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Rassemblement de soutien à Marine Le Pen à côté de l’Assemblée nationale, meeting du parti présidentiel en banlieue parisienne, contre-manifestation de l’extrême gauche dans les rues de la capitale : ce dimanche 6 avril avait presque des allures de 6 février 1934. Il faut dire que la condamnation de Marine Le Pen à quatre ans de prison, dont deux ferme sous bracelet électronique, cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire, et du RN à une amende de 2 millions d’euros, est un événement politique majeur. Double finaliste de l’élection présidentielle, Marine Le Pen était à la veille du jugement encore donnée gagnante dans tous les scénarios testés pour 2027.Dans ce contexte, le verdict a été immédiatement présenté par ses partisans comme un acte d’empêchement politique dans une campagne de victimisation savamment orchestrée. Dès le soir du jugement, Marine Le Pen, loin d’exprimer la moindre contrition, dénonçait sur TF1 une “décision politique”, occultant sans état d’âme le débat pourtant capital sur la gravité des faits au profit d’un affrontement binaire dans la plus pure tradition populiste. La justice contre le RN, le système contre le peuple, “eux” contre “nous”. Fini, la stratégie de notable : Trump est sorti de son corps…Pourtant, la décision rendue mérite d’être lue pour ce qu’elle est, une construction juridique solide et argumentée. Elle est le fruit d’une procédure longue de sept ans, indépendante, contradictoire, à l’issue de laquelle Marine Le Pen a été jugée, puis condamnée pour les faits qui lui étaient reprochés. Le délibéré est d’ailleurs extrêmement clair, en particulier s’agissant de la motivation de l’exécution provisoire : l’existence d’un système structuré, l’absence totale de reconnaissance des faits qui pourrait laisser présager une récidive, mais aussi le risque d’un “trouble irréparable à l’ordre public démocratique” si une candidate condamnée en première instance venait à être élue et bénéficiait de fait de l’inviolabilité présidentielle.Deux poids, deux mesuresCe jugement ne remet pas en cause l’Etat de droit. Au contraire, il en est l’expression la plus nette et devrait faire école. C’est parce que nous sommes dans un Etat de droit qu’une telle décision a pu être rendue. D’abord, elle s’inscrit dans une stricte séparation des pouvoirs. Tandis que la vie politique suit son rythme, la justice elle, avance dans un couloir parallèle : avec ses propres règles, sa temporalité, ses méthodes. Cette autonomie est ce qui garantit que les politiques ne peuvent pas dicter leurs décisions aux juges. C’est le rempart contre toute dérive autoritaire. Ensuite, elle s’appuie sur des lois et se fonde sur des textes débattus et adoptés par des représentants élus. Ce sont les parlementaires qui fixent les sanctions. Enfin, l’égalité devant la loi. Ce principe simple veut que la règle s’applique à tous, y compris à ceux qui l’ont écrite. Il n’y a pas d’immunité pour les puissants ni de passe-droit pour les favoris des sondages. Comme le rappelle le tribunal : “La proposition de la défense de laisser le peuple souverain décider d’une hypothétique sanction dans les urnes revient à revendiquer un privilège ou une immunité […]” et à violer ce principe fondamental.En 2004, alors invité sur le plateau de Mots croisés, j’avais assisté au petit numéro d’une Marine Le Pen s’insurgeant contre ceux qui “piqu[aient] dans la caisse”, affirmant que le Front national, lui, était un modèle de vertu. La justice vient pourtant de démontrer que cette même année, le système de détournement de fonds publics était déjà en place. Quelques années plus tard sur Public Sénat, elle réclamait l’inéligibilité à vie pour les élus condamnés.Aujourd’hui, Marine Le Pen est rattrapée par sa propre démagogie et choisit le deux poids, deux mesures : tant que le droit l’arrange, le RN s’en réclame ; dès qu’il le contraint, il devient oppression politique. Heureusement, les Français, eux, ne sont pas dupes : 57 % estiment que le jugement est justifié au vu des faits, et 68 % considèrent que l’exécution immédiate de la peine d’inéligibilité est légitime. Rendez-vous devant la cour d’appel dans quinze mois.



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Publish date : 2025-04-07 10:00:00

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