Cent jours. C’est le temps dont dispose chaque président des Etats-Unis, en début de mandat, pour laisser sa marque sur la politique, la diplomatie et l’économie américaine. Pendant cette période de grâce, les contre-pouvoirs législatifs et judiciaires sont relativement faibles, légitimité du suffrage universel oblige, et le président et son équipe peuvent agir à leur aise, à coups de décrets exécutifs. Passé cette période, tout gouvernement s’enlise dans la gestion des urgences, et ne peut plus imposer le rythme du changement – ce sont les évènements qui dictent alors sa conduite.Alors que nous approchons de cette date fatidique du 30 avril, l’administration Trump est déjà clairement en train de basculer dans cette deuxième phase. Mais entre-temps, on peut dire que le gouvernement n’a pas chômé : les salves de décrets exécutifs dont raffole l’hôte de la Maison-Blanche (112 à ce jour, un record sur cette courte période) lui ont déjà permis de mettre en place les deux-tiers du fameux programme de la Heritage Foundation, le Projet 2025, qui avait fait couler beaucoup d’encre pendant la campagne de l’an dernier.Contre-révolutionEn l’espace de quelques semaines, c’est une véritable contre-révolution, voire dans certains cas une Terreur blanche, qui a été exécutée. Résultats : une partie de l’administration fédérale décapitée (et l’autre partie mise au pas par la terreur), un changement majeur de paradigme fiscal avec un objectif de long terme de remplacer l’impôt sur le revenu par des tarifs douaniers, et un revirement diplomatique spectaculaire en Europe, les Américains s’entendant désormais mieux avec les Russes qu’avec les Ukrainiens – sans parler des Européens, accusés de n’exister que pour “entuber” l’Amérique.Cent jours riches en actions et en réactions, donc – ce qui n’est pas pour déplaire au président Trump, lui-même friand de scènes qui “auront de la gueule à la télé”. Mais au-delà de l’action, c’est surtout sur les résultats que les Américains attendent leur président au tournant, et s’il est encore un peu tôt pour les bilans définitifs, nous pouvons déjà entrevoir certaines tendances qui devraient marquer la suite du mandat.Le prix Nobel s’éloigneContrairement à ce qu’on a tendance à penser en Europe, il y a bien des ajouts dans la colonne plus – le plus important étant le tarissement des flux migratoires ces dernières semaines à la frontière avec le Mexique, un véritable succès que l’administration Trump peut aisément quantifier, et qui est clairement le résultat d’une politique radicale (et probablement à certains égards anticonstitutionnelle). Cette nouvelle tombe bien en ces temps d’incertitude économique auto-administrée, car c’est la préoccupation principale des électeurs républicains (en attendant une possible récession) – et un point sur lequel nombre de démocrates centristes estiment que leur parti a failli. Un argument de poids dans la perspective des Midterms de 2026, dont la pré-campagne va bientôt commencer.Les électeurs républicains seront aussi gré des coupes spectaculaires faites dans le budget fédéral, mettant au chômage plusieurs centaines de milliers de fonctionnaires. Même si l’effet final sur les finances publiques est complètement annulé (voire inversé) par les autres mesures voulues par l’administration Trump, et que les coupes sont loin d’avoir touché les vrais problèmes structurels du pays, les effets d’annonce et la guerre culturelle importée à Washington (qui a perdu de sa splendeur ces derniers mois) ne sera pas pour déplaire aux électeurs américains de droite. Les effets à long terme, eux, sont beaucoup plus discutables.Le bilan est également très mitigé à l’international. Le “retournement d’alliance” n’est certes pas complet, mais il laisse les États-Unis isolés, et une partie de la droite américaine a du mal à suivre la stratégie trumpienne. Les déclarations coup de poing sur le Panama, le Groenland, l’Union européenne, l’Ukraine ou la Chine ont certes marqué les esprits, mais elles semblent plus fragiliser les Etats-Unis que les renforcer dans la compétition internationale actuelle. De plus, contrairement aux promesses et aux annonces, la paix n’est revenue ni au Proche-Orient, ni en Ukraine, et le fameux prix Nobel, fameuse obsession du président américain, semble désormais s’éloigner. À quoi servent donc les gesticulations trumpiennes ? C’est la question qu’on commence à se poser sur les rives du Potomac.”Bain de sang” pour les mid-termsTout cela néanmoins n’est rien comparé à la situation économique du pays qui, si elle continue de se détériorer, risque de coûter cher au Parti républicain. Tellement cher que les élus du Congrès ont enfin commencé à donner de la voix et à contester ouvertement les décisions de Donald Trump sur les tarifs douaniers, alors que la Bourse de Wall Street était en chute libre et que les chances d’une récession (et avec elle un retour de l’inflation causé directement par les tarifs) augmentent de jour en jour. Alors que les sondages se dégradent, ce sont les élus républicains qui sont les premiers à se retirer du rang, avec le sénateur très conservateur du Texas Ted Cruz qui a mené la charge cette semaine en suppliant le président de revenir sur sa politique commerciale pour éviter de mettre l’économie américaine dans le rouge – l’alternative, selon lui, serait un “bain de sang” pour les républicains pour les mid-terms de 2026. Message reçu par Donald Trump, qui a fait volte-face, mais probablement au prix de sa propre image de compétence économique.L’économie, c’est justement ce qui a fait élire Donald Trump en 2024. Et c’est bien cette réputation qu’il risque de perdre dans les mois qui viennent si l’économie continue de ralentir – un phénomène d’autant plus probable que l’incertitude la plus totale règne quant à l’avenir des droits de douane (rappelons qu’ils n’ont été que suspendus pour 90 jours et qu’en attendant, les 10 % de tarifs douaniers “de base” restent). Une récession aurait un effet majeur sur la légitimité de l’idéologie MAGA, qui a exercé son pouvoir sans partage durant ces trois derniers mois. Donald Trump est peut-être en train de démontrer par l’absurde à quel point le protectionnisme et le populisme débridés sont nocifs, tant pour la richesse des nations que pour la sacro-sainte popularité des politiques. Le problème est bien sûr qu’il ne serait dans ce cas pas le seul à en subir les conséquences.*Thibault Muzergues est politologue et auteur de Postpopulisme (Ed. de l’Observatoire).
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Publish date : 2025-04-14 03:45:00
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