Alexandre se souvient du premier voyage du cardinal Bergoglio en tant que pape, en juillet 2013. Il avait choisi Lampedusa. Cette petite île italienne proche de la Tunisie est la porte d’entrée vers l’Europe pour de nombreux migrants. François y avait dénoncé la “mondialisation de l’indifférence” dans un discours qui a “réconcilié” l’économiste de 25 ans avec sa foi. Le jeune homme avoue avoir “toujours été vexé de l’inadéquation entre la foi catholique et les sujets d’immigration.” Mais ce qu’a dit le pape à ce moment a “résonné” en lui.Alexandre fait partie de cette génération de catholiques, aujourd’hui âgée de 25 à 30 ans, qui a grandi avec le pape François. Décédé le lundi 21avril à l’âge de 88 ans, le pontife argentin était arrivé en 2013 au Vatican “avec une autre vision du monde et des problématiques sociétales différentes” de celles de ses prédécesseurs européens, souligne la chercheuse Isabelle Jonveaux. La responsable de l’Institut de Sociologie Pastorale de Suisse Romande à Lausanne rappelle que “le pape François a montré son intérêt pour les jeunes en les rejoignant dans leurs préoccupations”. Ses encycliques sur les thèmes de l’écologie – Laudato si (2015) – et de l’immigration – Fratelli Tutti (2020) – en sont un bon exemple.En 2016, lors des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), François appelle près de 2 millions de croyants à “sortir de leur canapé” pour changer le monde. Un discours direct qui le caractérise. “Ses écrits sont moins théologiques que ses prédécesseurs. C’est une bonne chose. Ça m’a permis de relier ma foi au concret. La vie n’est pas un débat d’interprétations théologiques”, estime Alexandre.Un pape proche des plus pauvresLe pape François, par son histoire personnelle et la culture d’Amérique latine qu’il a apportée au Vatican, a marqué le monde par sa modernité et sa simplicité. Il a voulu se rendre proche des croyants et des plus pauvres, “lui donnant une figure sympathique, notamment chez les jeunes, qui ont aimé son mode de communication spontané”, analyse Isabelle Jonveaux. Dans une tribune publiée dans le journal La Croix en mars 2025, le père Pierre Amar, co-fondateur du Padreblog, expliquait la manière avec laquelle le pape François, “plus discret” que ses prédécesseurs, se voyait “comme une sorte de ‘curé du monde’ qui aime faire réfléchir les catholiques sur leur positionnement vis-à-vis des non-catholiques, des autres croyants, des agnostiques, des athées, en un mot… ‘des périphéries’.””Il a toujours répété : ‘Je prie pour vous. Priez pour moi’. C’est cette humilité avec laquelle il demandait la prière des fidèles qui m’a le plus marquée”, témoigne Clothilde, 26 ans, diplômée de théologie. “Quoi qu’on en pense, on ne peut douter de la sincérité avec laquelle François a toujours cherché la vérité et à rapprocher les fidèles de Dieu.” Dès le choix de son nom, faisant référence à François d’Assise, un saint italien défenseur des pauvres, le pontife argentin avait annoncé la couleur : il se mettrait au service des périphéries. Mais cet amour pour les oubliés, François le tenait aussi de son ordre jésuite qui donne une importance particulière à l’évangélisation. Une mission consistant à annoncer le message de Dieu au monde.On ne peut pas dire que le pape François ait créé une unité autour de luiIsabelle JonveauxAlexis est moins catégorique : “Que le pape François ait pris des sujets sociétaux à bras-le-corps est compréhensible, concède le chef de projets fonciers. Il a donné une bonne image de l’Église aux non-catholiques, mais j’ai le sentiment qu’il a mis de côté les croyants déjà ancrés dans leur foi.” Ce pratiquant de 25 ans a “parfois eu du mal à comprendre les positions du pape”, notamment concernant le renouvellement de la curie romaine – l’administration centrale de l’Eglise catholique et du Vatican – réformée en 2022. Il lui reproche de ne pas avoir respecté la pluralité de l’Eglise. “François a travaillé à un collège de cardinaux dans sa ligne pour qu’elle puisse continuer”, confirme Isabelle Jonveaux.Une “génération JMJ 2023″ majoritairement pratiquante”Toute une partie assez conservatrice de la jeunesse catholique n’était pas en accord avec le pape François sur les questions de migration ou d’homosexualité”, souligne-t-elle aussi. La chercheuse remarque que cette part des catholiques conservateurs, “voire rigoristes”, dans leur pratique, est en augmentation. En 2023, avant le début des JMJ de Lisbonne, le journal La Croix proposait un sondage sur le profil des jeunes Français qui y participaient. Les conclusions de cette étude montraient une “génération JMJ 2023” majoritairement pratiquante, allant une, voire deux fois par semaine à la messe. Parmi ces sondés, 18 % seulement se disaient “très en affinité” avec le pape François et 54 % “assez en affinité” avec les orientations qu’il donnait à L’Eglise. “On ne peut pas dire que le pape François ait créé une unité autour de lui, ou au contraire, totalement divisé”, analyse la sociologue.Isabelle Jonveaux prend l’exemple de l’ouverture à la bénédiction des couples homosexuels, instituée en décembre 2023 à travers la déclaration “fiducia supplicans”. “Pour une partie des jeunes, cette annonce signifiait le début de la fin de l’Eglise. Pour d’autres, l’institution n’allait pas assez loin. Ils souhaitaient la voir autoriser le mariage des couples homosexuels”, rappelle la chercheuse.Dans quelques jours, un nouveau pape sera élu, annoncé par la fumée blanche qui s’élèvera au-dessus de la chapelle Sixtine. Qui sera son successeur ? Pour Alexis, afin d’apaiser les divisions entre catholiques, “il faudrait un bon mélange entre François, Benoît XVI et Jean-Paul II”. Alexandre, lui, pense “que les problématiques soulevées par François n’ont pas encore été réglées” et aimerait voir l’Eglise continuer dans sa lignée. Qu’il soit conservateur ou progressiste, “c’est surtout l’espace culturel et le pays dont sera issu le futur pape qui donnera une ligne à son pontificat”, conclut Isabelle Jonveaux.
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Author : Anne-Charlotte Phan
Publish date : 2025-04-21 08:06:00
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Décès de François : un pape qui a réconcilié les jeunes avec la foi catholique
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