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Dieudonné voudrait qu’on dise qu’il était en avance sur son époque. Défier l’histoire, lui donner tort. Comme Nelson Mandela, victime du régime d’apartheid sud-africain, qui fut incarcéré pendant vingt-sept ans avant de devenir le premier président noir de son pays. A celui qui l’interroge sur son CV de multi-condamné, l’humoriste aime glisser que, parfois, “il suffit d’attendre un peu” pour que le présent dédise le passé. Là, il convoque le destin de l’ex-président africain engagé pour les droits humains. Le parallèle n’est pas seulement fou, il est efficace. L’interview en question, un échange en longueur donné au très populaire podcast Legend en septembre dernier, totalise à ce jour plus de 5 millions de vues.Un lecteur tombé en catatonie au mitan des années 2000 et réveillé récemment serait probablement sidéré. En 2025, celui que beaucoup considèrent comme l’un des artisans de la normalisation de la judéophobie au XXIe siècle, passé de chouchou des Zénith à paria médiatique notamment après le scandale de son sketch télévisé du juif orthodoxe lançant bras tendu, “Isra-Heil”, n’est plus totalement blacklisté des médias. Après des années de silence contraint, à glaner ça et là de modestes tribunes, ses apparitions font même des cartons d’audience. Ses deux interventions dans l’émission Les Incorrectibles – dont l’une sous forme de débat face à l’ex-syndicaliste policier d’extrême droite Bruno Attal en décembre dernier – tutoient aujourd’hui le million. Il semble loin, le temps où le roi du PAF des années 2000, Thierry Ardisson, “virait”- selon ses termes – de son plateau l’humoriste passé professionnel de la haine. Et si l’époque lui était bel et bien plus favorable ?”Trop de gens l’ont enterré trop vite. On s’est trompés en pensant qu’il ne représentait plus rien”, juge Rudy Reichstadt. Le politologue et cofondateur de Conspiracy Watch ne sera pas démenti par le succès des anciens sketchs de Dieudonné, déversés en cascade sur TikTok car, lit-on, “visionnaires sur Israël et la Palestine”. Après avoir été banni de la plupart des réseaux sociaux ces dernières années, le polémiste est d’ailleurs de retour sur la plateforme chinoise et rassemble près de 230 000 abonnés sur X, le réseau social d’Elon Musk. Soit plus que certains humoristes dans le vent comme Haroun ou Waly Dia…C’est un talent que beaucoup lui reconnaissent : Dieudonné sait prendre le pouls de l’époque, sonder le potentiel des tensions identitaires du moment. Il a surfé sur le filon antisioniste des années 2000, la colère des gilets jaunes dont il avait tiré un spectacle, la vague conspirationniste ou encore la manne “antisystème”… Voilà qu’il profite du potentiel de X, où il publie régulièrement des petites pastilles vidéo sur ce que le chaos du monde lui inspire. Ici, son avis sur le clash Trump-Zelensky. Là, son commentaire sur les échauffourées entre Cyril Hanouna et La France insoumise. Jusqu’à frôler parfois l’intolérable, comme lorsqu’il qualifiait l’an passé la date de l’attaque terroriste menée par le Hamas de “jour de joie”. Référence, dit-il, à la naissance de l’un de ses enfants…Pierre-André Taguieff a été l’un des principaux intellectuels à étudier (dans Une France antijuive ?, 2015) comment le polémiste a contribué à rendre la judéophobie “culturellement acceptable” en lui donnant le visage de l’antiracisme et de l’anti-israélisme. Dix ans plus tard, le philosophe et historien juge possible que “le vieux Dieudonné ait une carte à jouer auprès d’une audience plus jeune, n’ayant pas connu ses démêlés passés avec la justice en matière d’antisémitisme, et ‘découvrant’ ses sketchs aujourd’hui alors que l’antisionisme est revenu en force et redevenu à la mode à la faveur de la guerre à Gaza”.C’est un peu comme avec Trump : à chaque fois qu’il dérape, on ne lui en tient pas forcément rigueur parce que ça semble trop gros pour être vraiEn 2025, Elon Musk, chantre de la liberté d’expression maximale, est l’une des superstars du moment. La suppression de la chaîne C8, fief de Cyril Hanouna, inspire à certains l’idée d’une montée de la “censure”… Plusieurs interlocuteurs ont ainsi défendu auprès de