Dans une vie antérieure, l’actuel maire de La Baule, Franck Louvrier (LR), fut le conseiller com’ de Nicolas Sarkozy, pendant l’ascension de celui-ci vers le sommet de l’Etat puis durant les cinq ans de son mandat présidentiel. Si le dernier (à ce jour) président de droite de la Ve République incarnait une forme de rupture de style, que dire de Donald Trump, dont les propos ne cessent de détonner dans la bouche du président des Etats-Unis ? Comment caractériser cette nouvelle forme de communication politique ? Va-t-elle influencer les Français ? Entretien.L’Express : D’abord un instantané. Lors d’un dîner avec des caciques du Parti républicain cette semaine, habillé en tenue de smoking, Donald Trump raconte devant les caméras : “Plein de pays nous appellent, ils me lèchent le c… ! Ils meurent d’envie de passer un accord. ‘S’il-vous-plaît, s’il vous plaît Monsieur, passons un accord, je ferai n’importe quoi. Je ferai n’importe quoi Monsieur…'” Ce n’est pas tous les jours qu’on entend un chef d’Etat s’exprimer de la sorte. Que faut-il en penser ?Franck Louvrier : Donald Trump est perçu par les Européens comme vulgaire car il est dans une communication incantatoire qui vilipende ses adversaires et glorifie son action. Il l’assume totalement. Il colle à l’expression américaine journalière et populaire. Il cultive cette posture de décideur égotique et entretient ainsi l’état d’esprit de sa campagne Make America Great Again : il est au centre du monde comme veulent l’être les Etats-Unis. C’est le rêve américain, ne l’oublions pas, quand les Russes rêvent surtout de s’agrandir.Autre scène. Ce week-end, Donald Trump demande à ses compatriotes : “Tenez bon, cela ne sera pas facile.” Pendant ce temps, les chaînes américaines le montrent en train de jouer au golf en Floride. On n’imagine pas un responsable politique français se comporter ainsi, indifférent au quand dira-t-on…Trump est le metteur en scène de sa mandature, qu’il transforme en saisons de téléréalité dont il écrit le storytelling. Regardez le fameux rendez-vous avec Zelensky à la Maison-Blanche : ce sont deux hommes de téléréalité qui s’entrechoquent. Zelensky était le Hanouna de l’Ukraine, Trump avec l’émission The Apprentice s’est construit une immense notoriété. Et à la fin de cette rencontre, l’Américain l’avoue : c’est un bon moment de télévision. Le président des Etats-Unis embarque ainsi les Américains par sa détermination contre vents et marées et une pseudo-démocratie directe. Le décideur égotique montre que l’homme est fort quel que soit l’endroit où il est. Pas besoin pour lui d’être derrière un bureau à la Maison-Blanche, c’est sa personne qui incarne la force des Etats-Unis, il est le message comme le recommandait le premier PDG de Fox News, Roger Ailes.Il joue au golf en même temps ? Cela démontre sa puissance. Il pourrait s’adresser aux Américains en étant en train de se raser. L’avion avec son nom sur la carlingue, la casquette avec son slogan de campagne, sa résidence pharaonique de Mar-a-Lago : il joue cette incarnation très forte du pouvoir qui est peu contestée aux Etats-Unis, alors qu’en France, on coupe les têtes quand le pouvoir devient arrogant. Autre différence : les Américains sont plus sensibles à la puissance économique qu’à la puissance politique, et l’argent est un élément de puissance.Il parle tout le temps et sur tout. Le pays pourrait être fatigué de lui puisqu’il occupe le paysage depuis des décennies. Comment se fait-il que sa parole ne soit pas démonétisée ?Il sature quotidiennement l’espace pour des raisons stratégiques. Le mandat est court, quatre ans, avec des élections au bout de deux ans. Pour éviter la démonétisation de sa parole, il fracture ; ainsi il existe politiquement. L’outrance n’est pas un accident, c’est un calcul, et le chaos, un outil de pouvoir. En permanence, une nouvelle information chasse