Mardi 18 février, Riyad. Les drapeaux américain et russe flottent côte à côte. Un décor impensable il y a encore quelques mois. Le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio s’entretient avec son homologue durant 4 h 30. Puis, Sergueï Lavrov brise le silence : “Nous ne nous sommes pas contentés de nous écouter, nous nous sommes entendus”, déclare-t-il. Des retrouvailles spectaculaires qui dynamitent le front commun occidental et la stratégie d’isolement de la Russie.Six jours plus tôt, Donald Trump téléphonait à Vladimir Poutine et déclarait ouvertes les négociations pour en finir avec la guerre en Ukraine, piétinant l’Europe au passage, grande absente de ce “dialogue” retrouvé. Mais un autre acteur se retrouve sur la touche, pris au dépourvu par ce soudain rapprochement Moscou-Washington : la Chine, qui cultive depuis 2022 son “amitié sans limite” avec la Russie contre un même ennemi, cet “Occident collectif” qu’abhorrent Vladimir Poutine et Xi Jinping.Un rapprochement sino-américain aux dépens de la ChineGrand admirateur de Richard Nixon (président des Etats-Unis de 1969 à 1974), Donald Trump – qui a entretenu avec lui une longue correspondance dans les années 1980 – s’inspire peut-être du “coup diplomatique” de son lointain prédécesseur : “En 1972, Nixon s’était réconcilié avec Mao (après 20 ans de rupture diplomatique, NDLR) pour embêter les Soviétiques. Cinquante ans plus tard, Trump veut favoriser un rapprochement avec les Russes pour accroître la pression sur la Chine et l’affaiblir dans le jeu géostratégique mondial”, explique le sinologue Jean-Pierre Cabestan, chercheur à Asia Centre Paris.Un rapprochement russo-américain priverait ainsi Pékin d’un levier géopolitique non négligeable, au moment même où elle cherche à affirmer son rôle sur la scène internationale. Pour éviter ce scénario, l’Empire du milieu s’active tous azimuts. D’abord, en direction de Washington. Ces dernières semaines, des responsables chinois ont discrètement proposé à l’administration de Donald Trump d’organiser un sommet entre les dirigeants russe et américain, d’après des informations du Wall Street Journal.Peine perdue… Pour l’heure, la réconciliation entre Américains et Russes se fait sans la Chine. Laquelle multiplie les œillades au Vieux continent. “L’Europe doit jouer un rôle important dans le processus de paix”, a affirmé le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi le 14 février, lors d’une Conférence de Munich historique, ébranlée par le discours corrosif du vice-président américain J.D. Vance, actant, devant les caméras du monde entier, la rupture de l’alliance transatlantique.”Pékin veut profiter de la division entre les deux parties. Avec Joe Biden, il y avait une solidarité transatlantique qui la dérangeait. Aujourd’hui elle surfe sur l’antipathie des Européens à l’égard de Donald Trump”, analyse Jean-Pierre Cabestan. Quitte à revoir sa politique étrangère. “La Chine fait aujourd’hui preuve d’une certaine modération : la diplomatie du loup guerrier (qui se caractérise par une rhétorique de confrontation, NDLR) est un peu poussiéreuse. Elle essaye désormais d’être en bons termes avec les Européens, d’améliorer sa relation avec le Japon et de maintenir un contact aussi stable que possible avec les Etats-Unis”, reprend le chercheur. Un impératif au vu du ralentissement économique qu’elle traverse.L’ambiguïté chinoise : une offre de médiation qui diviseCette main tendue à l’Europe suscite autant de curiosité que de méfiance. “On ne voit pas quels atouts la Chine possède pour la résolution du conflit : elle n’a pas de troupes dans la région, pas d’enjeux territoriaux et n’a théoriquement pas d’alliance”, pointe François Godement, conseiller pour l’Asie à l’Institut Montaigne.Sa proximité avec la Russie suscite par ailleurs bien des suspicions. En décembre 2024, la ministre allemande des Affaires étrangères critiquait ainsi la Chine pour sa propension à “s’opposer à nos intérêts européens fondamentaux avec son aide économique et en armement à la Russie”. “La fourniture, par la Chine, de composants et de matériel à double usage à l’industrie de défense russe est l’un des nombreux facteurs qui ont fait pencher la balance en faveur de Moscou sur le champ de bataille en Ukraine, tout en accélérant la reconstitution de la force militaire russe après son invasion extraordinairement coûteuse”, déclarait, en mai dernier, l’ancienne directrice du renseignement américain Avril Haines devant le Sénat.Selon une enquête de l’agence AP, 90 % des composants microélectroniques russes servant à la fabrication de missiles, chars et avions, provenaient, en 2023, de Chine. Cette dernière est aussi devenue l’un des principaux clients des hydrocarbures russes, une véritable bouée de sauvetage pour la Russie face aux sanctions occidentales. Certains leaders européens estiment toutefois que cette position pourrait donner des atouts à Pékin. “Ils comptent implicitement sur le fait qu’il joue un rôle modérateur vis-à-vis de la Russie, ne serait-ce que par le contrôle économique et technologique”, expose François Godement.Rien n’indique, pour le moment, que Xi Jinping entamerait cette “amitié sans limite” avec Vladimir Poutine. “L’histoire et la réalité nous montrent que la Chine et la Russie sont de bons voisins qui ne s’éloigneront pas, et de vrais amis qui ont traversé ensemble les bons et les mauvais moments, se soutiennent mutuellement et se développent ensemble”, a déclaré Xi Jinping le 24 février – cités par des médias chinois -, le jour anniversaire des trois ans de l’invasion russe. A bon entendeur…
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Author : Aurore Maubian
Publish date : 2025-02-26 07:00:00
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