L’Express le fait d’inviter à nouveau Dieudonné en arguant de leur conception “à l’américaine” de la liberté d’expression. Radouane Kourak, chef du service politique du magazine Entrevue et présent lors du débat organisé par Les Incorrectibles, explique que s’il considère que Dieudonné est un “antisémite notoire”, lui qui fait de la télévision avec Cyril Hanouna depuis très jeune a pour habitude, comme l’animateur, de “donner la parole à tout le monde”. Avant de conclure que ce débat était “du pur divertissement”. Un “divertissement” au cours duquel l’humoriste condamné entre autres pour provocation à la haine ou injure à caractère antisémite a déclaré que les chambres à gaz ont existé parce que “c’est la loi”… Mais s’il bénéficie des bouleversements idéologiques de l’époque, le polémiste maîtrise aussi l’art de donner un coup de pouce au destin.La méthode TrumpHiver 2023, en petit comité. Ce jour-là, Dieudonné est survolté. Il vient de publier sa “demande de pardon” à la communauté juive sur le site du média franco-israélien Israël Magazine. L’info est en train d’inonder Internet, jusqu’à être débattue par l’équipe de Touche pas à mon poste. Soudain, il se prend à rêver : peut-être un 20 heures ? Raté. Très vite, plusieurs ex-proches mettent en cause la sincérité de ce pardon dans Libération. “Dieudonné espère pouvoir recommencer à faire des grandes salles, des Zénith, l’Olympia”, juge l’un d’entre eux tandis que le JDD interroge le président du Crif, Yonathan Arfi, qui ne croit pas à l’authenticité de sa démarche. Sincère ou pas sincère ? Qu’importe, le débat est lancé.C’est tout le luxe des professionnels de la provocation : ils lassent leurs adversaires et sèment le doute chez ceux qui voudraient les croire. Alors quand surgit la rumeur selon laquelle Dieudonné aurait porté le chapeau de son ami négationniste Robert Faurisson lors d’un déplacement à Auschwitz au printemps, de quoi renvoyer définitivement le trouble-fête dans le couloir des infréquentables, l’information passe quasiment inaperçue. “Ça m’avait évidemment hérissé, mais Dieudonné, on le connaît. Il est dans l’outrance et le sketch en permanence. Du moins c’est ce que j’ai voulu penser sur l’instant”, reconnaît André Darmon, directeur d’Israël Magazine à l’origine de la publication de sa lettre d’excuses. “C’est un peu comme avec Donald Trump : à chaque fois qu’il dérape, on ne lui en tient pas forcément rigueur parce que ça semble trop gros pour être vrai”, analyse de son côté Rudy Reichstadt.L’humoriste a beau jeu de dégainer sa version de l’histoire : “Robert (Faurisson NDLR) aurait été à mes côtés sur ce chemin du pardon, dit-il à L’Express. Je trouvais intéressant de l’avoir à mes côtés ce jour-là. Mais je ne voulais pas en parler, c’était une œuvre personnelle.” Comme si l’épisode n’avait jamais existé, le polémiste embraye, certifiant parler avec une “bonne partie de la communauté juive”, et même s’apprêter à “faire un chemin du pardon” avec un représentant de celle-ci trouvant sa démarche “très intéressante”.La réalité est plus nuancée. La chaîne i24News a décliné à quatre reprises une demande d’interview émanant de l’entourage du polémiste. Certains de ceux qui ont accepté de lui tendre la main en sont revenus. André Darmon, patron d’Israël Magazine, cite comme point de non-retour le 7 octobre 2023. Il avait alors demandé au polémiste de prendre position pour prouver sa sincérité. Sa réponse : “Non, ça n’est pas ma guerre.” “Ce pardon est un énorme échec, certifie un ancien proche qui souhaite garder l’anonymat. Mais au fond, ça n’est pas grave. Il lui fallait une porte d’entrée pour faire un buzz et il l’a eu.”Elie Semoun et “les autres”Le propre d’un buzz, c’est d’avoir une fin. Mais à l’évidence, Dieudonné maîtrise l’art d’entretenir la flamme. Ici, une fausse manageuse – trois de nos interlocuteurs nous l’ont confirmé – poussant un “coup de gueule” sur le plateau de TPMP après l’interdiction de l’un de ses spectacles à Nice en 2023. Là, le feuilleton de son spectacle en duo avec Francis Lalanne, imbroglio ayant impliqué le Cirque d’Hiver puis le Zénith de Paris, avant que la représentation soit interdite par un arrêté préfectoral. Alors que le