Chose promise, chose due. La Chine avait bien prévenu qu’elle était prête à aller “jusqu’au bout” dans la bataille commerciale avec l’Amérique. Sans hésiter, elle a annoncé relever ses droits de douane contre Washington à 84 % suite à l’entrée en vigueur des taxes de 104 % contre ses propres produits. Donald Trump n’a ensuite attendu que quelques heures avant de répondre. Il a annoncé suspendre ses surtaxes douanières mondiales, tout en augmentant celles visant les importations chinoises à 125 %. Le pays dirigé par Xi Jinping ripostera-t-il une nouvelle fois ?Depuis le round de 2018, le pays a eu le temps d’affûter ses armes. Si un accord reste en théorie sur la table, sa négociation s’annonce délicate. Principalement car la capacité de Pékin d’importer davantage de produits Made in America est limitée, explique Camille Boullenois. La directrice associée du cabinet d’analyse Rhodium Group détaille auprès de l’Express les implications de cette escalade.L’Express : L’hostilité de Donald Trump vis-à-vis de Pékin n’est pas nouvelle. Comment la Chine a-t-elle anticipé cette offensive depuis le premier mandat du président républicain ?Camille Boullenois : Dans le grand jeu de négociations qui a commencé après les annonces du 2 avril, la Chine a choisi une stratégie différente des autres pays : au lieu de tenter de parvenir à un accord, elle a contre-attaqué. Elle savait qu’elle s’engageait ainsi dans une escalade… mais les mesures qui lui ont été imposées étaient déjà tellement prohibitives, qu’une variation de 50 % ne changeait pas fondamentalement la donne pour ses entreprises. Le gouvernement a fait un calcul politique, estimant que sa population allait pouvoir accepter une période un peu plus difficile économiquement. L’idée est aussi, probablement, d’infliger un tel coût aux Etats-Unis que le gouvernement américain sera obligé de venir à la table des négociations.En fait, si Pékin se permet cette stratégie, c’est que depuis la guerre commerciale de 2018, le pays a eu le temps de se préparer. Le gouvernement a mis en place un arsenal très complet de mesures de rétorsion, prêtes à être utilisées, et qui peuvent être très efficaces dans le rapport de force avec les Etats-Unis.La Chine savait qu’elle s’engageait dans une escaladeAu-delà des droits de douane, cet arsenal comprend aussi des contrôles à l’exportation pour les biens dont le monde dépend, comme certains minéraux rares, l’utilisation de la politique de concurrence pour viser des entreprises étrangères, ou encore des régulations qui permettent de suspendre la propriété intellectuelle de certaines entreprises en Chine…En parallèle, des efforts ont été faits pour réduire la dépendance commerciale réciproque. La part des exportations chinoises destinées au marché américain a chuté de quatre points à 15 % en cinq ans. Et inversement, la part des importations américaines en provenance de Chine a baissé de 22 % à 14 %.Avec des droits de douane supérieurs à 100 %, a-t-on atteint un point de non-retour, ou y a-t-il encore de la place pour la négociation ?Un deal – ou au moins une diminution réciproque des droits de douane – entre les deux pays n’est pas à exclure, mais il y a un certain flou sur ce que veulent les Etats-Unis, concrètement, de la Chine. Les exigences sur la lutte contre le fentanyl représentent une petite partie ces attentes. Mais l’un des principaux objectifs de l’administration Trump est de ramener la production manufacturière sur le territoire américain, ce qui implique le rétablissement d’une balance commerciale plus “équilibrée” avec la Chine.Si les tarifs douaniers sont maintenus à ce niveau, cela aura un coût énorme pour l’économie chinoise. La situation va certainement évoluer dans les mois à venir, mais il est probable que les droits de douane contre la Chine soient plus durables que contre les autres pays.Un accord similaire à celui de 2020, dans lequel la Chine s’est engagée à importer davantage des Etats-Unis, est-il envisageable ?La Chine n’a pas beaucoup de marge de manoeuvre pour négocier car il y a des réalités économiques qui empêchent un tel accord : il lui est difficile d’importer plus car sa demande intérieure est déjà en panne. Les entreprises chinoises elles-mêmes ont du mal à écouler leurs produits sur leur propre marché ! DImporter plus impliquerait un changement fondamental de son modèle économique – une perspective peu réaliste à moyen terme. Ainsi, les Etats-Unis n’ont probablement plus beaucoup d’illusions quant à la capacité de la Chine à proposer un accord qui correspondent à ce qu’ils attendent.Face à cette surproduction, quelles sont désormais les options pour les entreprises chinoises ?D’abord, certaines importations américaines vont se poursuivre depuis la Chine. Le pays représente tout de même un tiers de la production manufacturière mondiale, et pour une série de produits, il est difficile de trouver des fournisseurs alternatifs à court terme. Les consommateurs américains absorberont une partie de l’augmentation des prix liés aux droits de douane, ce qui conduira à une inflation aux Etats-Unis. Mais il est certain que si les droits de douane sont maintenus au niveau actuel, la demande américaine pour les produits chinois va beaucoup baisser.L’Europe apparaît comme la destination idéale pour les produits chinoisDe leur côté, les exportateurs chinois vont essayer de baisser leurs prix et chercher d’autres débouchés. Le gouvernement chinois pourrait aussi être tenté de dévaluer sa monnaie, ce qui aurait pour effet de faciliter les exportations chinoises. L’Europe apparaît comme la destination idéale, car c’est un gros marché qui reste très ouvert. Cela pourrait accentuer la pression sur les industries européennes, qui sont déjà très affectées par la compétition avec les produits chinois.Enfin, certaines entreprises pourraient être tentées de passer par des pays tiers pour faire transiter leurs exportations – comme cela a pu être le cas par le Vietnam par exemple. Mais cette stratégie pourrait être compromise avec les nouvelles barrières douanières qui, pour l’instant, touchent de manière disproportionnée les pays de l’ASEAN. La situation évolue en temps réel, les semaines et mois à venir nous réserveront probablement d’autres surprises.
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Author : Tatiana Serova
Publish date : 2025-04-10 03:45:00
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