La course contre la montre a commencé pour l’Europe. C’est désormais clair : la “révolution Trump” se fera sans elle et peut-être contre elle. Mais tout n’est pas perdu, assure l’ancien ambassadeur Michel Duclos, conseiller spécial à l’Institut Montaigne. “Les Européens doivent agir très vite, en considérant que les Américains peuvent déserter à tout moment.”L’Express : L’altercation entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump le 28 février et la suspension de l’aide américaine à l’Ukraine signent-elles la mort de l’alliance transatlantique ?Michel Duclos : La décision de suspendre l’aide à l’Ukraine confirme les pires appréhensions des Européens. Les désaccords transatlantiques sont aussi anciens que l’alliance. Mais ils portaient, auparavant, sur les moyens, la doctrine, la politique, les affaires commerciales. Là, une fracture beaucoup plus profonde vient de s’ouvrir, un fossé béant entre deux visions du monde. C’est une leçon essentielle, apprise dans la douleur par les Européens, qui découvrent avec stupéfaction que les Etats-Unis ont changé de camp. Sur le plan géopolitique, ils sont désormais plus proches de la Russie que de l’Europe. Et défendent, comme elle, une conception illibérale du pouvoir.L’Europe a-t-elle été naïve ?Naïve, assurément. Et coupable de ne pas avoir utilisé les années Biden pour acquérir une vraie autonomie. Par ailleurs, nous n’avons pas vu venir la “révolution Trump” sur les valeurs. Trump II a surpris, y compris après son élection, en endossant les habits de l’expansionnisme, visant le Canada, le Groenland… Il rejoint la conception de la Russie, de la Chine et de certains pays du Sud global, d’un nouvel ordre mondial fondé sur des sphères d’influence.Que peut l’Europe face à cette nouvelle donne ?Les Européens deviennent gaullistes et les Britanniques deviennent européens. Voilà au moins une bonne nouvelle ! Jusqu’à présent, Emmanuel Macron a eu l’habilité de ne pas prétendre être le leader unique de l’Europe mais de jouer une carte à la britannique en essayant d’amadouer Trump tout en poursuivant l’agenda français de l’autonomie stratégique européenne. Les Européens n’ont pas le choix, ils doivent tout faire pour garder les Américains à bord et se préparer, dans le même temps, à se passer d’eux.Quelle est la marche à suivre pour y parvenir ?Des décisions collectives doivent être prises en matière de financement par l’Union européenne, qu’il s’agisse d’un nouvel emprunt ou de l’optimisation de ressources sous-utilisées. Par ailleurs, les Etats doivent prendre des mesures à l’échelle nationale. En France, nous devons augmenter nos dépenses de défense et réviser notre loi de programmation militaire en l’orientant davantage sur le théâtre européen. De même, si le débat sur la dissuasion nucléaire élargie se précise, la première chose à faire est de renforcer notre arsenal nucléaire, comme l’ont fait les Britanniques l’année dernière, en annonçant un investissement de 900 millions d’euros d’ici à 2030.Enfin, il faut changer de narratif. Finissons-en avec l’idée d’une Europe frêle et divisée. Si l’on regarde notre économie, notre démographie, il suffit d’un effort important, certes, mais pas hors de portée, pour que les Européens rétablissent un rapport de force favorable avec la Russie. Sur le front, les Russes progressent millimètre après millimètre face à une Ukraine qui est quatre fois moins peuplée qu’eux, avec un matériel de bric et de broc et une profondeur stratégique bien moindre que celle de la Russie. Que le défi militaire russe ne puisse pas être relevé par les nations européennes serait très étrange.Imaginez-vous un scénario dans lequel l’Europe, tiraillée, lâcherait Zelensky ?C’est peu probable. Prenons conscience des forces de l’Europe actuelle. Il y a des vents contraires, en Hongrie, en Slovaquie et ailleurs, mais c’est aussi cela, la démocratie. N’oublions pas que les démocraties faibles de l’après-guerre en Europe ont pu relever le défi soviétique. Plus forts, nous sommes capables de relever le défi russe aujourd’hui, même si les Américains font défection.Comment ?D’abord en augmentant les sanctions contre la Russie et la pression sur Vladimir Poutine car il est très peu probable qu’il considère sérieusement un cessez-le-feu en Ukraine. Devant la faiblesse de Trump, il voudra faire monter les enchères. Charge à l’Europe de faire tourner la table. C’est le but du plan franco-britannique, qui joue sur les velléités de médiateur de Trump. Si ce dernier prend en considération le plan européen, ce sera à Poutine de se dévoiler enfin. Alors, on s’apercevra qu’il n’est absolument pas prêt à la paix.Que faire des 250 milliards d’avoirs russes gelés en Europe ?Il faut s’en saisir, en se servant des failles juridiques autour du principe d'”immunité souveraine”, qui protège en théorie les Etats et leurs biens. On pourrait par exemple utiliser ces avoirs pour financer un prêt à l’Ukraine qui sera remboursé dans le cadre des réparations que la Russie devrait à l’Ukraine, à l’avenir. Certains experts financiers arguent que la remise en cause des droits de propriété ferait fuir les investisseurs asiatiques ou du Golfe. Opposons-leur un contre-argument : si l’Ukraine perd, la crédibilité de l’Europe dans le monde, y compris sur ce terrain financier, s’effondrera.
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Author : Charlotte Lalanne, Cyrille Pluyette
Publish date : 2025-03-05 16:00:00
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