Pete Hegseth aurait-il quelque chose de Grigori Raspoutine ? Les points communs entre l’actuel secrétaire à La Défense de l’administration Trump et l’homme de l’ombre du tsar Nicolas II sont légion. Tous deux ont été propulsés au sommet de l’État sans grande expérience ; le premier a failli voir sa nomination retoquée au Sénat pour soupçons d’inconduite sexuelle et de beuveries, tandis que le second traîne une réputation d’ivrogne lubrique. Et la comparaison ne s’arrête pas là. À l’image de Raspoutine qui fit vaciller l’appareil impérial en lançant des purges et en provoquant des démissions en cascade, l’ascension de Pete Hegseth laisse planer la menace d’une embolie au Pentagone.Ces derniers jours, hauts fonctionnaires et médias relatent le climat de désordre et de terreur qui règne au ministère de la Défense américain. Le New York Times dépeint, à l’instar de nombreux titres de presse outre-Atlantique, un Pentagone embourbé dans un “chaos” sans précédent. L’ancien porte-parole en chef du ministère John Ullyot, qui a démissionné mi-avril, enfonce le clou dans une tribune publiée par Politico. “Entre fuite des plans opérationnels sensibles et licenciements massifs”, le Pentagone a “vécu un mois de chaos total”, siffle-t-il, accusant Pete Hegseth de “déloyauté et d’incompétence”.Limogeages, démissions… Le Pentagone se désarticuleDès son arrivée au ministère de La Défense, Pete Hegseth s’en prend aux hauts gradés nommés par la précédente administration. Le général CQ Brown – qui avait été une première fois nommé chef d’état-major de l’US Air Force par Donald Trump en 2020 – est par exemple remplacé par le général Dan Caine. Au total, une demi-douzaine de hauts fonctionnaires ont soit démissionné, soit été limogés. Dernier départ en date : ce jeudi 24 avril encore, un haut responsable du Pentagone a annoncé que le chef de cabinet de Pete Hegseth, Joe Kasper, allait quitter son poste.Une semaine plus tôt, Pete Hegseth a remercié trois de ses principaux conseillers, qu’il avait pourtant lui-même recrutés au ministère : Dan Caldwell, Darin Selnick et Colin Carroll. Tenus pour responsables de fuites d’informations confidentielles dans les médias, ces ex-collaborateurs nient publiquement toute implication dans ces supposées fuites. Pour remonter à la source de ces dernières, Pete Hegseth n’hésite pas à employer les grands moyens : comme le rapporte le Wall Street Journal, l’amiral Grady, alors président par intérim des chefs d’état-major, a ainsi été menacé d’être soumis à un détecteur de mensonges, après qu’une fuite a révélé que le secrétaire à La Défense prévoyait de confier à Elon Musk des informations classifiées sur la Chine.Chez son ancien employeur, Fox News, le secrétaire à La Défense, irrité par les fuites en cascade, s’est empressé d’accuser les médias d’utiliser “d’anciens employés mécontents” pour le calomnier, affirmant vouloir vider le Pentagone de “l’idéologie woke” pour le rendre “aux guerriers”.Un ethos martial que cultive volontiers le ministre des Armées. “Chaque répétition, chaque goutte de sueur nous rappelle la ténacité, la discipline et la force qui défendent notre nation”, écrivait-il encore mi-avril. Et il arrive même que le verbe emprunte une tonalité évangélique. “Que Dieu accompagne nos guerriers”, envoie-t-il dans une boucle de la messagerie Signal fin mars. Une conversation qui n’aurait jamais dû être rendue publique, puisqu’elle évoquait des frappes imminentes au Yémen. Encore aurait-il fallu qu’un journaliste du quotidien américain The Atlantic ne soit pas ajouté à la discussion. Une bourde inédite qui n’a pas manqué d’ébranler la crédibilité de la nouvelle administration républicaine.Un risque de camouflet pour Donald TrumpD’autant que le second couac ne s’est pas fait attendre longtemps. Dans un autre groupe Signal non sécurisé où figurent cette fois son épouse, son frère, son avocat, “ainsi qu’une dizaine de personnes de son entourage personnel et professionnel”, Pete Hegseth partage une nouvelle fois des données sensibles. Mardi soir, la chaîne de télévision américaine NBC a révélé que ces plans militaires lui avaient été confiés par le général Michael Kurilla, via un canal sécurisé. Cette nouvelle fuite, dont on ignore encore toute l’ampleur, renforce le malaise jusque dans les rangs du Grand Old Party et relance les doutes sur la gestion du Pentagone.Le représentant républicain du Nebraska Don Bacon appelle publiquement au limogeage de Pete Hegseth – une première pour un secrétaire à La Défense. À Politico, celui qui est également ancien général de l’Air Force déclare : “C’est inacceptable, et je ne le tolérerais pas si j’étais aux commandes.” Une pique envoyée à Donald Trump, qui s’est bien gardé de désavouer publiquement son secrétaire à la Défense. Au contraire, le président des Etats-Unis a salué l’action de Pete Hegseth au Pentagone : “Il fait de l’excellent travail – demandez donc aux Houthis ce qu’ils en pensent”, a-t-il raillé, en référence aux récentes frappes américaines contre les rebelles aux Yémen.Mais derrière ce soutien affiché, Donald Trump et ses équipes craignent que les gaffes de Pete Hegseth n’entachent la crédibilité de la Maison-Blanche. D’autant qu’un départ forcé du secrétaire à la Défense apparaîtrait comme un camouflet pour Donald Trump et ouvrirait la voie à une succession épineuse, exigeant de trouver un remplaçant “Trump-compatible” qui soit néanmoins capable de franchir l’obstacle de la validation par le Sénat.Divergences avec Elon MuskAu-delà de ces fausses notes, un autre front demeure incandescent : celui des deniers fédéraux. Tandis que Donald Trump s’est engagé à porter le budget militaire à 1 000 milliards de dollars – contre 850 milliards actuellement – Elon Musk a promis d’effeuiller le budget fédéral de plusieurs dizaines de milliards. Si Pete Hegseth avait applaudi l’arrivée du patron de Tesla et vanté les “économies intelligentes” dégagées ici ou là, leurs relations se sont depuis grippées. Dès son arrivée au Doge, Elon Musk a plaidé en faveur de la fermeture de lits dans les hôpitaux militaires, de réductions d’effectifs dans les chantiers navals, de coupes dans les usines de munitions et même dans les écoles dépendant du Pentagone – autant de lignes rouges pour le secrétaire à La Défense.Le bras de fer s’est encore tendu lorsque Elon Musk a limogé l’un de ses propres représentants au Pentagone, jugeant qu’il ne sabrait pas assez vigoureusement. Si les deux hommes ont tenté d’aplanir leurs différends dans le bureau Ovale ce mois-ci, aucun compromis n’a semblé avoir été dégagé. En attendant, dans les couloirs du ministère de la Défense, chacun se demande combien de temps le funambule du Pentagone pourra encore échapper à la chute.
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Author : Ambre Xerri
Publish date : 2025-04-25 09:17:00
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Avec Pete Hegseth, le Pentagone en plein chaos : purges, détecteur de mensonges, fuites…
