Le 28 avril 1925, il y a tout juste cent ans, s’ouvre à Paris l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes. Ce printemps-là, l’appellation à rallonge va se fondre en deux petits mots – Art déco – qui ne tardent pas à s’imposer dans le monde entier. L’un des événements de la grand-messe parisienne, réunissant 22 délégations étrangères, est la présentation en avant-première de cinq appartements du futur paquebot Ile-de-France, qui prendra la mer deux ans plus tard.Il deviendra le plus beau bâtiment transatlantique de la planète, avant d’être coiffé sur le poteau par le Normandie, mis à l’eau en 1935 dans une éclatante démonstration du style Art déco alors à son apogée. Ce courant esthétique, qui voit, à l’issue de la Grande Guerre, l’emploi de lignes simples et pures prendre le pas sur les volutes tarabiscotées de l’Art nouveau, est indissociable de l’âge d’or des transatlantiques. Ce sont les Années folles, quand, avant l’apparition de l’aviation commerciale au long cours, la traversée entre Vieux Continent et Nouveau Monde connaît un essor sans précédent.Expérience immersiveSi la Seconde Guerre mondiale sonne le glas de l’Art déco, le mouvement reste une étape majeure de l’histoire de l’art. Pour preuve, son centenaire est largement célébré sur les cimaises européennes, avec une place de choix réservée à la saga des grands navires de croisière qui ont porté haut ses couleurs. Ainsi, à Cherbourg, la dernière gare maritime transatlantique Art déco d’Europe, qui abrite désormais la Cité de la mer, offre une expérience immersive à ses visiteurs. Dans l’ancien hall des trains, ils revivent virtuellement l’effervescence de l’escale inaugurale à quai du Queen Mary, le 14 avril 1937. Et croisent, munis d’un casque de réalité mixte, des acteurs de ce jour historique, parmi lesquels René Levasseur, l’architecte normand qui s’inspira de l’exposition de 1925 pour élaborer ce joyau britannique de la Cunard Line dont il fit, à l’époque, la deuxième plus grande construction après le château de Versailles.Le “Queen Mary” en escale face à la Gare maritime de Cherbourg, avant
la guerre.En 1937, le Queen Mary, qui allie simplicité et géométrie rigoureuse, se fond dans les décors fastueux de la gare maritime cherbourgeoise, inaugurée quatre ans plus tôt pour accueillir le flux de voyageurs, qu’ils soient oisifs aisés, écrivains en quête d’échanges avec l’autre continent ou simples migrants. Au cours des années 1950, détrôné par le trafic aérien, l’édifice perdra peu à peu de sa superbe, avant d’être réhabilité en 1989 puis inscrit à l’inventaire des monuments historiques.”Langage international commun”A 200 kilomètres de là, un autre port français se fait le théâtre de l’âge d’or des géants des mers. Au Havre, le Musée d’art moderne André-Malraux (MuMa), allié au Musée d’arts de Nantes et à French Lines & Compagnies, qui recèle une vaste collection d’archives autour du transport maritime, explore le rôle des palaces flottants dans le développement d’une esthétique moderniste mondiale. Au cours des Années folles, dès leur mise à l’eau, ces machines au profil fuselé, qui rivalisent d’ingéniosité pour obtenir le « ruban bleu » décerné au navire le plus rapide, inspirent les créateurs d’avant-garde. Affichistes, photographes, peintres et architectes rendent compte de leur puissance conquérante par un graphisme résolument moderne. « Ils marquent la naissance d’un langage international commun autour de l’imaginaire du paquebot », soulignent les commissaires de l’exposition. C’est tout un art de vivre, propre au voyage en mer, qui fascine les artistes, du luxe feutré des décors intérieurs Art déco aux activités de villégiature déroulées sur les ponts, où se mêlent les nationalités et les milieux sociaux.Pas loin du MuMa, au port d’embarquement du Havre, le Renaissance s’apprête à appareiller. Exit la traversée de l’Atlantique, jadis seul trait d’union entre Europe et Amériques, destination la Scandinavie sur les traces des « Légendes vikings ». Avec sa silhouette élégante, son pont-promenade en teck, ses salons au design vintage et sa jauge réduite à 1 100 passagers majoritairement francophones, ce bateau, construit en 1993 par la Holland America Line sous le nom MS Maasdam, nous ramène à l’âge d’or des transatlantiques. Racheté et rebaptisé par la Compagnie française de croisières (CFC) en 2022, qui s’est tout récemment rapprochée du britannique Ambassador Cruise Line, il est alors entièrement rénové dans l’esprit d’origine. Celui d’un navire à taille humaine offrant une alternative entre les immeubles flottants accueillant plusieurs milliers de voyageurs et les bâtiments plus petits ciblant une clientèle fortunée.A bord du “Renaissance”, le théâtre la La Belle Epoque incarne l’Arte décoSymbole de la splendeur maritime d’hier, l’Art déco y tient son rang, notamment au sein du théâtre La Belle Epoque, dont les tapisseries murales à la symétrie stylisée, le grand escalier tournant aux motifs géométriques et les lampes demi-lune se déploient sur deux niveaux. « Les matériaux comme le laiton et le cuivre, les éclairages tamisés et le code couleur autour du bordeaux rappellent les grands paquebots d’autrefois, et concourent à humaniser le Renaissance en lui conférant une ambiance cosy », pointe l’historien de la marine marchande Jean-Jacques Trémillon. C’est bien la démonstration que l’esthétisme avant-gardiste des années 1920 et 1930 reste aujourd’hui un marqueur clé de la traversée maritime haut de gamme.
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Author : Letizia Dannery
Publish date : 2025-04-26 09:00:00
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