duo avait saisi la justice pour réclamer à la salle parisienne 50 000 euros chacun pour préjudice professionnel, entre autres, ces derniers ont été déboutés le 6 mars et le Zénith, condamné à payer la somme des acomptes déjà versés. Et après ?Dieudonné a un atout en réserve : un projet de film avec son ancien binôme Elie Semoun. C’est en tout cas la rumeur évoquée par plusieurs de nos interlocuteurs, et que l’humoriste confirme avec emphase. Une histoire “très drôle”, un “remake de film américain” auquel pourrait même participer le comte de Bouderbala – qui ne nous a pas répondu. “Et il y en a d’autres, promet Dieudonné. Tout le monde attend dans les starting-blocks. Mais ils ont peur.” Quand on le sollicite, Elie Semoun ne semble pourtant pas sur le chemin d’une collaboration. “J’ai tout essayé avec lui et à chaque fois je suis déçu. C’est impossible et improductif. Il a tout gâché”, nous répond-il, sans souhaiter s’exprimer davantage. Qu’importe, le butinage médiatique des derniers mois commence à porter ses fruits…Le spectre du retour en sallesNouvelle époque, nouvelles tribunes… Nouvelle jurisprudence ? C’est en tout cas ce qu’on pourrait croire, au vu des posts victorieux que l’humoriste publie régulièrement sur ses réseaux, dès lors qu’un juge casse les arrêtés préfectoraux interdisant la tenue de ses spectacles. Paris, Bayonne, Toulouse, Montpellier, Bordeaux, Mulhouse… Décidément, le temps de la circulaire Valls (2014), qui donnait aux préfets l’arsenal pour stopper ses représentations, semble lui aussi en voie d’obsolescence. La balance entre le respect fondamental de la liberté d’expression et le risque de trouble à l’ordre public est un exercice complexe. Surtout en l’absence de renseignements sur le vif, témoignant de propos problématiques au moment de la représentation… “Comme il joue dans un bus de 70 places [à Paris], c’est très difficile d’obtenir des constatations judiciaires sur place sans se faire repérer”, explique le préfet de police de Paris Laurent Nuñez. Sans compter sa technique habituelle, lorsqu’il se produit dans de véritables salles partout en France : envoyer un message au dernier moment aux spectateurs inscrits pour donner le lieu exact du rendez-vous. De sorte que la préfecture concernée n’a pas le temps de réagir.On essaye de me faire passer pour un homme d’affaires, mais je suis juste un créateurEt même lorsque la préfecture de police a pu obtenir l’interdiction du spectacle Vendredi 13 grâce à des renseignements sur le contenu réel de ses représentations, en février, l’humoriste a trouvé le moyen de s’en sortir. Sa parade : produire le script d’un “nouveau” spectacle intitulé Tranquillou devant la cour, suffisamment insipide pour qu’un juge n’y trouve rien à redire. Gagné. “Il s’écartera sans aucun doute du script au moment de la représentation, comme il l’a déjà fait auparavant”, cingle Laurent Nuñez. A voir quelle sera la durée de vie de Tranquillou, dont son site ne fait déjà plus mention… Au pire, Dieudonné ne semble pas souffrir du syndrome de la page blanche. Depuis peu, il fait la promotion d’un “nouveau” spectacle : Saperlipopette.La légende veut que Dieudonné soit “fini”, obligé de jouer dans les jardins de fans ou de duper des propriétaires de salles sur son identité pour s’en sortir. Il est vrai que le polémiste s’est parfois produit, ces dernières années, dans des lieux sans s’annoncer pour contourner les refus de propriétaires frileux – il a d’ailleurs été condamné en appel pour de tels faits en 2024. Mais selon Armand F., ex-régisseur de l’artiste ayant fraîchement quitté le navire, Dieudonné n’userait plus de tels stratagèmes. Son équipe ayant développé, selon lui, “un réseau de salles qui [les] connaissent”. Sans compter les “salles des fêtes orientales”, moins frileuses que les salles municipales. L’Express a pu le vérifier : au téléphone, les propriétaires sollicités ne découvrent pas qu’ils ont accueilli l’humoriste en leurs murs… Mais il se murmure que Dieudonné vise bien plus grand, un Zénith ou un Palais des Congrès. Sinon, pourquoi revenir ?Le businessmanL’ex-comparse d’Elie Semoun a beau vieillir, il a laissé chez d’anciens proches des souvenirs indélébiles. L’un