Avant le début de la guerre dans la bande de Gaza, la ville de Rafah, au sud de l’enclave palestinienne, comptait un peu moins de 300 000 habitants. Aujourd’hui vidée de sa population et encerclée par l’armée israélienne, difficile de savoir quel sort connaîtra la ville, tout comme de larges pans du territoire (environ 30 %), désormais transformés en zones tampons inaccessibles aux Palestiniens. Ces derniers jours, Tsahal a annoncé avoir étendu ses “zones de sécurité” – des régions contrôlées par l’armée et interdites aux civils – dans le Nord, le sud, et le long de la frontière Est, redessinant la carte de l’enclave. Des régions qu’Israël menace d’occuper de manière permanente, si le Hamas ne capitule pas.Dimanche 13 avril, le ministre de la Défense israélienne, Israël Katz, a annoncé la capture du Corridor de Morag, une route de 12 kilomètres de long traversant la bande de Gaza d’est en ouest, et séparant la ville de Khan Younes de Rafah, à la frontière égyptienne. “Des centaines de milliers d’habitants ont déjà été évacués des zones de combat et des dizaines de pourcents du territoire font maintenant partie des zones de sécurité israéliennes”, a-t-il annoncé sur ses réseaux sociaux.”Occupation indéfinie”L’ordre d’évacuation de la région sud – l’un des plus importants émis en dix-huit mois de guerre – dévoile une zone tampon équivalent à 20 % du territoire, entre le Corridor de Morag et la route de Philadelphie (à la frontière avec l’Egypte). À terme, cette zone devra s’étendre jusqu’à la périphérie de Khan Younès, à plus de cinq kilomètres, indique le quotidien israélien The Times of Israel.#عاجل ‼️ إلى جميع سكان قطاع غزة المتواجدين في مناطق رفح، بلديات النصر والشوكة والمناطق الاقليمية الشرقية والغربية وأحياء السلام، المنارة وقيزان النجار
⭕️يعود جيش الدفاع الإسرائيلي للقتال بقوة شديدة للقضاء على قدرات المنظمات الإرهابية في هذه المناطق.
⭕️من أجل سلامتكم عليكم… pic.twitter.com/Ps1JvDoJRY— افيخاي ادرعي (@AvichayAdraee) March 31, 2025Israël a également élargi sa main mise sur “la zone frontalière nord de Gaza”, allant jusqu’au corridor de Netzarim, en englobant Gaza City, selon le ministère de la Défense. Les troupes israéliennes ont aussi élargi la zone tampon à la frontière Est – environ 300 mètres de large avant le 7 octobre – sur deux kilomètres.”Pire situation humanitaire”Avant la guerre, le terminal de Rafah, à la frontière avec l’Egypte, était le seul point de passage qui n’était pas exclusivement contrôlé par Israël. La ville a servi de refuge à plus d’un million de Palestiniens durant les premiers mois du conflit et a été un point d’acheminement vital pour l’aide humanitaire, actuellement totalement bloquée depuis six semaines. Mercredi, Israël Katz a de nouveau exclu de nouvelles entrées d’aide, au moment même où l’ONU parle de “probablement la pire” situation humanitaire en dix-huit mois de conflit.”Nous assistons en temps réel à la destruction et au déplacement forcé de toute la population de Gaza”, alerte quant à elle Amande Bazerolle, coordinatrice de Médecins sans frontières. Avant d’intervenir, Israël aurait informé l’Egypte, limitrophe de Rafah, de son intention de conserver cette région comme zone tampon sur le long terme, informe la presse américaine. Le journal Haaretz précise quant à lui que les responsables israéliens n’ont pas encore tranché si la zone devait ou non être entièrement rasée.”Occupation indéfinie”L’occupation indéfinie des terres constitue un nouveau virage dans la guerre à Gaza : “La stratégie israélienne diffère de celle employée plus tôt dans la guerre, lorsqu’elle déplaçait des troupes d’un endroit à l’autre, en répétant qu’elle n’occuperait pas de terres. Il est probable qu’Israël s’empare désormais de territoires pour maximiser son influence à la table des négociations avec le Hamas, mais on ignore ce que le gouvernement fera de ces zones si les deux parties ne parviennent pas à un accord”, analyse le Wall Street Journal, de sources régionales.”Plus le Hamas persistera […] plus Gaza deviendra petite et isolée, et ses habitants contraints d’évacuer les zones de combat”, a prévenu le ministre de la Défense. Il a également, à sa manière, réitéré la proposition de Donald Trump de déplacer les Palestiniens de la bande de Gaza : “Les personnes intéressées pourront se rendre volontairement dans différents pays du monde, conformément à la vision du président américain, que nous nous efforçons de mettre en œuvre”, cite le Times of Israel.Le Hamas examinerait actuellement une proposition israélienne de trêve temporaire, transmise par les médiateurs égyptiens. Selon un haut responsable du mouvement, cité par l’AFP, Israël demande le retour de dix otages vivants en échange d’une trêve d'”au moins 45 jours”, de la libération de 1 200 prisonniers palestiniens détenus par Israël et d’une autorisation de faire entrer de l’aide humanitaire dans Gaza.Déplacements forcésDans un rapport publié début avril sur ces zones tampons, l’ONG israélienne Breaking the Silence, qui recueille des témoignages d’anciens vétérans, accuse l’armée, de “jeter les bases du futur contrôle israélien de la région, en procédant à des destructions massives et délibérées”, de bâtiments ou encore de terres agricoles. Le rapport cite des soldats et des officiers ayant participé à la création de ce périmètre de sécurité, affirmant que ces zones ne sont ni clairement marquées ni définies, “mettant en danger la vie de tout Palestinien franchissant cette ligne imaginaire”.Près de 400 000 Palestiniens ont été déplacés rien qu’entre le 18 mars et le 8 avril par les ordres d’évacuation, selon les Nations unies. Environ les deux tiers de l’enclave sont actuellement soit sous ordre d’évacuation, soit considérés par Israël comme une zone interdite, indique l’ONU. La perspective d’une occupation permanente de la bande de Gaza rouvre de vieilles blessures pour les Gazaouis, dont beaucoup sont des descendants de la Nakba, (“la catastrophe” en arabe), en référence à l’exil forcé de 750 000 Palestiniens pendant la guerre israélo-arabe de 1948.
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Publish date : 2025-04-16 14:18:00
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