Investir dans la formation pour éviter le “décrochage” de l’économie française. Tel est le mot d’ordre passé par Astrid Panosyan-Bouvier, ministre chargée du Travail et de l’Emploi, en ouverture de l’Université d’hiver de la formation professionnelle le 22 janvier 2025. “Nous nous sommes un peu endormis sur la qualité de notre formation initiale et continue”, a-t-elle ainsi déploré. Avant de poursuivre : “Pour la compétence, la France a reculé jusqu’à la 24e place sur 37 au sein de l’OCDE et jusqu’à la 27e place pour la productivité. Les avantages comparatifs que nous tenions pour acquis au début de ce siècle se sont progressivement effacés et nous devons aujourd’hui mettre les bouchées doubles pour éviter ce décrochage.”D’autres chiffres viennent alimenter cette inquiétude. On déplore chaque année une pénurie de 20 000 ingénieurs. Et dans cinq ans, si rien n’est fait, ils seront 54 000 à manquer à l’appel. Au niveau européen, nous aurons besoin de 800 000 travailleurs qualifiés pour faire face à la transition écologique et de plus d’1 million de salariés spécialisés dans les énergies alternatives. Enfin, il faudra “reconfigurer” les compétences de 9 millions d’individus d’ici à 2035.Guerre des talents ; baisse démographique ; allongement de la durée des carrières, qui nécessite une plus grande adaptation ; évolution extrêmement rapide des technologies… Pour toutes ces raisons, les entreprises n’ont d’autre choix que d’encourager leurs salariés à reprendre régulièrement le chemin de l’école pour se perfectionner.”A cela s’ajoute un autre facteur aggravant que l’on trop longtemps négligé : les cours dispensés par l’enseignement supérieur ne sont pas suffisamment adaptés à l’évolution des besoins des entreprises”, dénonce Benoît Serre, vice-président de l’Association nationale des directeurs de ressources humaines. “Si l’on a autant de personnes au chômage aujourd’hui, c’est en partie parce qu’elles n’ont pas les compétences attendues par le monde du travail”, juge-t-il.Pour tenter de pallier la lenteur d’adaptation du supérieur, de plus en plus d’entreprises ou de groupes privés s’emparent eux-mêmes du sujet. Certains vont même jusqu’à créer leurs propres écoles, ce qui leur permet d’attirer de jeunes recrues en espérant les fidéliser. Autre phénomène notable : de grandes écoles comme HEC, l’Essec, l’ESCP ou encore l’EM Lyon développent des offres de formation continue spécifiques destinées aux cadres désireux de donner un coup d’accélérateur à leurs carrières. Cette activité en plein essor, par ailleurs très rentable pour elles, répond à une véritable demande. Et Benoît Serre de conclure : “Dans un pays comme le nôtre où l’éducation est historiquement sous le contrôle de l’Etat, nous vivons là un bouleversement majeur.”L’Express a interrogé une responsable d’une grande école, un salarié et un dirigeant d’entreprise sur ce sujet capital.”Un gros avantage pour les cadres”Cécile Arragon, directrice du business developpement de l’Executive Education d’HEC Paris.Cécile Arragon”L’Executive Education, la branche d’HEC dédiée à la formation continue, existe depuis plus de cinquante ans. Mais au cours de la dernière décennie, nous avons dû nous adapter fortement à la fois à l’augmentation importante du nombre de demandes et à l’évolution du monde de travail. Autrefois, les salariés qui venaient se former à HEC étaient souvent âgés d’une quarantaine d’années et avaient pour objectif de donner un coup d’accélérateur à leur carrière. Aujourd’hui, nous avons affaire à un public plus diversifié, qui fait appel à nous de façon beaucoup plus régulière tout au long de sa vie professionnelle.Les 8 000 personnes qui s’inscrivent chaque année à nos formations ont désormais le choix entre différents modules-jours qui, mis bout à bout, leur permettent d’obtenir un certificat ou un diplôme. Le temps que les participants y consacrent est très variable. Le programme peut être suivi de façon très condensée, en seulement un an, tout comme il peut s’étendre sur dix ou quinze ans. Cette dernière organisation représente un gros avantage pour les cadres, qui ont des emplois du temps souvent très chargés et des parcours moins linéaires qu’autrefois.Notre thématique “Strategic Management”, qui aborde les questions de leadership, d’innovation mais aussi de marketing ou de finance, remporte un grand succès. Mais les