Et en une seconde, deux pays entiers se sont retrouvés à l’arrêt. Lundi 28 avril, à 12h33, l’Espagne et le Portugal ont été frappés par une coupure de courant géante. Dans les ruelles sombres du centre historique de Barcelone, le Gotic et le Born, certains se penchent aux fenêtres, d’autres sortent dans la rue. Pour voir. Après une matinée très nuageuse, le ciel est au beau fixe, l’air pur, lessivé par les orages du week-end. Impossible de s’informer sur nos écrans ou de joindre nos proches : les réseaux téléphoniques sont hors service, Internet n’existe plus. Tous les feux de circulation, ou presque, sont éteints. Voitures, autobus, motos, vélos, trottinettes abordent les carrefours du Passeig de Sant Juan et de la Plaça de Catalunya dans une jolie pagaille. Des policiers s’agitent désespérément au milieu de la chaussée.Etonnamment, personne ne klaxonne. Il est 13 heures. Barcelone prend des allures de jour férié. Comme une redite de la “Sant Jordi” célébrée cinq jours plus tôt, cette fête annuelle du livre et des roses qui vaut à la capitale catalane d’être fermée à la circulation pour se laisser envahir par des foules innombrables. Chômage technique généralisé. Mais quelque chose cloche. Un parfum anormal flotte dans la ville. Des sirènes de police et de pompiers commencent à se faire entendre. Devant les hôpitaux et les cliniques errent des soignants en blouse bleue, désemparés. Nous percevons alors le ronronnement, ici ou là, de groupes électrogènes. Les stations de métro vomissent des voyageurs de toutes parts. Bientôt, leurs grilles d’accès seront baissées.Film de science-fiction14 heures. Des gens se mettent à marcher à bonne allure sur les trottoirs et les ramblas. Des dizaines, des centaines, des milliers de gens. Comme dans un film de science-fiction, dans lequel les humains transformés en fourmis se seraient vus chassés de leur habitat naturel par un événement invisible inédit, l’annonce d’un tsunami, d’un nuage chimique ou d’une pollution biologique. Écoles, commerces, bureaux, usines… Toutes les activités sont à l’arrêt, les gens cherchent à regagner leur domicile.Sur le Passeig de Gracia, les touristes venus admirer les immeubles de Gaudi errent, désorientés. L’avenue Diagonal est transformée en autoroute piétonnière. 15h. Des attroupements se forment devant les supermarchés, qui laissent entrer au compte-goutte des clients paniqués venus se ravitailler en denrées alimentaires, en bougies… et en masques. Un ouvrier affirme qu’il a entendu une radio annoncer une panne géante dans tout le sud de l’Europe, du Portugal à l’Italie, en passant par l’ensemble de l’Espagne et le sud de la France. Il paraît que ceci, il paraît que cela. La Russie aurait attaqué l’Europe. La France aurait subi une panne géante qui se répercute en Espagne. Un incendie monumental aurait détruit une ligne à très haute tension dans les Pyrénées. Le système électrique espagnol aurait été victime d’un événement atmosphérique rarissime…Transistor à piles16 heures. La sortie des écoles. Des parents inquiets récupèrent leur progéniture. Les enseignants ont gardé leur sang-froid, les enfants sont badins. Soudain, les téléphones vibrent dans les poches, le réseau fonctionne pour quelques minutes. Le temps de charger quelques messages WhatsApp et de consulter les sites d’information, nous apprenons avec stupeur que toute la péninsule ibérique est paralysée, que plus d’une centaine de trains sont immobilisés en rase campagne, la pagaille règne dans les aéroports, les pompiers reçoivent des centaines de messages de personnes prisonnières des ascenseurs. Internet s’évapore à nouveau.Un passante promène son chien en s’éclairant avec son téléphone, le 28 avril 2025 à Vigo, dans le nord-ouest de l’Espagne, pendant une panne d’électricité géanteA l’entrée d’une enseigne de surgelés, un gérant de magasin est prostré sur une chaise, la tête entre les mains. Le contenu de ses congélateurs est perdu. 17 heures. Sur une place de Gracia, nous croisons une cinquantaine de personnes agglutinées, silencieuses, autour d’un bon vieux transistor alimenté par des piles. Une antenne se dresse au centre de la mêlée. La radio nationale espagnole retransmet une allocution solennelle du Premier ministre. Pedro Sanchez vient de tenir une réunion extraordinaire du conseil de sécurité national au palais de la Moncloa, à Madrid. Il assure que le pays “dispose des outils pour faire face” à la situation et appelle ses concitoyens au “civisme”.Journée en apesanteurIl est 18 heures, les terrasses des cafés sont prises d’assaut. Dans les jardins publics proches de la Sagrada Familia, les familles se promènent, les enfants courent en tous sens. Les épiceries de quartier écoulent fruits et légumes, comme si la guerre venait d’être déclarée. Les souvenirs de la pandémie de 2020 et de ses couvre-feux reviennent en mémoire. A ceci près que la population, au lieu de se confiner, envahit cette fois l’espace public. Le Covid à l’envers. 19 heures. De retour à la maison, nous comprenons qu’il va falloir se passer d’eau chaude et aller se coucher, en s’alignant sur le rythme du soleil qui baisse à l’horizon. Retour forcé à la nature. Dans le réfrigérateur, les vivres se réchauffent. A moins d’avoir accès au gaz, le dîner s’annonce froid et frugal. Quand les lumières s’allument finalement aux alentours de 20h30, au coucher du soleil, c’est le soulagement. Nous nous précipitons sur les prises de courant pour recharger téléphones, ordinateurs, batteries de vélo… Le retour d’Internet à 22 heures précises, met fin à cette journée hors norme. Une journée en apesanteur.
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Publish date : 2025-04-29 06:13:00
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