 000 à 3 000 obus livrés chaque mois à l’Ukraine. Pour doubler encore cet objectif, la priorité va à la filière des explosifs, alors que la demande de telles matières est à la hausse à la suite de l’invasion de l’Ukraine. « On est en train de remettre la main sur des stocks de poudre, a expliqué le ministre des Armées, Sébastien Lecornu. On recycle des poudres sur des munitions qui n’ont pas été utilisées. »Mais il faudra plus, à l’échelle continentale, pour fournir Kiev à la hauteur des besoins face à une Russie qui a pleinement mobilisé son industrie de défense. « Les 500 millions d’euros du plan de financement européen [en soutien à la production de munitions], Asap, dispatchés sur les différents industriels, ne pèse pas assez, il faudrait des investissements beaucoup plus fort », relève Léo Péria-Peigné. Les Ukrainiens tiraient entre 5 000 et 8 000 obus par jour en décembre, indique le sénateur Cédric Perrin, quand les Russes en lançaient entre 10 000 à 15 000.



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Author : Clément Daniez

Publish date : 2024-01-18 18:12:51

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