Ce sont trois lettres (U, S et A) ou quatre syllabes (A-me-ri-ca) qui claquent comme un slogan. C’est aussi une marque, la marque “Etats-Unis”, doublée d’une épopée gravée dans nos imaginaires par le pouvoir de films, de romans, de chansons : America, America (Elia Kazan), U.S.A. (la trilogie littéraire de John Dos Passos), Born in the USA (Bruce Springsteen). Depuis trois mois, Donald Trump s’échine à l’écorner à coups de pressions sur les universités – y compris sur Harvard, la plus prestigieuse – , de menaces contre ses alliés et d’une guerre commerciale désordonnée déclarée à plus de 90 pays. Le tout est agrémenté de propos orduriers : “Les pays nous appellent, ils me lèchent le cul [pour négocier]”, a-t-il déclaré lors du dîner du National Republican Congressional Committee (NRCC), le 8 avril 2025 à propos des négociations commerciales et sa politique tarifaire qui impose 145 % de droits de douane à la Chine.L’art du “deal” ou du “bad deal” ?L’impact négatif sur le branding de l’Amérique se mesure déjà dans le secteur du tourisme. Par rapport à l’année dernière, le nombre de visiteurs européens a décliné de 20 % à 30 % selon les pays de provenance. Bon à savoir : le secteur pèse pour environ 10 % du PIB et repose pour un tiers sur les étrangers biberonnés au mythe de l’American Dream par le cinéma hollywoodien. Cette perte d’attractivité coïncide évidemment avec le retour aux manettes du président Trump. “Que l’auteur de L’Art du deal détruise le soft power américain est un brin paradoxal dans la mesure où générer de l’influence coûte très peu et rapporte beaucoup”, grince l’américaniste Françoise Coste, qui est aussi l’auteure d’une biographie de Ronald Reagan.Inventé en 1990 par le théoricien des relations internationales Joseph Nye, le “soft power” est d’abord une notion américaine. A ce jour, celui des Etats-Unis reste le premier du monde – suivi, mais de loin, par la puissance symbolique de la monarchie britannique et, peut-être, de la France… grâce à son vin de Bordeaux. Cela n’empêche par Trump et Musk de saborder l’Usaid, instrument par excellence de coopération internationale et de promotion de la démocratie à travers le monde. Car le locataire de la Maison-Blanche endommage tout ce qui fait la beauté du “made in USA” : la séparation des pouvoirs, la stabilité en politique, la constance en diplomatie, l’excellence dans la recherche (Trump taille dans les budgets), la sécurité juridique (il menace les cabinets d’avocats “ennemis”), la liberté de la presse (il vient de faire pression sur la mythique émission 60 Minutes en raison d’un reportage sur le Groenland, pourtant équilibré, qui lui a déplu) ou encore le respect de la justice (Trump a gracié tous les assaillants du Capitole, y compris ceux impliqués dans la mort de policiers).En 1991, après un séjour aux Etats-Unis, l’idéologue chinois de premier plan Wang Huning avait publié L’Amérique contre l’Amérique, un livre important qui a connu un regain d’intérêt après l’insurrection trumpiste du 6 janvier 2021. Aujourd’hui parmi les principaux dirigeants du Parti communiste chinois, il y mettait l’accent sur les inégalités, l’individualisme et la marchandisation à tous crins, qu’il s’agisse de la chair humaine, du sexe, du savoir, de la politique, du pouvoir. “Le nihilisme est devenu le mode de vie américain, ce qui sera fatal au développement culturel et à l’esprit américain”, prédisait-il. Aurait-il visé juste ?
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Author : Axel Gyldén
Publish date : 2025-04-15 14:00:00
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Avec méthode, Donald Trump s’applique à détériorer la marque “Etats-Unis”