l’ancienne. Cela le conduit même à rétropédaler, on le voit avec les droits de douane. Je suis certain qu’il va partir sur d’autres thèmes pendant ces 90 jours de suspension. Il veut éviter d’être prisonnier de l’usure du temps qui est redoutable parce qu’il est extrêmement exposé. Il ne veut pas être rattrapé par l’absence de résultats. Pour le moment, il épuise les éléments de son programme, la stratégie trouvera sa limite quand il n’aura plus de nouveaux sujets et qu’il donnera l’impression de tourner en rond. Il est prêt à mettre sans cesse du charbon dans le barbecue pour éviter d’être acculé à l’obligation de résultat.Promettre un objectif de 100 pour arriver à 10, cela permet-il d’atteindre au moins un premier résultat ou cela suscite-t-il de la déception ?D’abord, même avec 10, Trump en fera 100 ! Les responsables politiques sont fébriles parce qu’ils redoutent de ne pas obtenir des résultats, en revanche leurs électeurs considèrent qu’essayer, c’est déjà faire un bout du chemin. Trump ne cherche pas à convaincre, il cherche à imposer : c’est le pouvoir par saturation, non par adhésion !Donald Trump se soucie peu de dire ou pas la vérité et se contente de qualifier de “fake news” tout ce qui va à son encontre. Invente-t-il ainsi un nouveau statut de la parole présidentielle, dont la crédibilité n’est pas un critère ?Il ne veut pas être cru, il veut être suivi. Il fabrique de la loyauté, pas de la vérité. Il crée ainsi une forme d’écosystème, composé de médias, d’influenceurs, de podcasters qui lui sont favorables. Il les nourrit pour ne pas être face au fact-checking. Il a abandonné tous les médias qui sont en opposition avec lui. Par certains aspects il rappelle Silvio Berlusconi. Fortement critiqué pour sa gestion des médias, il fut, lui aussi, tout de même réélu. Et, lui aussi, était un homme de téléréalité.Son entourage n’a aucune cohérence sur la scène publique, ces jours-ci. Elon Musk a qualifié de “crétin” le conseiller au commerce Peter Navarro. Ces divergences d’expression nuisent-elles à Trump ?Son équipe, c’est lui ! Le pouvoir, c’est lui ! Il n’y a aucun bicéphalisme aux Etats-Unis, même avec Elon Musk…Quelles conséquences cette présidence américaine peut-elle avoir sur la communication des responsables politiques français ?Aux yeux de certains dirigeants français, Trump a une communication performante puisqu’il a été réélu. Sortir de la bande passante est un objectif des responsables politiques. La proposition de Laurent Wauquiez s’appuie sur cette stratégie, surenchérir pour réussir à parler plus fort : il a trumpisé sa com’ avec l’aide de médias consommateurs de reprises, de buzz. De sa part c’est déroutant car lui, contrairement à Trump, fait partie de l’élite politique, il est le produit des grandes écoles et a suivi un parcours politique classique. Après son idée d’envoyer les OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon, il doit vite mettre sur la table un autre sujet pour ne pas se laisser entraîner par le risque de la décrédibilisation.Il y a deux moyens de se faire entendre : créer des périodes de silence avant une prise de parole forte comme le préconisait Jacques Pilhan pour François Mitterrand, ou, à l’inverse, entretenir de manière puissante et permanente l’environnement médiatique. Laurent Wauquiez sait qu’il doit gérer une période à durée déterminée, il doit tenir à ce rythme jusqu’à la mi-mai, date de l’élection pour la présidence de LR face à un Bruno Retailleau qui mise, lui, sur la crédibilité avec, jeudi 10 avril, la conférence de presse bilan de son action au ministère de l’Intérieur.
Source link : https://www.lexpress.fr/politique/trump-transforme-son-mandat-en-telerealite-le-regard-de-lex-conseiller-com-de-nicolas-sarkozy-5S2667GJ2NFX3OX7L6JUTESCLM/
Author : Eric Mandonnet
Publish date : 2025-04-11 14:00:00
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