La nouvelle est passée totalement inaperçue. Pas une coupure de presse sur le sujet, et pourtant : selon de récentes projections réalisées par des chercheurs du département des sciences cliniques de l’université de Milan, la mortalité moyenne associée aux cancers devrait baisser en Europe cette année. Et ce, alors que les médecins n’ont jamais dépisté autant de tumeurs malignes chez autant de patients.Cette estimation, basée sur la tendance européenne de ces dernières années et publiée en avril dans la revue scientifique Annals of Oncology montre à quel point il est difficile d’interpréter les statistiques en matière de cancers. Alors que ces derniers mois l’actualité s’est concentrée sur les tumeurs qui gagnent du terrain, le panorama d’ensemble, lui, esquisse un futur bien plus enviable.Comment comprendre un tel décalage ? Quelles nations s’en sortent le mieux parmi les pays du Vieux Continent ? Quelles tumeurs portent la tendance ? Freddie Bray, épidémiologiste en chef au Centre international de recherche sur le cancer, l’un des scientifiques les plus influents du domaine, a accepté de décrypter ces résultats.L’Express : Des chercheurs de l’université de Milan annoncent pour 2025 un recul de 3,5 % pour les hommes, et de 1,2 % pour les femmes, du taux de mortalité par cancers dans l’Union européenne, par rapport à 2020. Ces projections sont-elles fiables ?Freddie Bray : Oui. Ces projections reposent sur la base de données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui compile le nombre de personnes décédées dans chaque pays. Y figure aussi la cause de la mort lorsque celle-ci a été trouvée. C’est une recension de très haute qualité, quasi exhaustive, sauf à de rares exceptions en Europe, comme en Bulgarie, en Grèce, en Pologne et au Portugal, où les données sont considérées comme de qualité moyenne.Au regard de la taille de l’échantillon – des millions de décès sont comptabilisés – il est possible de faire des prédictions à très court terme, sans que l’incertitude sur ce qu’il va véritablement advenir ne soit trop grande. C’est ce que font les auteurs, avec une certaine réussite depuis plusieurs années, ce qui en fait un rendez-vous important dans le domaine de l’épidémiologie du cancer.Est-ce vraiment une bonne nouvelle ? Diriez-vous que nous progressons dans la lutte contre le cancer ?C’est une question très débattue. Difficile d’apporter une réponse tranchée. Le sujet anime la communauté scientifique depuis les années 1970. Cela revient à se demander si les stratégies mises en œuvre par les médecins et les institutions sont efficaces. Or ce ne sont pas les mêmes en fonction du type de cancers et des pays, ce qui rend la comparaison difficile.Ceci dit, de manière générale, oui on peut dire que l’Union européenne a fait de réels progrès dans la lutte contre le cancer au fil des décennies, au regard de ces projections. Un recul de quelques pourcents, comme ce qui est annoncé par les chercheurs de Milan, peut paraître anodin, mais c’est une amélioration significative.Comme le soulignent les auteurs, les taux de cancer du sein dans l’UE ont chuté de 30 % depuis 1990. Il y a là une importante victoire. Mais en matière de cancers, il faut raisonner tumeur par tumeur. Une forte préoccupation demeure par exemple concernant la mortalité du cancer du poumon chez les femmes, et du cancer du pancréas dans la population générale. Dans le premier cas, l’incidence augmente essentiellement à cause d’une consommation accrue d’alcool. Dans le second, la tendance stagne, en partie à cause du manque de progrès dans les traitements.Comment expliquer cette baisse de mortalité ?Les auteurs proposent plusieurs explications conjuguées. Il y aurait en réalité une combinaison de petites et grandes avancées en matière de prévention, de détection précoce, de dépistage et de traitement derrière ce recul. Ces interprétations ne sont pas généralisables pour tous les pays. Mais en France, en Italie et au Royaume-Uni, où la mortalité des cancers les plus courants est en déclin depuis plusieurs décennies, ce sont les hypothèses principales.Le tabagisme pourrait se stabiliser dans certains pays au cours de la prochaine décennieIl y a plus de cancers, mais moins de personnes meurent du cancer. Comment expliquer ce paradoxe ?Il faut faire la différence entre le nombre de décès, et le taux de décès. Vous avez raison, dans l’absolu les décès par cancers devraient augmenter de 2020 à 2025. Mais cette hausse est mécanique. Elle est liée au fait que la population s’accroît et vieillit. A population égale, la mortalité, autrement dit le taux de décès pour 100 000 habitants, lui, recule. Il y a plus de morts dans l’ensemble, mais dans une proportion moins grande. Contrairement à ce qu’on peut penser, les cancers tuent de moins en moins en Europe.Selon les projections du département des sciences cliniques de l’université de Milan, les femmes devraient s’en sortir moins bien que les hommes en 2025 et dans les années à venir. Pourquoi ?Principalement à cause du fait qu’elles se sont plus récemment mises à fumer que les hommes. C’est une tendance marquée dans chaque pays de l’UE, et ancrée, ce qui plombe les statistiques, et notamment celles du cancer du poumon, un des plus fréquent. Mais il y a une bonne nouvelle : l’augmentation du tabagisme est moins forte ces dix dernières années que durant la période précédente. Elle pourrait même se stabiliser dans certains pays au cours de la prochaine décennie. Cette tendance doit servir à orienter les politiques publiques. On voit, notamment, grâce à cette étude, que les mesures visant à réduire le tabagisme chez les femmes sont essentielles pour réduire les inégalités face aux cancers.Comment la France se compare-t-elle par rapport aux autres pays en Europe ? Y a-t-il des exceptions françaises, des “paradoxes français” ?Pas particulièrement à ma connaissance. Les baisses des taux de mortalité globaux en France sont similaires à celles des autres grands pays de l’UE, du Royaume-Uni et des États-Unis chez les hommes. Elles sont moindres chez les femmes, en partie en raison des tendances concernant le cancer du poumon. Mais il n’y a pas d’anomalie particulièrement marquée.
Source link : https://www.lexpress.fr/sciences-sante/les-cancers-tuent-de-moins-en-moins-en-europe-la-mise-au-point-de-lepidemiologiste-freddie-bray-LYTPIQ7GU5EWVEK36YCFBHTLUM/
Author : Antoine Beau
Publish date : 2025-04-27 06:45:00
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