Connaissez-vous l’amaroli ? Cette étrange pratique, qui consiste à boire son urine, est parfois conseillée à des malades souffrant de cancer par des charlatans qui prétendent ainsi les guérir. A moins qu’ils ne leur suggèrent des régimes sans gras, sans sucre, à base de produits crus, de jus de légumes, ou de gélules d’ananas. Voire des soins par les pierres, ou encore l’examen de leurs tumeurs par un improbable “appareil russe à résonance magnétique”, qui va bien sûr contredire le diagnostic des médecins… Sans oublier les injections d’extraits de gui, les promesses d’autoguérison, ou de “déprogrammation des causes” de leur maladie.L’imagination des pseudothérapeutes semble sans limites quand il s’agit de s’en prendre aux patients cancéreux, à en croire ces quelques exemples tirés des signalements reçus ces dernières années par la Mission interministérielle de lutte et de vigilance contre les dérives sectaires (Miviludes), et rassemblés dans son rapport d’activité 2022-2024 à paraître le 8 avril, que L’Express a pu consulter en avant-première. Le nombre global de demandes d’information adressées à cet organisme chargé d’informer et de prévenir l’embrigadement sectaire a encore bondi l’an dernier, pour atteindre le chiffre record de 4 571. “La santé et le bien-être en représentent dorénavant 37 %, plus encore que pour les cultes et spiritualités. L’engouement pour les soins alternatifs ne date pas d’hier, mais la remise en question des autorités traditionnelles et notamment des vérités scientifiques, leur ont donné un nouvel essor”, souligne le ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur François-Noël Buffet. Les malades, souvent fragilisés et en grande détresse, restent l’une des cibles privilégiées des vendeurs de remèdes miracle en tout genre : “La majeure partie de nos signalements dans le champ de la santé concernent le cancer, confirme Donatien Le Vaillant, le chef de la Miviludes. Cela nous préoccupe d’autant plus qu’il y a pour ces personnes un enjeu évident et immédiat de santé physique, voire de survie”.Aussi farfelues et anodines qu’elles puissent paraître, les thérapies alternatives ouvrent en effet souvent la porte à des dérives bien plus graves. “L’ascendant exercé volontairement par les pseudothérapeutes sur leurs patients, incités à négliger leur véritable traitement, conduit souvent à une dégradation de leur santé physique et mentale, voire à une privation de soins. Leur influence est parfois si forte qu’elle s’apparente à une forme d’emprise”, relèvent les experts de la Miviludes dans leur rapport. D’où l’alerte lancée cette année sur cette question. D’où, aussi, un partenariat renouvelé avec la Ligue contre le cancer, pour accompagner cette association dans ses actions sur le terrain, au plus près des patients, jusque dans les salles d’attente des hôpitaux, afin de les mettre en garde contre cette menace.Mécanique infernale”L’annonce d’un cancer ou d’une récidive est un choc tel que certaines personnes vont chercher à se rassurer à tout prix en écoutant ceux qui vont leur promettre monts et merveilles”, analyse Philippe Bergerot, le président de la Ligue contre le cancer. En France, près de 60 % des patients déclarent recourir aux médecines alternatives et complémentaires, selon une étude citée dans le rapport de la Miviludes. Les plus utilisées sont l’aromathérapie, les coupeurs de feu, l’ostéopathie et la naturopathie. Les malades espèrent ainsi réduire les effets secondaires des traitements conventionnels (fatigue, nausée, vomissements), voire en renforcer l’efficacité.Avec la masse de fausses informations accessibles en ligne, il devient de plus en plus aisé de mettre le doigt dans l’engrenage. La sociologue Romy Sauvayre a analysé pour la Miviludes les résultats de requêtes en ligne sur des mots-clés comme “cancer : traitement naturel”. Les blogs et forums, avec leurs lots de pseudothérapies, ressortent aux premiers rangs des résultats proposés, quand les sites d’information arrivent loin derrière. Souvent, les promoteurs de thérapies alternatives assurent s’appuyer sur des études scientifiques. Comme