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“Notre problème le plus urgent, c’est de réussir à gérer l’année judiciaire.” Le Rassemblement national, en ce début de printemps, s’adonne à sa nouvelle activité favorite : enfoncer des portes ouvertes. Après le choc provoqué par la décision du tribunal correctionnel de condamner Marine Le Pen à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire, le parti d’extrême droite sort de sa léthargie. Et tente, avec plus ou moins de succès, de convaincre que l’année qui le sépare de la décision de la Cour d’appel sera une année comme les autres.Chez les lepénistes, il y a deux écoles en la matière. Celle du déni, d’abord, partagée par la plupart des dirigeants, qui estiment que cet entre-deux préparant la candidature d’une Marine Le Pen potentiellement inéligible ne pose pas de problème. “Regardez le parti, affirme un proche de la patronne. Depuis deux semaines, il n’y a pas eu un bruissement, les gens sont solidaires. Et s’il faut changer de stratégie au dernier moment, on en changera, ce ne sera pas la première fois. C’est évidemment inconfortable, mais c’est gérable.”D’autres sont moins optimistes, et envisagent avec appréhension les mois à venir, et surtout, l’absence de stratégie officielle pour gérer cette période complexe. “Il faut absolument prévoir comment on va gérer cette année, les angles qu’on va choisir, avance un député anxieux. On attendait de voir comment la poussière allait retomber, mais là il faut faire quelque chose.”Manque de communicationLe jugement de l’affaire des assistants parlementaires du parti, inconcevable en interne il y a encore quelques semaines, a ébranlé la confiance de certains cadres dans l’appareil frontiste. Une sensation d’impréparation s’est répandue parmi les élus démunis, réveillant d’anciennes critiques liées à la persistance de nombreux problèmes structurels au sein du parti. Un manque de communication interne, d’abord, pointé du doigt depuis des mois par plusieurs frontistes, porté à son apogée pendant la période du procès. “On n’a jamais eu de compte-rendu sur la stratégie de défense, se plaint un élu. Alexandre Varaut [NDLR : eurodéputé RN et avocat du parti] était censé nous informer des éléments au fil de l’eau, il n’y a eu qu’une seule réunion “argu” le jour de l’ouverture du procès !”Résultat : mal informés sur la stratégie de défense et les rebondissements de l’affaire, plusieurs représentants du parti se sont pris les pieds dans le tapis sur les plateaux de télévision. Dernier exemple en date, la semaine dernière : Jean-Philippe Tanguy, interrogé sur le fait que la moitié des prévenus n’ont pas fait appel, ouvre des yeux ronds, manifestement pas au courant. “On passe pour des imbéciles !”, s’agace un élu.L’irritation aidant, les langues se délient. Ils sont aujourd’hui plusieurs lepénistes à dénoncer une défaillance d’organisation plus profonde, liée notamment à une incapacité du parti à tirer le bilan de ses échecs. Celui des dernières élections législatives, notamment. “Qu’a-t-on fait ? s’interroge un parlementaire. On a viré Gilles Pennelle, responsable du ‘Plan Matignon’, mais on ne s’est pas remis en question sur les raisons profondes qui nous ont fait échouer.”Ce n’est pas faute de l’avoir demandé. Ils sont plusieurs, autour de Marine Le Pen et Jordan Bardella, à réclamer un retour sur ces expériences, afin d’en tirer des leçons. Des profils comme Jean-Philippe Tanguy, Bruno Bilde, Thomas Ménagé ou Sébastien Chenu. Les réclamations sont écoutées, et la réponse est toujours la même. “Oui, il faudrait le faire.” Les actes ne suivent pas. “C’est comme ça, ils ne veulent pas…, se résigne un cadre. Le problème, c’est que tant qu’on continue de progresser électoralement, les emm.. restent des emm…”Absence de remise en questionMais plusieurs en sont conscients. L’incapacité d’anticipation du parti, soudainement mise à jour par le jugement de Marine Le Pen, n’est que la face émergée d’une immaturité persistante au sein du parti, et d’un refus de remise en question. “Marine Le Pen, c’est l’histoire d’une femme courageuse, entourée de gens qui ne travaillent pas beaucoup”, commente un proche. En interne, une partie tente de tempérer cette offensive. “Sur l’absence de remise en question, c’est tout à fait faux, assure un membre du premier cercle. On consulte, on réfléchit avec beaucoup de monde sur la meilleure façon d’aborder la séquence, quitte à changer de stratégie. C’est ce que j’appelle une remise en question.”D’autres s’improvisent psychanalystes et voient dans cette désorganisation un désintérêt de Marine Le Pen pour les questions d’appareil. “Elle, ce qui l’intéresse, c’est la perception de la masse, de ses électeurs. Elle se fiche d’avoir une mécanique interne bien huilée tant qu’elle reste à la tête d’un parti de masse”, tente un interlocuteur régulier. En d’autres termes : le parti et sa gestion ne sont plus l’affaire de Marine Le Pen. Elles sont celles, en revanche, de son potentiel successeur. Et la gestion de Jordan Bardella est loin de faire l’unanimité au sein de l’écosystème frontiste.”La gestion du parti, franchement, c’est une cata, déplore un conseiller. Jordan, je l’adore, mais il n’a toujours pas de directeur général, toujours pas de directeur de cabinet… On a vu les dysfonctionnements ces derniers mois.” Un peu de repos ne nuit pas. En vacances pendant la pause parlementaire, les élus frontistes auront le loisir de plancher sur les mois à venir. Plusieurs d’entre eux comptent rentrer à Paris avec des propositions concrètes à soumettre à l’état-major. D’autres préfèrent rester dans le rang, et attendre les instructions du parti, qui a toujours fonctionné à la verticale. Pour l’heure, aucune réunion sur le sujet n’a encore été programmée pour la rentrée.



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Author : Marylou Magal

Publish date : 2025-04-16 14:08:00

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