deux sujets les plus recherchés du moment concernent l’intelligence artificielle et le développement durable. Enfin, le fait qu’HEC soit avant tout un centre de recherche est un gage de garantie et de sérieux puisque nos enseignants sont à la pointe des domaines qu’ils enseignent.””Prendre un peu plus d’envergure”Romain Dijos, directeur ingénierie et services énergétiques chez DalkiaRomain Dijos”Titulaire d’une formation classique d’ingénieur, j’ai toujours travaillé dans le secteur de l’énergie. Après être passé par Engie, j’ai rejoint l’entreprise Dalkia qui, en 2015, m’a proposé de prendre la direction d’un centre opérationnel basé à Nice. Une étape importante de ma carrière, au cours de laquelle j’ai expérimenté de nouvelles fonctions.Quatre ans après ma prise de poste, j’ai ressenti le besoin de compléter ma formation initiale pour mieux comprendre et appréhender les relations avec nos clients, nos partenaires et nos actionnaires. Ce qui rejoignait le souhait de ma direction de me voir prendre un peu plus d’envergure. Ayant carte blanche dans le choix de ma formation, j’ai choisi de me tourner vers l’EM Lyon pour suivre un Executive MBA en deux ans. Le tout entièrement en anglais. Mes cours ont commencé en 2019… juste avant la période du Covid ! Heureusement, avant de basculer vers un enseignement à distance, j’avais eu le temps de faire connaissance avec les autres membres de ma promotion. Un lien de confiance s’est très vite créé entre nous, ce qui nous a permis de travailler ensemble sur des projets par la suite.Pour moi, le gros avantage de ce type de formations est justement le fait de pouvoir rencontrer d’autres salariés et d’échanger sur nos expériences. Même si cette phase a engendré une grosse remise en question et a bousculé mes certitudes, je ne regrette en rien cette aventure. Bien au contraire.””Avoir toujours un coup d’avance”Franck Baillet, executive vice president learning & development chez Capgemini.DRH BAILLET chez CAP GEMINI”Pouvoir compter sur des consultants de grande qualité et bien formés est crucial pour une entreprise comme Capgemini. Les compétences de nos collaborateurs constituent leur premier atout. Soucieux d’avoir toujours un coup d’avance et de nous adapter au mieux au rythme effréné des évolutions technologiques, nous avons fortement enrichi et diversifié notre offre de formation il y a cinq ans en misant davantage sur le mode virtuel. Tous nos collaborateurs, installés partout dans le monde, ont désormais accès à une plateforme unique reliée à ce que nous appelons des ‘bibliothèques de contenus’ régulièrement mises à jour et fournies par des opérateurs spécialisés comme Coursera, Harvard ou Pluralsight et des partenaires technologiques comme Microsoft, Google ou Amazon.Selon les compétences recherchées, les salariés ont la possibilité de rejoindre des campus de différentes natures, dédiés à l’intelligence artificielle, à l’industrie et à bien d’autres thématiques. En France, nous avons noué des partenariats plus spécifiques avec plusieurs grandes écoles. Depuis sept ans, l’EM Lyon accompagne par exemple nos managers seniors sur des thématiques très précises, comme celle du leadership. Nos études internes démontrent que les moyens mis à disposition de nos collaborateurs pour apprendre et se former tout au long de leur parcours sont particulièrement appréciés.”
Source link : https://www.lexpress.fr/societe/education/cest-un-bouleversement-majeur-lessor-de-la-formation-continue-en-entreprise-I53NDL5EZBFTDGNVIDO4PWPU5I/
Author : Amandine Hirou
Publish date : 2025-03-30 09:00:00
Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.
Trending
- Estados Unidos sí se compromete con sus aliados de Asia a mantener su paraguas de seguridad
- IKEA to open new smaller stores at former Homebase sites across UK
- Gary Glitter made bankrupt after failing to pay compensation to victim
- Bananas will stay fresh and yellow for almost a month with genius storage hack
- The Last of Us co-creator reveals hit show will end sooner than you’d think
- Starmer dismisses claims he’s been ‘played’ by Trump, and says future trade deal could lessen impact of tariffs – UK politics live
- Settlement agreed in Celtic Boys Club abuse cases
- Stalker, 37, who made Strictly Come Dancing star Shirley Ballas’ life hell during six-year harassment ordeal is spared jail
Tuesday, April 1