“L’Europe, quel numéro de téléphone ?” s’exclamait Henry Kissinger, futur secrétaire d’Etat américain, en 1970. Un demi-siècle plus tard, Donald Trump n’a pas réussi à mettre la main sur le “06” d’Ursula von der Leyen. Mais il lui aura suffi d’un coup de fil d’une heure trente avec son vieux camarade Vladimir Poutine pour sceller le sort de l’Ukraine, renvoyant au passage l’Europe aux abonnés absents. Parmi les 27 dirigeants de l’Union, certains – dont Emmanuel Macron – peuvent aujourd’hui sauter sur leur chaise comme des cabris en disant “L’Europe ! L’Europe ! L’Europe !”, rien n’y fait : l’électrochoc tant attendu ne s’est pas produit, et le Vieux Continent, de reculade en renoncement, n’a hélas toujours pas pris la mesure du rouleau compresseur russe, en quête d’une nouvelle sphère d’influence en Europe centrale. “L’objectif, c’est de restaurer nos frontières”, clamait Volodymyr Zelensky dans L’Express en août 2022, après six mois de guerre. Téméraire et convaincu, en tenant tête à la Russie, de défendre les couleurs de l’Europe, l’ancien clown métamorphosé en chef de guerre nous avait confié à demi-mot sa crainte principale : voir s’étendre une “fatigue” de l’Occident face à un conflit qui risquait de durer longtemps.Trois ans plus tard, la fatigue est là, et l’Oncle Sam – ou plutôt l’Oncle Trump – est sur le départ. Le président des Etats-Unis avait prévenu bien avant son élection, en novembre : celui qui rêve de décrocher le prix Nobel de la paix jurait de régler le conflit ukrainien en vingt-quatre heures. Il lui faudra sans doute quelques semaines supplémentaires, mais cette fois-ci, nous y sommes. La paix est à portée de main, mais quelle paix ! Vladimir Poutine exulte, Donald Trump éructe, et l’Europe chute. Sans gloire ni honneur. L’esprit munichois est de retour : “Les cons !”, se serait exclamé Edouard Daladier, en atterrissant au Bourget, après cette étrange paix négociée en septembre 1938 avec Adolf Hitler en Bavière. On connaît la suite.Est-il trop tard pour réagir ? Car la suite, on la devine déjà. Vladimir Poutine, dictateur en chef et revanchard dans l’âme, n’aura de cesse de mettre l’Ukraine à genoux, avant de s’en prendre à la Géorgie, à la Moldavie, voire aux pays Baltes ou la Pologne…L’Europe, couronnée du prix Nobel de la paix en décembre 2012, doit se réveiller. De Paris à Varsovie, de Londres à Vilnius, l’heure est à la résistance. Face aux tweets de Trump ou aux oukases de Poutine, il est urgent que cette “société de l’esprit” européenne, qu’appelait de ses vœux Paul Valéry, fasse entendre sa voix et ses armes. A l’heure des réseaux sociaux sous domination américaine et des ingérences étrangères de Moscou ou de la Chine, quand ce n’est pas de Pyongyang, l’Europe, née de la victoire des alliés en 1945, doit se réveiller sous peine d’être effacée. Mais pour dire non à Washington ou à Moscou, faut-il encore exister économiquement et militairement. Deux conditions loin d’être remplies : l’heure du “reset” vient de sonner. Pour l’Europe, pour l’Ukraine.
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Author : Eric Chol
Publish date : 2025-02-18 07:49:00
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