Montée des croyances ésotériques, difficultés psychologiques, quête de sens, poids des influenceurs, diffusion massive de fausses informations… L’époque offre un terrain de chasse toujours plus vaste aux gourous en tout genre et à leur inventivité sans limite. Dans son rapport d’activité 2022-2024, la Miviludes, l’organisme chargé de surveiller et d’informer sur les dérives sectaires, lance une nouvelle fois l’alerte : les signalements ne cessent de progresser. Ils sont passés de 2 160 par an en 2015 à 4 571 en 2024. Soit un doublement en dix ans, avec une hausse particulièrement marquée depuis la pandémie de Covid. Si le volume global de ces alertes peut paraître minime, il faut avant tout le voir comme un signal d’alarme, le sommet émergé de l’iceberg : “Les tendances sont inquiétantes, et il est à craindre qu’il ne rende pas compte de la totalité du phénomène en France, tant il est difficile pour les victimes de s’avouer la vérité et pour leurs proches de reconnaître leur impuissance”, constate François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l’Intérieur.Les dérives sectaires s’avèrent toujours plus diffuses et protéiformes. L’analyse plus détaillée de ces signalements montre que le champ de la santé et du bien-être est désormais “le premier à concentrer les alertes (37 %), devant même les cultes et spiritualités, qui sont traditionnellement plus perméables aux dérives sectaires”, note encore François-Noël Buffet. Si les malades du cancer sont les premiers visés par les pseudo-thérapeutes et les vendeurs de miracles, la Miviludes relève un nouveau phénomène : la montée des signalements dans le champ de la santé mentale : “Des pseudo-praticiens exploitent la confiance qu’ils inspirent et entretiennent la confusion sur l’utilité de leurs pratiques, parfois en utilisant des titres non reconnus par l’Etat (psychopraticien, psy-conseil, psycho énergéticien…) mais qui ne permettent pas aux patients de douter de leur qualification médicale.”Un titre officiel n’est toutefois pas toujours un gage de sérieux : les psychologues diplômés font eux aussi régulièrement l’objet de signalements. Parmi tous les professionnels de santé, ou apparentés à la santé, ce sont même ces intervenants qui concentrent la part la plus importante des alertes : 28 %, contre 12 % pour les ostéopathes, et 3 % pour les psychiatres par exemple. Ainsi, la Miviludes fait état d’une enquête ouverte en juin 2023 à l’encontre du leader d’un groupe sectaire et de deux de ses adjointes, respectivement psychologue et psychanalyste, placées sous contrôle judiciaire.Des “MedBeds” développés à partir de “technologies extraterrestres”Il est d’autant plus difficile pour les patients de s’y retrouver que même les praticiens se présentant comme psychologue diplômé ne le sont en réalité pas toujours : après vérifications systématiques, la Miviludes s’est rendue compte que 20 % des psychologues faisant l’objet d’un signalement n’étaient en réalité pas enregistrés auprès des Agences régionales de santé, alors que cet enregistrement est obligatoire pour les titulaires d’un diplôme souhaitant exercer comme tel. Plus inquiétant encore, certains profitent même du flou autour de la réglementation, et de la difficulté à la faire appliquer pour créer des “établissements de bien-être” où ils prétendent traiter des maladies comme la dépression ou le burn-out…Parmi les autres tendances mises au jour par la Miviludes, la quête de longévité. Un thème à la mode, avec la forte médiatisation ces dernières années des discours des transhumanistes et des scientifiques qui prétendent nous aider à vivre plus longtemps. Ce champ a donné naissance à un nouveau marché, de compléments alimentaires notamment. Mais il a aussi inspiré des charlatans, qui surfent sur cette vague pour proposer des remèdes illusoires et souvent très coûteux. Par exemple, un appareil appelé PRK-IU, présenté comme capable d’arrêter le vieillissement, voire d’aider à rajeunir, vendu à des prix prohibitifs, de 9 700 à 12 000 euros. A défaut de l’acheter, les victimes se voyaient aussi offrir la possibilité de l’utiliser à distance moyennant un forfait. D’autres groupes proposent des soins révolutionnaires grâce à des “medbeds” développés à partir de “techniques