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Quittant le pas de tir guyanais de Kourou, en laissant derrière elle un long panache blanc, la fusée Ariane 6 s’est élancée dans l’espace, le 6 mars, pour son premier vol commercial. Elle a placé en orbite, à 800 kilomètres d’altitude, un passager de 3,5 tonnes des plus précieux, CSO-3 – pour “composante spatial optique”. Les armées françaises, qui avaient déjà lancé deux satellites de cette famille, disposent à présent de la mini-constellation de surveillance du sol qu’elles attendaient. De quoi réaliser des prises de vue en très haute résolution et surveiller des cibles.L’Europe opère à peine une douzaine de tels satellites. Trop peu pour une couverture autonome : les armées continentales dépendent très largement des données fournies par les Etats-Unis, propriétaires de dizaines de satellites militaires de type CSO. Ce réseau fait partie des capacités américaines indispensables aux Européens pour leur défense, et quasiment irremplaçables à long terme. Kiev en fait l’amère expérience : en plus de stopper les livraisons d’armes déjà prévues par l’administration précédente, celle de Donald Trump a réduit le flux de renseignements aux Ukrainiens, pour les forcer à accepter un accord léonin sur leurs ressources minières. Ces décisions vont profiter aux Russes, risquent d’augmenter le nombre de victimes ukrainiennes et donnent un aperçu de l’impact d’un désengagement des Etats-Unis en Europe.”La dépendance la plus grande des Ukrainiens envers les Américains concerne l’aide à la planification et le renseignement, déjà fournis avant l’invasion de février 2022 et fondés sur des capacités uniques”, confirme Thibault Fouillet, directeur scientifique de l’Institut d’études de stratégie et de défense de l’université Jean-Moulin Lyon 3. Sans cette aide, qui comporte un volet civil, avec le recours au réseau Starlink d’Elon Musk, les Ukrainiens vont voir la liste des cibles russes à frapper se réduire considérablement. Il en irait de même pour les Européens. “Cette partie renseignement nous a beaucoup aidés lorsque nous menions nos opérations au Sahel, souligne un général français. Les Européens ont la leur, mais elle est très limitée et fragmentée.”Un grand manque de défenses sol-airSi le Vieux Continent compte plus de militaires en service actif que les forces américaines (1,5 million contre 1,3), il est très loin de disposer de leurs moyens. “On a l’essentiel des technologies, mais on manque d’un volume qu’on mettrait des années à acquérir”, pointe Léo Péria-Peigné, chercheur à l’Ifri et auteur de Géopolitique de l’armement (éditions Le Cavalier Bleu). Dans le cadre d’une guerre majeure, les officiers américains sont aussi les seuls à avoir la pratique des opérations à l’échelle d’un continent. En leur absence, il ne reste que deux armées, celle du Royaume-Uni et celle de la France, qui combinent une expérience récente du combat et une capacité à commander des corps d’armées (deux à cinq divisions de 10 000 à 20 000 soldats chacune), même s’il y a un niveau d’écart avec ce que peuvent faire les Américains.Alors que l’armée de terre française est organisée en deux divisions, l’US Army en compte une vingtaine, avec le poste de commandement de son 5e corps en Pologne, à Poznan, près d’un site avancé de stockage d’armements. “C’est un squelette prêt à être activé pour des troupes venues des Etats-Unis avec tous leurs facilitateurs du combat : en artillerie, génie, hélicoptères, logistique et autres, précise notre source militaire. En France, nous prévoyons d’avoir une division qui puisse être déployée en un mois, en 2027, cela peut paraître loin, mais nous faisons partie des bons élèves…” Et si l’Otan apprend aux forces européennes à être interopérables, faire travailler toutes ces armées apparaît aujourd’hui comme une gageure sans le liant américain.Le tableau n’est cependant pas totalement noir. Les Européens ont accéléré leur production d’obus et en fournissent plus à l’Ukraine que les Américains (un million produit en 2024 contre 570 000 aux Etats-Unis). Ils restent cependant limités en munitions complexes. La France a à peine de quoi tenir “trois jours de combat [aérien] de haute intensité, voire une journée pour le cas particulier du [missile] Meteor”, souligne un récent rapport de l’Ifri. Il en va de même pour les autres Européens, en grand manque de défenses sol-air : les moyens antiaériens américains sont une part importante du “filet de sécurité” réclamé par les Britanniques et les Français pour engager des troupes sur le sol ukrainien. Les 150 milliards d’euros de prêts aux Vingt-Sept pour “réarmer l’Europe”, annoncés par la Commission, doivent compenser cela. Mais l’effet ne se fera pas sentir avant plusieurs années.



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Author : Clément Daniez

Publish date : 2025-03-06 16:47:00

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