L’Express

Santé, emploi, finances… Les dangers insoupçonnés de l’astrologie

Les astrologues estiment que le signe astral sous lequel vous êtes nés influencent votre caractère, voire votre destin.




Mathilde a passé toute sa jeunesse sous le signe de l’astrologie. Ses deux parents, fervents convaincus, l’ont éduquée dans cette croyance qui a réponse à tout. Si elle est trop bavarde et cérébrale, ils lui expliquent que c’est parce qu’elle est Gémeaux. Trop têtue ? Elle est ascendant Taureau. Son fort caractère ? Elle est née avec le Soleil conjoint à Mars, la planète de la guerre ! Un jour de 2023, Mathilde consulte un médecin qui lui donne un tout autre diagnostic. Elle souffre en réalité d’un trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), de dysrégulation émotionnelle et d’anxiété, des comorbidités habituelles du TDAH. »J’ai grandi avec ces croyances ésotériques qui ne laissaient aucune place à la culture scientifique, ce qui a compromis mon accès à une information fiable en matière de psychologie et de médecine et a retardé mon diagnostic ainsi qu’une prise en charge médico-psychologique », déplore-t-elle. Pour elle, aucun doute, l’astrologie peut avoir des « conséquences dramatiques ». Serge Bret-Morel, qui a été un astrologue convaincu avant d’en devenir l’un des plus féroces critiques, abonde. « J’y ai tellement cru que je lui ai consacré les dix premières années de ma vie d’adulte, au lieu de développer ma vie professionnelle et personnelle. Je le paye encore aujourd’hui », témoigne-t-il.De nombreux Français considèrent l’astrologie comme sérieuseOn rétorquera sans doute qu’il s’agit de cas isolés, d’exceptions. Tout le monde sait bien que l’astrologie n’a rien de scientifique ni de sérieux. Et si l’on consulte des horoscopes, c’est simplement pour s’amuser, ou y voir des signes auxquels on ne croit pas vraiment.On se trompera pourtant. Depuis plus de quarante ans, les enquêtes sont d’une remarquable constance : près de 40 % des adultes français pensent que le signe astrologique exerce une influence sur le caractère. Un sondage OpinionWay publié par L’Express en mars dernier indique que 33 % des sondés estiment que l’astrologie est une science, 20 % que cela « dépend des cas ». Le secteur des services astrologiques se porte d’ailleurs bien. Une analyse de marché publiée en 2023 par un cabinet spécialisé l’a estimé à plus de 11 milliards d’euros dans le monde en 2021, et il pourrait atteindre les 21 milliards d’ici 2031.Compilation de différents sondages et enquêtes sur l’attitude de Français à l’égard de l’astrologie.D’ailleurs, l’astrologie s’invite régulièrement dans les médias, notamment la presse féminine, et même dans le monde du travail, où elle influence des prises de décisions. David Guetta en a été l’une des victimes. En 2011, il est récompensé aux Grammy Awards pour le remix de la chanson Revolver de Madonna. Impressionnée, la star américaine lui propose de produire son prochain album. Ils se rencontrent à Hollywood lors d’un déjeuner. Tout se déroule parfaitement jusqu’à la fin, quand Madonna lui demande finalement son signe astrologique. Il est Scorpion. Elle est Lion. Incompatibles, assure-t-elle. Le projet est instantanément enterré.Raymond Domenech, ex-entraîneur de l’équipe de France de football, utilisait l’astrologie quand il ne savait plus comment départager deux joueurs. Et il est loin d’être le seul. « Dans les années 1980-1990, il y a eu une grande mode du recrutement par l’astrologie dans les entreprises, indique Serge Bret-Morel. Des cabinets la proposaient ouvertement comme une technique innovante pour départager les candidats. » En 2007, une étude menée par le cabinet Oasys montrait que 5 % des recruteurs reconnaissaient que le signe astrologique du candidat pesait dans la balance. Aujourd’hui, la pratique semble moins à la mode, mais reste à l’œuvre, selon des témoignages dans la presse et les réseaux sociaux. Et pour cause, les textes de loi ne l’interdisent pas formellement.Arrêt de traitements médicamenteuxLes conséquences de l’astrologie peuvent pourtant être graves. Le magazine de l’association Gemppi [NDLR : qui aide les victimes de dérives sectaires] a publié le témoignage d’un ex-astrologue révélant les nombreuses dérives de cette pratique, dont les adeptes peuvent par exemple se laisser convaincre d’arrêter leurs traitements médicamenteux. L’auteur affirme également que l’astrologie est non seulement « une servitude », mais aussi « une drogue ». »La dépendance rend difficile l’abandon de la pratique ; renoncer crée un sentiment de manque, des rechutes, il s’agit d’un processus de sevrage », écrit-il. « Avec l’astrologie, le problème de l’addiction est très prégnant », confirme Damien Karbovnik, docteur en sociologie, enseignant-chercheur en histoire des religions et spécialiste de l’ésotérisme contemporain, à l’université de Strasbourg. Lorsqu’on consulte un astrologue, on ressort très souvent avec un portrait positif, flatteur, agréable et rassurant de soi-même. Ce qui favorise l’envie de consulter à la moindre occasion, surtout si la personne se trouve dans une période de doute ou de fragilité, après une rupture amoureuse ou un licenciement. « La relation entre l’astrologue et son client peut alors dériver vers un phénomène de dépendance qui permet d’échapper aux angoisses existentielles », ajoute le sociologue.Une consultation coûtant entre 50 et 80 euros en moyenne, l’exutoire peut vite se transformer en gouffre financier. « C’est d’autant plus inquiétant qu’il n’y a aucune démarche déontologique chez les astrologues, aucun questionnement éthique : ils prétendent aider leurs clients à aller mieux, mais aucun colloque n’a jamais été organisé pour fixer des limites », insiste Serge Bret-Morel. »Symptôme d’une société en quête de sens »Les experts s’inquiètent aussi d’un danger plus sournois. L’astrologie peut non seulement immerger ses adeptes dans un système de fausses croyances, mais aussi les rendre plus sensibles à d’autres dérives. « Croire en l’astrologie, même de loin, c’est entrer dans un rapport symbolique au monde, ce qui peut rendre plus réceptif à d’autres valeurs symboliques, comme le pouvoir de la nature, du cosmos, des énergies », explique Damien Karbovnik. Pascal Wagner-Egger, enseignant-chercheur en psychologie sociale à l’université de Fribourg (Suisse), confirme : « Toutes ces croyances sont liées, car il s’agit d’accepter l’existence de phénomènes sans preuves suffisantes. Chacune peut donc être une porte d’entrée vers d’autres. »P.67 du baromètre de l’esprit critique, sondage OpinionWay pour UniversienceL’essor des pseudosciences dans la société serait d’ailleurs le symptôme de maux plus profonds, selon les sociologues. « Il y a désormais des initiations à la sophrologie ou à la médiation dans les écoles, des diplômes et des formations universitaires consacrées à ces mêmes pratiques, autant de croyances qui intègrent ainsi notre paysage cognitif et qui traduisent une remise en question de la modernité, du progrès scientifique, pointe ainsi Damien Karbovnik, qui y voit « le signe d’une société en plein doute, en quête de sens ». Et s’il est encore difficile de mesurer l’impact de ce phénomène, il convient au moins de l’interroger… Et d’alerter sur ses dérives.



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Author : Victor Garcia

Publish date : 2024-08-18 13:00:00

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