Sa prudence rhétorique ne lui a été d’aucun secours. En envisageant d’alourdir la fiscalité des retraités à l’occasion du prochain budget, la ministre des Comptes Publics Amélie de Montchalin s’est attiré les foudres des oppositions. Et a rappelé à quel point une participation accrue des plus âgés à l’assainissement des comptes publics demeure un tabou politique. “Je pense, à titre personnel, qu’on ne peut pas indéfiniment mettre à contribution les actifs pour financer les nouvelles dépenses sociales liées au vieillissement”, assurait samedi l’ancienne députée dans un entretien au Parisien, au sujet d’une possible suppression de l’abattement fiscal de 10 % des retraités pour frais professionnels. La mesure pourrait rapporter 4,5 milliards d’euros, alors que le gouvernement cherche 40 milliards d’économies pour 2026.La piste n’est pas révolutionnaire. Dans un rapport publié en octobre 2024, le Conseil des prélèvements obligatoire épinglait le dispositif actuel, pas suffisamment “ciblé sur les foyers aux revenus modestes et intermédiaires”. Un amendement au budget 2025, porté par plusieurs députés macronistes, prévoyait de limiter à 2000 euros le plafond de cet abattement. Il avait été rejeté. L’ancien Premier ministre Michel Barnier lui-même s’était opposé à une telle mesure, même si Bercy avait procédé à des simulations pour en calculer le gain budgétaire.”Les retraités ne sont pas une variable d’ajustement”Las, le ballon d’essai a déclenché un tir de barrages. Le Rassemblement national étrille une “très mauvaise idée”, palliatif à l’absence d’économies structurelles, quand le député LFI Eric Coquerel déplore l’attaque de “cibles bien commodes”. La fronde s’étend au socle commun. Le patron des députés LR Laurent Wauquiez dénonce une hausse déguisée des impôts – ligne rouge de la droite – quand le bloc central affiche ses divisions. “Les retraités ne sont pas une variable d’ajustement ni la victime expiatoire de l’absence de courage en matière de réduction des dépenses publiques”, s’est agacé sur X le député Renaissance du Val-de-Marne Mathieu Lefèvre, à rebours du discours de Bercy. Alors, l’exécutif fait assaut de prudence. La porte-parole du gouvernement Sophie Primas, soucieuse d’éteindre le début d’incendie, a assuré mercredi 23 avril sur TF1 qu'”aucune décision n’était prise”.La fiscalité des retraités, nitroglycérine politique. Le projet de Michel Barnier de désindexer les pensions de retraite pendant six mois avait déclenché un tir de barrages du bloc central, avant que le gouvernement n’opère un semi-recul sur le sujet. Insuffisant pour le Rassemblement national, qui s’était appuyé sur cette mesure d’économie pour censurer l’exécutif. Le jour de la chute du Savoyard, un ministre se lamentait : “C’est énorme qu’une crise de régime ne tienne qu’à la désindexation des retraites.””Tout cela est électoraliste”A chacun ses arguments. Les partisans d’une taxation des retraités invoquent une juste répartition des efforts. D’après un rapport de la Drees publié en 2024, leur niveau de vie médian “demeurait légèrement supérieur à celui de l’ensemble de la population en 2021”. Ils ont en effet plus rarement des enfants et charges et “disposent davantage d’autres types de revenus que le reste de la population, notamment des revenus issus du patrimoine”, notait l’organisme. Les adversaires d’une telle taxation convoquent eux la fragilité sociale de certaines personnes âgées, tout comme l’urgence de réduire la dépense publique plutôt que de recourir à l’arme fiscale.Le dernier motif d’opposition est moins avouable : les retraités représentent une manne électorale considérable. 23 % des électeurs de plus de 70 ans n’ont pas voté au premier tour de la présidentielle 2022, contre 42 % des 18-24 ans. “Tout cela est électoraliste, glisse un proche de François Bayrou. Les personnes âgées représentent un électorat de conquête pour Le Pen et un électorat de défense pour LR et nous.” Après l’offensive de Laurent Wauquiez contre la désindexation des retraites cet automne, un député LR ironisait, guère dupe de l’objectif poursuivi. “L’avenir est dans cette classe d’âge. Voilà un grand combat politique !”Le gouvernement osera-t-il franchir le pas ? Impératifs économiques et politiques se percutent ici. En l’absence de majorité à l’Assemblée nationale, l’exécutif s’exposerait à une censure des oppositions réunies. Ou à une dislocation du socle commun, tant la droite érige la défense des retraités en valeur cardinale. Le risque est d’autant plus fort que le débat se cristallise sur la situation des personnes âgées au détriment d’une vision globale. Le député Renaissance Pieyre-Alexandre Anglade se méfie “du débat caricatural qui s’installe autour de la ’taxation des retraité’.” “L’enjeu est la recherche d’un meilleur équilibre entre générations afin de préserver un modèle social sans affaiblir ceux qui le financent.” Un ministre résume l’équation : “Nous avons perdu la capacité de débattre de fiscalité de manière rationnelle dans le pays. Tout est assez épidermique. Je ne sais pas comment on peut faire des budgets avec de vraies transformations fiscales dans ce contexte politique.” Derrière le gain budgétaire espéré, se niche une question lancinante mais peu avouable. Où serait le gain politique ?
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Author : Paul Chaulet
Publish date : 2025-04-24 05:30:00
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