Un mème se propage depuis quelques jours sur les réseaux sociaux ukrainiens. D’un côté, une scène montrant des individus s’affrontant dans une bousculade générale et sous-titrée “Les Ukrainiens quand ils débattent de politique interne”; de l’autre, une image de participants disciplinés siégeant autour d’une table de réunion, intitulée “Les Ukrainiens quand Trump insulte Zelensky”. Unis contre l’adversité, ces derniers n’ont pas du tout apprécié les déclarations agressives de Donald Trump, qui a qualifié leur chef de guerre de “dictateur sans élections”, l’exhortant à “agir rapidement s’il ne souhaite pas perdre son pays”. Cette menace s’accompagne d’une affirmation surprenante : selon le président américain, l’Ukraine “devrait 500 milliards de dollars” à Washington comme retour sur investissement, même si, en réalité, les Etats-Unis ont débloqué 67 milliards de dollars d’aide financière et 31 milliards d’assistance financière, selon le Kiel Institute.Les Ukrainiens, Volodymyr Zelensky en tête, perçoivent dans ces propos l’influence du Kremlin et de sa machine de désinformation. La veille, Donald Trump reprenait mot pour mot la rhétorique de Moscou en réclamant des élections en Ukraine, faisant écho à l’argument russe selon lequel aucun accord de paix n’est envisageable avec Zelensky, jugé “illégitime” depuis l’expiration de son mandat en mai 2024. Trump a même affirmé que Zelensky ne bénéficiait que de 4 % de taux de confiance, alors que les derniers sondages lui accordent 63 %. Le président ukrainien a renvoyé la balle à son homologue, le 23 février : “Si vous avez vraiment besoin que je quitte mon poste, j’y suis prêt”, a-t-il lancé lors d’une conférence de presse à Kiev, proposant d’échanger son départ contre une adhésion de l’Ukraine à l’Otan. Elections, l’impossible équationL’animosité de Trump à l’égard de Zelensky remonte à 2019, quand Trump s’est retrouvé sous le coup d’une procédure d’impeachment après ses pressions sur Zelensky. Lors d’un appel téléphonique, le président américain conditionnait une aide militaire de 400 millions de dollars à l’ouverture d’une enquête sur les activités du fils de Joe Biden en Ukraine.Entre Washington et Kiev, la rupture semble consommée. “Il faut que Zelensky comme l’Europe comprennent que nous entrons dans une nouvelle réalité. Les Etats-Unis ne constituent plus un partenaire stratégique pour l’Ukraine, ni sur le plan militaire, ni économique, ni politique”, déplore, à Kiev, le politologue Volodymyr Fessenko. “Un cessez-le-feu reste envisageable, mais Zelensky ne signera pas un accord de paix limitant la souveraineté ukrainienne”, poursuit-il.Comme leur président, 60 % des Ukrainiens se disent opposés à la tenue d’élections pendant la guerre. En plus d’être interdite pendant la loi martiale, l’organisation d’un scrutin se heurterait à des obstacles logistiques insurmontables, sous des nuées de missiles russes. A cela, s’ajoute le fait qu’un tiers de la population a dû quitter son domicile : plus de 7 millions d’Ukrainiens ont fui le pays et 4,5 millions ont été déplacés à l’intérieur. Avec, en plus, 18,5 % du territoire sous occupation russe, la perspective d’élections semble totalement irréaliste.”Comment organiser le vote des centaines de milliers de militaires ? Et qui assurera la surveillance du vote ? Je vois mal des observateurs internationaux à Pokrovsk”, s’interroge Olena Haloushka, cofondatrice du Centre d’action anticorruption. Comme cette ville du Donbass rasée par les Russes, certaines localités ne disposent même plus de bâtiment intact pouvant accueillir les urnes. Le directeur de la commission électorale a par ailleurs déclaré que l’Ukraine demeurait trop vulnérable aux ingérences russes pour lancer un scrutin en ligne ou par correspondance.Même en cas de trêve, l’organisation d’élections serait dangereuse pour Kiev. “Il n’y aurait pas de garantie que le territoire ne serait pas attaqué après la levée de la loi martiale, au moment où les frontières s’ouvriraient, les hommes