celles indiquant, exemple parmi beaucoup d’autres, que les antioxydants ou le curcuma “seraient susceptibles de détruire les cellules cancéreuses”. Mais en matière de recherche médicale, une ou deux publications ne suffisent pas à démontrer une efficacité : de nombreux travaux, concordants et menés chez l’homme, sont nécessaires pour obtenir un consensus. Cette nuance échappe toutefois à une large part de la population, peu au fait de la méthode scientifique. Une faille que les vendeurs de thérapies alternatives, eux, savent exploiter.La mécanique infernale peut alors se mettre en place. “Confiants, les patients vont tester ce qui leur est recommandé. Avec la puissance de l’effet placebo, il est tout à fait possible qu’ils se sentent mieux momentanément. Cela va les conduire à penser qu’ils ont trouvé un remède miracle et à s’engager toujours davantage”, décrypte Romy Sauvayre. Un processus graduel, souvent presque imperceptible, mais qui peut conduire les malades à abandonner leur traitement. A fortiori s’ils sont réceptifs aux discours complotistes souvent véhiculés par les charlatans (nécessité d’une médecine plus “holistique”, mainmise de l’industrie pharmaceutique sur la santé, etc.). Sans aller jusqu’au renoncement aux soins, ils risquent aussi d’en voir l’efficacité amoindrie du fait d’interactions entre ces produits souvent présentés comme “naturels” et leur traitement conventionnel (chimiothérapie ou autre). Ou, plus prosaïquement, d’y perdre beaucoup d’argent. “On entend souvent que “cela ne peut pas faire de mal”, mais c’est totalement faux”, insiste Romy Sauvayre.Les soins de support, nouvelle porte d’entrée des pseudothérapeutesIl est d’autant plus délicat de s’y retrouver que toute une offre de “soins de support” à destination des malades du cancer prospère depuis quelques années. Leur définition est toutefois longtemps restée assez mal encadrée. “Mais ils se développent et connaissent à leur tour des dérives à caractère sectaire”, constate la Miviludes. Ces soins consistent habituellement en un mélange d’activité physique, de conseils nutritionnels, de soutien psychologique, de gestion de la douleur et d’un accès à une assistante sociale. Certains centres de traitement – y compris des hôpitaux et des cliniques – y ajoutent parfois de longues listes de thérapies alternatives à l’efficacité non démontrée : homéopathie, acupuncture, réflexologie, auriculo- ou aromathérapie, sophrologie, reiki…Les soignants espèrent ainsi répondre aux attentes des malades, tout en évitant qu’ils s’adressent à des thérapeutes alternatifs hors de tout cadre. Mais la question est complexe. “Nous recevons de plus en plus de signalements faisant état d’une banalisation des pratiques non conventionnelles de soins à l’hôpital, dans des conditions qui peuvent créer une confusion dans l’esprit des patients sur le caractère médical ou non des pratiques proposées”, déplore Donatien Le Vaillant. Une analyse partagée par Philippe Bergerot, qui pousse les fédérations hospitalières à s’engager à davantage de vigilance sur cette question. “Il ne faut pas confondre soins de support et soins d’agrément, où il peut plus facilement y avoir des dérapages”, insiste-t-il. Un message que le président de la Ligue contre le cancer essaye aussi de faire passer à ses propres comités locaux, dont certains offraient, ou offrent encore, des pseudothérapies dans le cadre de leur catalogue de soins de support.”Le meilleur conseil, c’est de rester vigilant face à des praticiens qui proposent des séances ou des produits très coûteux, avec des rendez-vous anormalement fréquents, ou qui vont essayer de décrédibiliser les proches ou les soignants”, insiste Donatien Le Vaillant. Sans oublier, bien sûr, de toujours informer son médecin de tout recours à d’éventuels soins alternatifs.
Source link : https://www.lexpress.fr/sciences-sante/exclusif-cancer-et-medecines-douces-lalerte-de-la-miviludes-face-a-lexplosion-des-derives-sectaires-OLWNFBDRXBFNPFL466X3YI2UQE/
Author : Stéphanie Benz
Publish date : 2025-04-07 16:00:00
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