Il est des êtres qui, dans la vie, n’ont pas de chance. Eh bien, il en est de même pour les mots. J’entends par là qu’il existe des termes dont la prononciation nous déplaît : pour leur malheur, nous trouvons qu’ils sonnent “mal”, sans que l’on puisse toujours justifier notre appréciation. Mais assez théorisé. Passons à la pratique avec ce petit tour de table de nos têtes de Turcs lexicographiques.Imaginons par exemple que votre fils se marie. Voilà un heureux événement en première approche, à ceci près qu’il va vous falloir qualifier son épouse qui, désormais, est entrée dans votre famille. Or, rares sont ceux qui diront spontanément : “Voici ma bru“. Pourquoi ? Parce que “bru”, c’est laid, un point c’est tout ! Il est vrai que, pour ce drôle de vocable, les choses se sont mal emmanchées dès le départ. Il a en effet été introduit dans le latin tardif par les Goths, au IIIe siècle après Jésus-Christ, sous la forme brutis (brutis ! quand je vous dis qu’il y a des mots nés sous une mauvaise étoile…) en supplantant le terme latin originel, nurus. Résultat ? “Belle-fille”, oui ; mais “bru”, non. C’est peut-être injuste, mais c’est comme ça.VOUS SOUHAITEZ RECEVOIR AUTOMATIQUEMENT CETTE INFOLETTRE ? >> Cliquez iciDans son malheur, notre pauvre “bru” pourra toujours se consoler en constatant qu’elle n’est pas la seule à faire les frais des caprices de nos oreilles. Car il est bien d’autres termes plus ou moins sacrifiés sur l’autel de la “biensonnance”, surtout lorsque leur sens nous est mal connu. Au demeurant, ceci explique cela : quand un mot nous dérange, nous le laissons de côté et, à force de rester inemployé, il finit par être oublié. Voyez “mornifle” (gifle) ; voyez “ergastule” (cachot, dans l’Antiquité romaine) ; voyez encore “smaragdin“, dont la définition est pourtant on ne peut plus délicate : “d’un vert émeraude”. Eh bien, non, décidément, “mornifle”, “ergastule” ou “smaragdin”, ce n’est tout simplement pas possible.Même punition pour les vocables liés à un univers rebutant, qu’il s’agisse de la maladie, de la saleté ou des sécrétions du corps. “Expectorer” (cracher) ? “Remugle” (odeur désagréable de moisi, de renfermé) ? “Verruqueux” (qui a des verrues ou qui en est couvert) ? “Glaire” (rejet visqueux des muqueuses) ? Beurk, beurk et re-beurk ! Et pourtant, remarquez-le, “glaire” ne diffère que d’une seule lettre de termes comme “gloire” ou “plaire”, lesquels vivent leur petite vie en toute quiétude. Alors, est-ce le son ou le sens qui nous déplaît ? Poser la question…Il est d’autres mots dont le seul tort est de provoquer de dérangeantes associations. En soi, ils n’ont rien de rebutant ; mais leur consonance suscite dans notre cerveau des pensées troubles – et souvent grivoises, reconnaissons-le. En voici une liste non exhaustive sachant que, par égard pour les âmes sensibles, je vous donne uniquement les définitions, mais vous fais grâce des références licencieuses :– Cénobite : religieux qui vit en communauté (notez que son opposé, anachorète – religieux qui se retire dans la solitude – ne souffre absolument pas du même opprobre).– Concupiscent : désir sexuel ardent.– Eburnéen : qui a l’apparence de l’ivoire.– Nyctalope : faculté de bien voir pendant la nuit.– Obituaire : relatif au décès.– Supputer : évaluer indirectement, par un calcul.Terminons ce petit tour des mal-aimés de la langue française par les mots qui cumulent les handicaps : non seulement ils sont aussi euphoniques qu’une craie crissant sur un tableau, mais, de surcroît, ils désignent une réalité repoussante. Je pense notamment à “pouacre” (sale, vilain, malpropre) et à “stercoraire” (qui croît et vit sur les excréments), dont l’avenir semble aussi radieux que celui du Minitel.Vous ne les aviez jamais croisés jusque-là ? Précisément : c’est bien la preuve irréfutable de leur laideur ! Enfin, bon, évidemment, je ne suis pas tout à fait sûr de ce que j’avance, mais je le suppute.RETROUVEZ DES VIDÉOS CONSACRÉES AU FRANÇAIS ET AUX LANGUES DE FRANCE SUR MA CHAÎNE YOUTUBEA lire – du côté de la langue françaiseLes banques françaises développent un nouveau service… en anglais“Cash service”. Telle est la formule anglaise choisie par BNP Paribas, le Crédit mutuel, le CIC et Société générale pour rassembler leurs distributeurs de billets. Il est vrai qu’entre “argent”, “monnaie”, “billets” ou “espèces”, la langue française manque singulièrement de vocabulaire en la matière.Quand le français était synonyme d’inculture en LouisianeAprès l’achat de la Louisiane par les Etats-Unis en 1803, le français y est devenu progressivement un signe d’arriération. Marginalisés et contraints à l’assimilation, ses locuteurs Créoles et Cadiens se sont peu à peu anglicisés.Le