des plus fréquemment cités est celui d’une enveloppe en papier kraft, sorte de portefeuille de fortune contenant des espèces qui ne quittait jamais la poche de son habituel short cargo. Pour cause : l’homme serait un redoutable businessman. Et si l’objectif de ce retour en lumière était tout simplement de maintenir une activité économique ? Son ex-compagne, Noémie Montagne, décrit certes un individu pris en tenaille entre sa crainte d’être “oublié”, lorgnant sur les dorures des grandes salles parisiennes qu’il a si bien connues. Mais elle insiste aussi sur son appétit pour les affaires – “en termes de business, il a tout intérêt à continuer à jouer dans des jardins”. Son ex-productrice, l’énergique Chrystel Camus, assure même – elle n’est pas la seule – que son sens du business aurait parfois poussé l’intéressé à annoncer des dates dans des villes où il ne se produirait pas. “Il me disait ‘On s’en fout, ça fait vendre’. Au pire, si des gens prenaient des places pour ces dates, il disait qu’il reportait”, dit-elle.Sans surprise, Dieudonné pointe des accusations “farfelues”. Des commentaires de fans laissent pourtant penser le contraire. En 2020, un internaute assurait sur X avoir payé sa place pour un spectacle “qui n’est jamais venu”. Trois ans plus tard, un autre disait avoir acheté des places pour s’entendre dire deux heures avant le spectacle que le lieu n’était plus dans la ville prévue mais à plus de trois heures aller-retour, dans une ferme où il devait apporter sa chaise. Même son entourage récent ne dément pas. “C’est sûr que Dieudonné, c’est davantage ‘on reporte’ que ‘on rembourse'”, souffle Armand F.Décidément, Dieudonné aime miser sur l’avenir. Il emploie d’ailleurs la même méthode quand on l’interroge sur le sort de certains projets commerciaux mort-nés, pourtant vantés auprès de son public ces dernières années. En 2023, il faisait ainsi savoir au Parisien que le projet du Sestrel, cette cryptomonnaie dont il avait fait la promotion en 2020 et dont certains internautes demandent encore à ce jour des nouvelles, n’était “pas abandonné”. Lorsque L’Express l’interroge sur sa tentative dans le business funéraire il y a quelques années, les “chrysalides”, ces cercueils en forme de cocon dont les dimensions se sont révélées inadaptées, il répond que “ça va se faire.” “On essaye de me faire passer pour un homme d’affaires, mais je suis juste un créateur”, nous dit-il. “Je suis rarement le gérant, ça n’est pas ce qui m’intéresse. Je trouve des gens qui, eux, aiment monter des trucs.””Des vendeurs de mugs et de casquettes”Son ex-compagne Noémie Montagne se souvient encore du jour où Dieudonné lui a proposé de monter une société de production à son nom. “Tu vas voir, c’est facile. Et puis il y aura les avocats avec toi”, lui aurait-il glissé. “En acceptant, j’ai mis le doigt dans l’engrenage, analyse-t-elle. Quand il a une idée, Dieudonné sait vous donner l’impression que vous allez être un maillon essentiel du projet. Alors même si je n’y connaissais rien, j’ai commencé à tout accepter. Jusqu’à participer, sans m’en rendre compte, à l’organisation frauduleuse de son insolvabilité.” Noémie Montagne a été condamnée en 2019 pour fraude fiscale et organisation d’insolvabilité aux côtés de l’humoriste, qualifié de “gérant de fait” de sa société de production de l’époque par l’accusation. Aujourd’hui, celle qui a eu quatre enfants avec Dieudonné décrit une course contre la montre pour se dégager de tous les projets qui la lient encore juridiquement à lui avant que la justice ne remette le nez dans ses affaires. Noémie Montagne a fini par déposer plainte en 2022 et 2023, entre autres, pour “escroquerie” et “harcèlement moral”.Ces dernières années, l’entourage de Dieudonné s’est dépeuplé. Camille L., qui serait sa compagne actuelle, dirige la société de production de l’humoriste, Kamdo Productions. Elle a été condamnée à ses côtés pour “escroquerie” lors de son procès à Rennes en 2024. Mais hormis un petit noyau dur, même les fidèles des débuts ont fini par claquer la porte. Si Armand F. martèle encore à ce jour que son ancien patron – “le meilleur” – a “toujours un temps d’avance” sur le plan artistique, lui qui aimait