seraient autorisés à quitter le pays, l’armée serait relevée. La Russie attaquerait à nouveau, avec pour but de prendre Kiev, alors que nous serions en pleine campagne électorale”, met en garde le politologue ukrainien Mykola Davidiouk.L’ancien président Petro Porochenko, qui a annoncé sa candidature pour la prochaine présidentielle en avril dernier, se tient en embuscade. Malgré sa défaite écrasante face à Zelensky en 2019 et une forte impopularité, le “roi du chocolat” conserve un noyau dur de partisans fidèles. Leader de la principale force d’opposition avec 27 sièges sur 450 à la Rada, il cultive une posture présidentielle et développe une diplomatie parallèle comme lors de sa récente visite à Washington où il a rencontré le conseiller à la sécurité nationale Mike Waltz.Zelensky de plus en plus critiquéA la veille de l’échange téléphonique entre Poutine et Trump, le 12 février, Zelensky a sans doute commis une erreur en imposant des sanctions contre Porochenko, accusé de menacer la sécurité nationale. Perçues comme politiques, ces mesures suscitent des critiques de l’opposition et de la société civile, qui dénoncent une “procédure extrajudiciaire”. L’ex-président ne représente même pas la principale menace électorale pour Zelensky. La véritable surprise pourrait venir de Valeri Zaloujny, l’ancien commandant en chef nommé l’an dernier ambassadeur au Royaume-Uni après son limogeage. Les derniers sondages lui accordent 27 % des intentions de vote, devant Zelensky à 16 %, tandis que Porochenko stagne à 7 %.Car si sa popularité culminait au début de l’invasion, les griefs s’accumulent contre Zelensky. Sa gestion des affaires militaires, en particulier, suscite la controverse, comme l’illustre la mise à l’écart du lieutenant général Serhi Naïev. Ce commandant des forces conjointes depuis 2020 s’est vu relégué au commandement d’un simple groupe tactique dans l’une des zones les plus dangereuses du Donbass après avoir exprimé des critiques publiques. Ce type de traitement est également appliqué à des voix dissidentes de la société civile. Ainsi, Vitaly Shabunin, directeur du Centre d’action anticorruption et engagé dans l’armée depuis 2022, a été muté en ce mois de février de Kiev vers Kharkiv, près de la ligne de front, après ses nombreuses accusations contre l’exécutif.La ligne à tenir est complexe, pour les opposants. “Il est particulièrement périlleux de critiquer le gouvernement durant une invasion à grande échelle car la propagande russe exploite la moindre information contre nous, confie l’activiste Olena Haloushka. La stratégie russe cherche à effacer la distinction entre l’Ukraine et la Russie, à présenter deux régimes autoritaires en conflit. Nous alertons constamment les autorités ukrainiennes sur l’importance de ne pas alimenter ces narratifs, de respecter la démocratie, de continuer la lutte anticorruption.”Le précédent roumain d’un candidat à l’élection présidentielle propulsé par TikTok avec l’appui de la Russie inquiète, mais l’émergence d’un nouveau candidat prorusse paraît pour l’heure peu probable. “Moscou peut néanmoins continuer à diviser la société ukrainienne sur les questions de justice sociale, de mobilisation dans l’armée, et surtout sur le dilemme entre reconquête territoriale et négociations avec Moscou”, décrypte Volodymyr Solovian, directeur du groupe d’analyse sur les menaces hybrides. Cette stratégie se déploie principalement via l’application Telegram, qui informe désormais 70 à 80 % des Ukrainiens, face à une télévision discréditée, qui ne parle que de la guerre, avec le point de vue du gouvernement. Les canaux Telegram du Kremlin en Ukraine martèlent que Kiev aurait dû accepter les conditions du Kremlin lors des négociations d’Istanbul en mars 2022 pour éviter deux années de morts inutiles. Une rhétorique désormais reprise par Trump, devenu le porte-voix du Kremlin.
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Publish date : 2025-02-27 05:00:00
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