extraterrestres” (sic). Non contents de proposer un “soin” totalement farfelu, les escrocs comptaient même sur leurs victimes pour les aider à financer l’ouverture de “healing centers”.Au-delà de la santé, différents cultes continuent de susciter l’inquiétude. “Ne nous y trompons pas : la Miviludes n’est pas une police de la croyance, elle s’attache uniquement aux dérives comportementales”, a précisé Etienne Apaire, président de la mission, lors de la conférence de presse de présentation du rapport. Parmi les cultes particulièrement signalés, les églises évangéliques chrétiennes, notamment celles qui ne sont affiliées à aucune fédération. Les alertes présentent souvent d’étranges similarités : ciblage de personnes vulnérables, jeunes adultes, mineurs, familles monoparentales, fragilité psychologique ou handicap ; nécessité de travailler gratuitement ou de faire d’importantes offrandes financières ; contrôle par la peur (confessions obligatoires…) ; surveillance de la vie personnelle.Réseaux sociaux et bulles virtuellesLe vaste champ du New age et des pratiques ésotériques, en constant renouvellement, reste aussi un important pourvoyeur de signalements. Les “flammes jumelles” font ainsi toujours de nombreuses victimes. Cette doctrine, née dans les années 1970, repose sur l’idée de “trouver son âme sœur” : deux personnes identiques et opposées à la fois, qui se complètent. Les rassembler permettrait d’atteindre le bonheur suprême. Pour retrouver sa flamme jumelle, il est proposé un parcours avec différentes étapes souvent coûteuses. Bien qu’il n’y ait pas de gourou identifié, le concept se développe à travers différents groupes informels, qui recrutent leurs victimes grâce aux réseaux sociaux, groupes Facebook, chaînes YouTube…La Miviludes consacre d’ailleurs un large chapitre au rôle d’Internet et des téléphones portables. “Une arme terrible pour les charlatans qui cherchent à profiter de la faiblesse de certains d’entre nous”, souligne François-Noël Buffet. Certains gourous ne sortent même jamais de leur sphère “virtuelle”. “Ils entraînent les cibles dans des réseaux de sites avec des contenus reliés et partiellement accessibles sur chaque plateforme, afin de susciter l’engagement et l’enfermement dans une bulle, qui peut devenir lucrative pour le créateur de contenus”, constatent les experts de la Miviludes.Le coaching, le développement personnel et la vente multiniveau, déjà dénoncés lors de précédents rapports de la Mission, continuent de constituer des pièges. Le groupe ésotérique des “tisseuses de rêves”, ou dans un tout autre genre, certains coachs financiers, organisent des systèmes pyramidaux dans lesquels les victimes doivent elles-mêmes recruter de nouveaux participants. Les 18-25 ans sont particulièrement ciblés, avec l’intérêt de se former en ligne pour devenir trader et gagner rapidement beaucoup d’argent. Avec au bout du chemin, après une phase de manipulation mentale en ligne, “un système où plus aucune place n’est laissée aux relations sociales hors du groupe, ni au doute ou au questionnement”, constate la Miviludes. Les jeunes, mais aussi les enfants, font d’ailleurs l’objet d’une attention toute particulière de la mission et de ses différents partenaires.A l’occasion de la conférence de lancement du rapport, Georges Fenech, l’ancien président de la Mission, a rappelé à quel point l’Etat et les structures publiques se devaient d’être exemplaires. Il s’est notamment emporté contre les universités qui continuent de proposer des diplômes universitaires portant sur des pratiques non validées par la science, ou les maisons de santé et les hôpitaux qui ouvrent grand leurs portes aux thérapeutes alternatifs, contribuant ainsi à les légitimer. Une alerte qui n’a rien de théorique. Pascale Duval, de l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (Unadfi), a ainsi recueilli récemment le témoignage d’une jeune femme suivie dans un centre de la douleur d’un grand CHU du centre de la France. L’anesthésiste qui proposait des soins dans ce cadre l’a poussée à faire des séances de… chamanisme.
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Author : Stéphanie Benz
Publish date : 2025-04-08 12:57:00
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