aller “sur le terrain à la rencontre des gens” a pourtant fini, comme d’autres, par partir. “Je ne me retrouvais plus dans son nouvel entourage proche qui le tire vers le bas, reconnaît-il. Ça devient des vendeurs de mugs et de casquettes.” Mais Dieudonné a peut-être trouvé sa prochaine pépinière du côté de l’outre-mer…En lutte contre les békésL’humoriste aime dire qu’Aimé Césaire l’avait prévenu. “Rire avec la souffrance nègre, vous allez déranger du monde”, récite-t-il souvent. Dieudonné aime surtout citer Aimé Césaire lorsqu’il se trouve en Guadeloupe ou en Martinique. Là, particulièrement depuis 2024, des médias tendent volontiers le micro à “M. Dieudonné”, qui manque rarement une occasion de mentionner – parfois en prenant l’accent créole – sa rencontre avec l’ancien maire de Fort-de-France après l’agression de l’humoriste en 2005 par des “Blancs avec des passeports israéliens” et “proches des békés”, ces Martiniquais blancs créoles descendants de colons propriétaires d’esclaves.Il cherche surtout à entretenir un public et donc un potentiel marché secondaire maintenant qu’il est grillé en métropoleSouvenir fugace qui tombe à pic : en pleine révolte contre la vie chère, trois des quatre premiers groupes de la grande distribution sont détenus par des békés. En 2024, l’humoriste a d’ailleurs concocté un “spectacle contre la vie chère”, qu’il devrait rejouer d’après son site à La Réunion. Les spectateurs pourront choisir entre le tarif “Neg Doubout”, à 24,90 euros, et le tarif “Béké” à… 15 000 euros. “Il tente de capter les frustrations locales en instrumentalisant la question raciale”, analyse Fred Constant, ex-ambassadeur et auteur de Géopolitique des outre-mer.Tant pis si, comme le relève Frédéric Régent, historien maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, la ficelle est épaisse : “Certains militants veulent créer un glissement entre les agissements de certains békés aux békés en tant que tels, puis à tous les Blancs, puis à tous les Européens, jusqu’à créer une opposition entre les Blancs et les Noirs. C’est non seulement anthropologiquement incorrect – certains békés sont issus du métissage – mais en plus, un tel raisonnement empêche de regarder en face les véritables problématiques de l’économie insulaire.”Que cherche vraiment Dieudonné ? Certaines interviews aux accents programmatiques pourraient laisser croire à des ambitions politiques. “Il faudrait que l’on puisse profiter de cet élan extraordinaire des Brics […] Il y a des trains qu’il ne faut pas louper. Le monde unipolaire super puissant de l’Occident, c’est fini !” s’emballait-il en novembre dans une interview au Média 97 +. L’accent créole a disparu.L’humoriste a bien tenté sa chance dans la première circonscription de Guadeloupe aux dernières législatives mais, comme l’explique Chantal Lerus, candidate divers gauche arrivée deuxième du scrutin, “il était candidat pour avoir une tribune. Il aurait pu se présenter ailleurs, c’était pareil”. Fred Constant, lui, ne croit pas aux ambitions politiques du trublion – qui a rassemblé 1 % des voix : “Il cherche surtout à entretenir un public et donc un potentiel marché secondaire maintenant qu’il est grillé en métropole. Mais même s’il a des fans, il n’a pas de véritable poids dans le débat public des outre-mer, à la différence du leader du mouvement contre la vie chère en Martinique, Rodrigue Petitot.”Heureux hasard, les deux hommes ont fait connaissance. Au téléphone, celui qui se fait surnommer “le R”, récemment condamné à un an de prison avec sursis pour menaces envers le préfet de Martinique – il a depuis fait appel –, se souvient encore de l’un de ses récents spectacles. “Il y avait peut-être 500 ou 600 personnes, il fallait jouer des coudes !” Rodrigue Petitot ne tarit pas d’éloges sur le personnage, qu’il dit réellement intéressé par “le combat”. Alors, des projets communs ? “Pour tous ceux qui œuvrent au combat, une fois qu’on entre en contact, on ne le perd plus, élude Rodrigue Petitot. On fait partie de la même armée”.



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Author : Alix L’Hospital

Publish date : 2025-04-06 16:00:00

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