français va-t-il disparaître des écoles primaires à Zurich ?Une motion en ce sens vient d’être déposée au Parlement cantonal pour les écoles alémaniques, avec de bonnes chances d’être adoptée. Une orientation en rupture avec le traditionnel multilinguisme suisse.L’université de Bordeaux condamnée pour non-respect de la loi ToubonLa loi Toubon le prévoit explicitement : lorsqu’une inscription dans un établissement public fait l’objet de traductions, celles-ci doivent être au moins au nombre de deux (afin de préserver la diversité culturelle). Or, la signalétique de l’université de Bordeaux était apposée uniquement en français et en anglais. Pire : bien qu’ayant été saisie par un étudiant – soutenu par l’Association Francophonie Avenir (Afrav) -, l’établissement avait refusé de se mettre en conformité avec la loi. Il vient d’être condamné par le tribunal administratif.A lire – du côté des langues minoritairesQuand Richard Ferrand se disait partisan des langues régionales…Richard Ferrand, président pressenti du Conseil constitutionnel, s’est souvent exprimé en faveur des langues régionales. Conviction sincère ou opportunisme de celui qui était alors député du Finistère ? Toujours est-il qu’il déclarait en 2013 : “C’est au gouvernement de travailler pour mettre sur la table les éléments nécessaires pour que l’on surmonte les obstacles à la ratification de la Charte européenne des langues régionales, y compris la révision de la Constitution.” La question consiste à savoir s’il aura la volonté de modifier la jurisprudence très répressive sur ce sujet de l’institution qu’il pourrait diriger si sa candidature devait être acceptée par le Parlement.Et quand Laurence Vichnievsky s’y opposait…A noter aussi qu’il devra composer avec Laurence Vichnievsky, proposée pour le même Conseil constitutionnel par la présidente de l’Assemblée nationale. Laurence Vichnievsky est l’une des rares députés MoDem à s’être opposée à la loi Molac sur les langues régionales en 2021. Elle avait notamment signé la saisine du Conseil qui avait abouti à la censure partielle du seul texte jamais voté sur cette question sous la Ve République.A Lorient, des parents jugés pour avoir prénommé leur enfant FañchLe tribunal de Lorient dira le 24 février s’il accepte ou non qu’un jeune enfant soit prénommé Fañch – avec un tilde sur le “ñ” – équivalent breton de “François”. En 2023, le procureur de la République s’était opposé à la demande de ses parents.Les artistes en langues régionales face aux blocages parisiensLes artistes qui chantent en basque, en occitan ou en corse sont de plus en plus nombreux et s’expriment souvent dans des styles contemporains (voir la rubrique “A regarder”). Pourtant, ils se heurtent aux réticences des médias et de l’industrie musicale. Un blocage typiquement français que l’on n’observe ni en Espagne ni au Royaume-Uni, souligne cet article de Libération.Décès d’André Neyton, grande figure de la culture occitaneIl avait lancé en 1966 l’un des premiers spectacles occitans d’expression contemporaine, Per jòia recomençar (“Pour retrouver la joie”). Il avait créé dans les années 1970 le Centre dramatique occitan de Provence. Il avait monté des spectacles en oc à Paris et à Nancy, au côté de Jean-Louis Barrault et de Jack Lang. Professeur, comédien, auteur, metteur en scène et directeur de théâtre, André Neyton vient de s’éteindre à l’âge de 90 ans.A écouterTrente ans après la loi Toubon, la langue française est-elle en péril ?Cette émission de RCF se penche sur les effets de la loi Toubon visant à défendre la langue française, trente ans après son adoption.A regarderQue son aüros, par CocanhaConstitué de Caroline Dufau et de Lila Fraysse, Cocanha est un groupe occitan de cants polifonics a dançar (chants polyphoniques à danser). Les deux jeunes femmes s’appuient sur les instruments et le répertoire traditionnels, qu’elles réinterprètent de manière contemporaine. Un exemple avec ce morceau collecté dans le Vivarais (Ardèche), intitulé Que son aüros (“Ils sont heureux”), dont voici les paroles originales (modifiées par les autrices) et leur traduction en français.Que son aüros los garçons qu’an de (mias) visas(Qu’ils sont heureux les garçons qui ont des (mies) visas)
Que son aüros quauquas fes pas totjorn(Qu’ils sont heureux, quelquefois, pas toujours)
Perdon lhur temps los garçons (las diumenjas) a las doanas(Ils perdent leur temps les garçons (le week-end) aux douanes)
Perdon lhur temps e sovent lhur argent(Ils perdent leur temps et souvent leur argent)
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Author : Michel Feltin-Palas
Publish date : 2025-02-18 06:15:00
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Thursday, February 20