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La théorie de l’attachement a été créée par le psychiatre John Bowlby à partir des années 1950 et développée sur plusieurs décennies, avec la contribution importante de sa collaboratrice Mary Ainsworth. En réaction aux théories psychanalytiques de Mélanie Klein selon laquelle les troubles de l’enfant étaient entièrement dus à des fantasmes et des conflits inconscients, Bowlby a considéré que les expériences vécues et les interactions entre l’enfant et ses parents jouaient un rôle bien plus important.Il s’est inspiré de travaux sur de multiples espèces animales et a fondé la théorie de l’attachement sur des bases biologiques et évolutionnaires solides ainsi que sur des observations factuelles des interactions parents-enfants, plutôt que sur des conjectures invérifiables. Ce faisant, il a rendu sa théorie réfutable et véritablement scientifique.Quatre catégories d’attachementLes observations clés relatives à l’attachement concernent les réactions du bébé lorsque sa mère – ou sa figure d’attachement – s’absente temporairement, puis lorsqu’elle réapparaît. Selon les bébés, les réactions diffèrent et peuvent être classées en quatre catégories, chacune correspondant à un style d’attachement distinct nommé attachement sécurisé, évitant, ambivalent (ou résistant), et désorganisé.L’attachement sécurisé semble le mieux promouvoir des relations harmonieusesPar la suite, des centaines d’études ont montré les liens statistiques entre le comportement des parents, le style d’attachement du bébé, et la santé mentale ultérieure de l’enfant. L’attachement sécurisé, constaté chez la majorité des enfants, est celui qui semble le mieux promouvoir des relations harmonieuses, préparer aux aléas de la vie, et prémunir contre les troubles. A contrario, les enfants victimes de carences affectives ou de maltraitance manifestent souvent un style d’attachement non sécurisé.L’attachement est corrélé à la santé mentaleLes styles d’attachement constatés chez le nourrisson se prolongent au cours de l’enfance et des styles similaires sont également observables à l’âge adulte : ils sont alors identifiés par les réponses à des questionnaires portant sur les sentiments et les comportements de la personne dans les relations avec ses proches. Là aussi, de nombreuses études ont montré que le style d’attachement était corrélé avec différents aspects de la santé mentale.Ces différents constats expliquent la popularité de cette théorie chez les professionnels de la petite enfance et de la santé mentale. Dans la mesure où cette théorie promeut l’attention, l’affection et les soins apportés à l’enfant, son impact est généralement positif. Mais elle est parfois comprise ou vulgarisée de manière excessivement simpliste, chaque style d’attachement étant associé de manière quasi-déterministe à toute une liste de caractéristiques et de troubles. Certains professionnels peuvent aussi utiliser le diagnostic de trouble de l’attachement de manière trop généreuse en assimilant tout attachement non sécure à un trouble.Attention à l’excès de simplificationL’examen des données scientifiques ne justifie pas une telle vision. Tout d’abord, il est maintenant bien admis que la taxonomie des quatre styles d’attachement est une idéalisation. Comme pour les traits de personnalité, les manifestations observables de l’attachement sont sur un continuum, et le fait d’appliquer des seuils pour classifier la population en quatre catégories étanches est artificiel et simpliste. Pour cette raison, la catégorisation d’un individu est entachée d’incertitude et est souvent instable. Les données longitudinales [NDLR : sur la durée] montrent ainsi que les mesures d’attachement faites entre 15 et 36 mois sont faiblement corrélées entre elles et n’ont à peu près aucun lien avec les styles d’attachement mesurables à 18 ans.De même, les liens statistiques entre les styles d’attachement et les symptômes de psychopathologie sont faibles. Par exemple, le style d’attachement infantile sécure diminue les symptômes anxieux et dépressifs et les troubles du comportement chez l’enfant, mais très faiblement. De même, chez l’adulte, les liens entre le style d’attachement et les indicateurs de santé mentale sont modérés. Enfin, les critères diagnostiques du trouble réactionnel de l’attachement ne concernent que des cas très rares et sévères d’enfants qui ont subi des privations et des maltraitances extrêmes.En résumé, l’observation des liens d’attachement entre parents et enfants autorise un discours probabiliste, en termes de facteurs de risque ou de protection parmi une multitude d’autres facteurs. Mais les styles d’attachement du nourrisson comme de l’adulte ne sont pas le destin gravé dans le marbre, ils sont au contraire malléables, et les attachements non sécures ne sont ni un trouble, ni la garantie d’un trouble futur. Se libérer des catégories rigides pour embrasser tout le spectre des comportements d’attachement constituerait un véritable progrès.Franck Ramus est chercheur au CNRS et à l’Ecole normale supérieure (Paris)



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Author : Franck Ramus

Publish date : 2025-04-12 06:15:00

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