L’Express

Intelligence artificielle : pourquoi Microsoft investit 4 milliards d’euros en France

Sans rien provoquer, Microsoft a récupéré Sam Altman, de même que plusieurs anciens cadres ayant choisi de quitter OpenAI




L’essor de l’intelligence artificielle (IA), une technologie en apparence si virtuelle, dépendra d’abord d’infrastructures physiques. C’est le sens des annonces de Microsoft, ce lundi 13 mai, dans le cadre de Choose France, le sommet créé par Emmanuel Macron en 2018 afin de stimuler les investissements étrangers.La firme américaine va engager 4 milliards d’euros en France d’ici à 2027, en grande majorité dans la construction de centres de données (ou data centers), dans lesquels se nichent ses services d’informatique en nuage (cloud) spécialisés en IA. « Une somme record en 41 ans de présence » dans l’Hexagone, précise à L’Express Corine de Bilbao, la présidente de Microsoft France, qui la justifie par le coût de ces bâtiments complexes, très énergivores et gourmands en matériaux onéreux. A commencer par les GPU, ces puces électroniques dédiées au calcul informatique, essentielles au fonctionnement de l’intelligence artificielle.Il s’agit d’une somme record tout court, pour l’IA en France. Dans le détail, la firme va étendre deux de ses sites présents en région parisienne ainsi qu’à Marseille, et créer un nouveau centre dans le Grand Est, près de Mulhouse. De quoi « accroître la performance des solutions d’IA grâce à des latences moins importantes », souligne la dirigeante. La proximité des data centers vis-à-vis de ses clients français et européens répond aussi à des enjeux de sécurité et de souveraineté de la donnée. Microsoft est déjà un pilier du cloud, détenant la deuxième part de marché mondial derrière Amazon – qui place de son côté 1,2 milliard d’euros dans le cadre de Choose France – et devant Google. Les trois acteurs américains se partagent également plus de 70 % du gâteau français, estimé à plus de 20 milliards d’euros.Microsoft quadrille l’EuropeCette domination historique dans le cloud explique en partie la taille conséquente de l’enveloppe débloquée par Microsoft lors de Choose France. L’autre raison est bien sûr l’avènement de l’IA générative, dernier âge de l’IA, qui permet aux machines de générer du contenu automatiquement : du texte, de l’image, du code informatique… Corine de Bilbao rappelle l’adoption « très rapide » de la technologie : trois employés de bureau sur quatre l’utilisent dans le monde, d’après l’étude Work Trend Index 2024 menée par Microsoft et LinkedIn. Avec des effets massifs sur le plan économique : de 240 milliards à 400 milliards d’euros de retombées par an pour la France, selon le rapport du comité d’experts français de l’IA, publié au printemps.Surtout, le père de Word, PowerPoint et Excel, modernisés à l’intelligence artificielle avec Copilot, a pour l’instant misé sur le bon cheval. Son partenariat avec la start-up leader, OpenAI, le créateur de ChatGPT, l’agent de conversation qui a révélé à la planète entière les progrès de l’IA générative, a dopé ses résultats. Microsoft est récemment devenu la plus grande capitalisation boursière du monde, à plus de 3 000 milliards de dollars, dépassant Apple. Azure, l’unité cloud du géant américain, a augmenté ses revenus de 31 % au premier trimestre 2024 par rapport à l’année précédente. Microsoft a alors réévalué ses dépenses en capital (Capex) à plus de 14 milliards de dollars sur un trimestre. C’est ce qui lui permet, aujourd’hui, d’investir autant d’argent dans les data centers en France. Mais pas seulement ici. L’entreprise fondée par Bill Gates a opéré des investissements similaires au cours des derniers mois au Royaume-Uni (3 milliards d’euros), en Allemagne (3,2) ainsi qu’en Espagne (2), au Japon (2,7) et en Malaisie (2).Ce pari encore plus important sur la France s’explique par les « atouts » du pays dans l’IA, pointe Corine de Bilbao, en particulier son « riche » écosystème, réputé pour ses scientifiques de haut niveau dans le domaine et certaines pépites en vue. Microsoft a déjà placé plusieurs millions d’euros dans MistralAI et signé un partenariat de diffusion de certains modèles de fondation de la start-up française sur Azure. La patronne de Microsoft France évoque aussi les qualités des infrastructures du pays, notamment « la disponibilité » en énergie neutre en carbone. La société entend se reposer « exclusivement sur du renouvelable d’ici à 2025 ». Elle va conclure prochainement ses premiers contrats d’achat d’électricité à long terme, des PPA – Purchase Power Agreement – dotés de 100 mégawatts d’énergie verte.Former « un million de personnes » à l’IASous les ors de Versailles, ce lundi, Emmanuel Macron devrait se féliciter de l’investissement inédit de Microsoft.Les lacunes en infrastructures pour soutenir la croissance de l’IA sont le talon d’Achille de la France – et de l’Europe. Toutefois, ces sommes colossales dépensées sur le continent contrecarrent la stratégie tricolore, qui souhaite voir émerger de solides compétiteurs à ces géants américains. « Il convient de veiller à l’émergence d’une diversité d’acteurs économiques, notamment français et européens », exhortaient les experts français du comité sur l’IA, à propos du cloud. L’an passé, l’Autorité de la concurrence tirait elle aussi la sonnette d’alarme, déplorant « les investissements élevés en matériel, en bande passante et en stockage pour entrer sur le marché », rendant « peu probable » l’arrivée de nouveaux acteurs.Preuve en est. Fin 2023, Scaleway, du groupe Iliad, a investi 200 millions d’euros pour son service de cloud IA et ses capacités de calcul en France. Soit 5 % du montant annoncé par Microsoft ce lundi. Avec, en outre, une commande de « seulement » un millier de GPU dernière génération, contre 25 000 unités pour la firme de Redmond. C’est dire à quel point le match est actuellement déséquilibré.Toujours au rang des désillusions, il faut rappeler que les data centers ne génèrent pas beaucoup d’emplois pour leur fonctionnement. Et que leurs besoins en électricité sont parfois décriés par les collectivités locales – Marseille, par exemple, veut freiner les installations sur son sol. Alors, pour rassurer le monde politique et économique, Microsoft s’engage en parallèle sur des sujets moins rentables à première vue.L’entreprise a prévu d’étendre ses programmes de formation pour sensibiliser un million de personnes à l’IA, contre 100 000 jusqu’à aujourd’hui : des professionnels et des particuliers, dont des demandeurs d’emploi, avec l’aide de France Travail. Le dernier volet consiste à épauler 2 500 start-up tricolores, petites et moyennes, via le Microsoft GenAI Studio. « Cette initiative combine un accès à des experts IA, des crédits cloud, un accompagnement personnalisé et des opportunités de collaboration avec des clients et partenaires de Microsoft en France », renseigne la compagnie américaine. Une autre forme d’investissement. A plus long terme.



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Author : Maxime Recoquillé

Publish date : 2024-05-13 07:07:09

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