Munich est un nom maudit pour les démocraties européennes. Après la capitulation de 1938, voilà le diktat de 2025, énoncé par le vice-président Vance, exégète des pulsions trumpiennes, reformatées suivant les canons de Yale. C’est à nouveau le moment de vérité pour les Européens, et en particulier pour les Français. Pourquoi y a-t-il dans ce contexte une spécificité française ?Nous nous comportons, en apparence, à l’instar des autres grands pays européens : Allemagne, Pologne, Italie et même s’il n’appartient pas à l’Union européenne, le Royaume-Uni. Nous décomptons nos faibles forces militaires, les additionnons et mesurons que, sans participation américaine, nous sommes hors d’état de donner une garantie crédible à l’Ukraine.La seule puissance nucléaire de l’UnionMais la France n’est pas une puissance militaire conventionnelle ; c’est la seule puissance nucléaire de l’Union et, qui plus est, totalement autonome vis-à-vis des Etats-Unis. Indépendamment du fait, secondaire en matière stratégique, que le Royaume-Uni n’appartient pas à l’UE, celui-ci dispose certes, lui aussi, d’une force de dissuasion, mais celle-ci, depuis l’époque d’Harold Macmillan, est soumise à une double clé américaine. Nous sommes, donc, sur le plan nucléaire, uniques. Depuis qu’elle existe, notre arme nucléaire est supposée couvrir nos “intérêts vitaux”. Du temps du général de Gaulle, ceux-ci se limitaient à notre territoire national. Au fil du temps, ses successeurs ont rendu plus floue la notion des “intérêts vitaux” et ont progressivement affirmé que ceux-ci incorporaient une “dimension européenne” et Emmanuel Macron a été le dernier en date à l’affirmer avec une extrême clarté.Mais où est la frontière, aujourd’hui, des intérêts vitaux ? On peut présumer que Berlin y figure ; Varsovie, c’est moins sûr, et Vilnius moins encore. Aussi longtemps que la garantie nucléaire américaine se maintenait peu ou prou sur l’Europe, il était difficile pour la France d’être plus explicite et nos partenaires n’auraient guère apprécié de recevoir, comme un don unilatéral, notre propre garantie.La partie n’est plus la mêmeDans le monde d’après le 22 janvier, si clairement assumé les 14 et 15 février à Munich, la partie n’est plus la même. Soit la France ne change rien publiquement à sa doctrine nucléaire et son poids sera celui d’une puissance conventionnelle, avec une armée encore construite pour des opérations outre-mer, minée par notre calamiteuse situation budgétaire et donc aux moyens limités. Soit le président de la République abat l’atout nucléaire. J’entends les cris d’orfraie des officiers d’état-major, des Norpois innombrables, des conseillers effrayés à l’idée d’abandonner la douillette doctrine d’emploi conçue du temps de la guerre froide. Mais pour la première fois, la question, si complexe soit-elle, est légitime. S’agit-il de dire que la France sanctuarise le territoire entier de l’Union européenne ? Voire d’ajouter que cette garantie s’applique, post cessez-le-feu, à l’Ukraine, avec, ce qui serait idéal, une garantie parallèle des Britanniques pour autant que Washington les y autorise ? Faut-il se contenter de sortir de l’ambiguïté que comporte l’expression “dimension européenne” et, sans aller jusqu’à une garantie explicite, laisser entendre qu’il existe une forte présomption que même Vilnius en bénéficie, ce qui rend évident que Varsovie en profite à quasi 100 % et Berlin plus encore ?Nous sommes, nous Français, face à une question abyssale. Loin de moi l’idée de penser que la réponse est évidente et surtout que la France peut décider de façon unilatérale, jupitérienne ou napoléonienne, d’octroyer sa garantie à nos partenaires sans les avoir consultés. Une telle proposition provoquera dans un premier temps des réactions hostiles. Réticences de ceux qui ne voudront pas reconnaître la fin de la garantie américaine, réflexes primaires des écologistes allemands, hostilité de principe à l’ascendant de la “Grande Nation”, incapacité de reconnaître la naissance d’un nouveau monde : autant d’oppositions à vaincre une à une, humblement, laborieusement, modestement, c’est-à-dire en suivant une méthode aux antipodes de l’arrogance française. Mais l’Histoire sonne à notre porte. Pour Emmanuel Macron, qui cherche de façon inlassable à laisser sa trace, voilà l’opportunité d’y parvenir et d’effacer ses innombrables pas de clerc au profit d’une initiative historique.
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Publish date : 2025-02-17 11:00:00
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