Maros Sefcovic a la tête de l’emploi. Pardon, la poigne et la carrure de l’emploi. Un colosse aux épaules larges. Mâchoire carrée. Il faut au moins ça pour tenir tête, ces derniers temps, à Donald Trump et ses équipes alors que s’égrène le tic-tac de l’ultimatum sur les droits de douane. Le 9 avril, le président américain a mis sur pause pour quatre-vingt-dix jours l’avalanche de taxes douanières annoncées quelques jours plus tôt, lors du fameux “Liberation day”.Flanqué du titre de commissaire européen au commerce et à la sécurité économique dans la nouvelle équipe d’Ursula von der Leyen, ce Slovaque de 58 ans est le négociateur en chef de l’Europe. Celui auquel les dirigeants des 27 Etats de l’Union ont donné mandat de trouver une porte de sortie satisfaisante pour tous. Pas vraiment le job le plus reposant de la Commission. Depuis trois semaines, l’intéressé a brûlé plusieurs tonnes de CO2 dans les avions. Un jour à Washington pour tenter de calmer la fureur du locataire de la Maison-Blanche, le surlendemain à Pékin pour prévenir un déferlement de produits chinois sur le sol européen.Pour Sefcovic, l’Armageddon commercial du 2 avril n’a pas vraiment été une surprise. Quelques jours avant l’ouverture des hostilités, l’émissaire européen était déjà dans le bureau du secrétaire d’Etat américain au Commerce, Howard Lutnick, essayant de sauver ce qui restait du multilatéralisme. Sans succès.De retour à Bruxelles, il a alors averti les dirigeants européens de l’imminence de l’offensive. Avec un conseil de vieux sage : restez calme et prenez votre temps pour riposter, refroidissant tout de go les désirs de surenchère des plus va-t-en-guerre. Une tempérance qui, pour l’heure, a plutôt payé. Sefcovic ? “Un gars sérieux, un bosseur qui connaît ses dossiers, bon diplomate et fiable”, résume Pascal Lamy, lui-même ancien commissaire au commerce et ex-directeur général de l’OMC. “L’alliance magique du diplomate qui sait être charmant quand il le faut et du techno rigide, droit dans ses bottes”, ajoute un haut fonctionnaire européen qui l’a souvent croisé dans les couloirs du Berlaymont, le siège de la Commission à Bruxelles.Bon connaisseur de la RussieIl faut dire qu’ils sont nombreux à l’avoir côtoyé ces dernières années. Le Slovaque détient un record : celui du nombre de mandats consécutifs à la Commission. Quatre au total depuis 2009, sous trois présidents différents : José Manuel Barroso, Jean-Claude Juncker et Ursula von der Leyen, dont il est devenu l’un des fidèles. A chaque fois à des postes différents : commissaire à l‘éducation, à la santé, aux relations institutionnelles, puis à l’énergie, en passant par la mise en musique du Pacte vert, et jusqu’au dernier job, le commerce, l’une des charges les plus prestigieuses de la Commission. “On ne fait pas une carrière à Bruxelles comme celle-là sans un certain talent”, susurre un observateur.De la diplomatie et du tact, il a su en faire preuve quand il a mis en œuvre les accords de sortie du Royaume-Uni de l’UE après Michel Barnier. En 2019, c’est aussi grâce à lui qu’un accord entre l’UE, l’Ukraine et la Russie à propos du transit du gaz russe a été trouvé, après des négociations particulièrement ardues.La Russie, Sefcovic la connaît comme sa poche. Il a adhéré au Parti communiste tchécoslovaque au moment de la Perestroïka et usé ses fonds de pantalon pendant cinq ans sur les bancs du très prestigieux Institut d’Etat des relations internationales de Moscou – le MGIMO –, la pouponnière de l’élite russe. En 2019, “Big Maros” tente l’aventure de l’élection présidentielle en Slovaquie, avec un programme de droite très conservatrice, anti-LGBT, défendant les valeurs chrétiennes de l’Europe. Il est sèchement battu par la candidate libérale Zuzana Caputova. Qu’importe : Sefcovic retrouve illico sa place à la Commission. Sa proximité avec Robert Fico, l’actuel chef du gouvernement slovaque, ouvertement prorusse, ne lui a jamais porté ombrage. “C’est un opportuniste, qui sait très bien manœuvrer”, glisse un ancien ponte de la direction générale du commerce.Dans les prochaines semaines, il faudra beaucoup d’adresse à ce francophone pour continuer de négocier avec l’administration américaine. Sa stratégie ? Prendre Trump à son propre piège en proposant aux Etats-Unis la suppression de tous les droits de douane sur les produits industriels – une idée déjà avancée par l’UE lors du premier mandat de Trump –, tout en continuant à peaufiner des mesures de rétorsion en cas de nouvelle attaque. De la haute voltige.
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Author : Béatrice Mathieu
Publish date : 2025-04-18 10:00:00
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