Paraître suffisamment fou pour effrayer votre adversaire, mais pas au point de perdre toute crédibilité. Difficile à manier, la théorie du “fou” consiste, dans les relations internationales, à brandir une menace dans l’espoir d’obtenir gain de cause. Une théorie qui a été popularisée par le président américain Richard Nixon, qui en aurait usé lors de la guerre du Vietnam, jouant avec l’arme nucléaire pour contraindre les Nord-Vietnamiens à se rendre – avec le succès que l’on connaît. Car, souligne Roseanne McManus, professeure associée au sein du département de science politique de l’université d’Etat de Pennsylvanie dans un récent article publié dans Foreign Affairs, “la théorie du fou a beau être populaire, elle n’a pas fait grand-chose pour ses adeptes dans l’Histoire”. Elle a cependant parfois porté ses fruits.En la matière, Donald Trump est un fascinant objet d’étude. Moins d’un mois après son accession à la Maison-Blanche, il avait déjà menacé le Mexique, le Canada, le Groenland et le Panama, tout en exerçant des pressions sur Israël pour conclure un accord de paix avec le Hamas. “Trump est, comme le diraient aussi bien ses détracteurs que ses partisans, imprévisible. Il est extrêmement conscient de cette perception et, sans révéler de secrets d’Etat, je suis absolument certain que cette imprévisibilité a profité aux Etats-Unis [lors de son premier mandat]”, affirmait en juin dernier dans le New York Times, J.D. Vance, son colistier durant la campagne et actuel vice-président. “Donald Trump est le président américain le plus imprévisible depuis la Seconde Guerre mondiale”, abonde Roseanne McManus dans L’Express. Laquelle le juge “bien meilleur” en la matière que son homologue russe Vladimir Poutine, qui depuis le début de la guerre en Ukraine a vu sa crédibilité s’effriter. Mais quatre ans à la Maison-Blanche, dans un monde aussi instable, c’est long. Et pour être efficace, la stratégie du fou requiert le bon dosage, juge l’experte, qui nous explique pourquoi l’incursion du président milliardaire dans la théorie du fou pourrait finir par échouer “de manière spectaculaire”. De Nixon à Poutine en passant par l’ancien Premier ministre russe Nikita Khrouchtchev ou encore Kim Jong-un, cette ancienne chercheuse à la Defense Intelligence Agency revient sur l’art subtil – et risqué –, de simuler la folie dans les relations internationales. Car il y a ceux dont on pense qu’ils appliquent la théorie du fou et ceux qui le sont peut-être… Entretien.L’Express : Dans votre analyse publiée dans Foreign Affairs, vous mentionnez un rapport de l’America First Policy Institute selon lequel Vladimir Poutine n’aurait pas envahi l’Ukraine lors du premier mandat de Donald Trump parce qu’il ignorait comment celui-ci réagirait. Est-ce à dire que la “théorie du fou” aurait déjà été employée par le président américain lors de son premier passage à la Maison-Blanche ? Et si oui, avec quel succès ?Roseanne McManus : Donald Trump s’est en effet montré imprévisible tout au long de son premier mandat, multipliant les déclarations menaçantes, parmi lesquelles la célèbre mise en garde du “feu et de la fureur” adressée à la Corée du Nord, ou encore des menaces plus imagées, notamment à l’encontre de l’Iran. Donald Trump a également pris des décisions plus ou moins belliqueuses comme le largage, à la surprise générale, de la “mère de toutes les bombes” sur des membres de l’Etat islamique en Afghanistan ou encore l’assassinat du général iranien Qassem Soleimani, chef de la force Al-Qods, l’unité d’élite des Gardiens de la révolution. Autant d’éléments qui ont alimenté son image de leader imprévisible.D’un autre côté, Donald Trump s’est montré étonnamment pacifique à certains moments. Il a annulé à la dernière minute une frappe militaire contre l’Iran, la jugeant “disproportionnée” en réponse à la destruction d’un drone américain. Il a également opéré un revirement spectaculaire avec la Corée du Nord, adoptant une posture amicale envers son dirigeant Kim Jong-un, tout comme il l’a fait avec Vladimir Poutine. Il a affirmé, ainsi que ses partisans, qu’il avait réussi à dissuader le président russe d’envahir l’Ukraine durant son mandat. D’ailleurs, Poutine lui-même a fait une déclaration en ce sens, probablement pour flatter Trump. Mais à vrai dire, je ne suis pas totalement convaincue du succès de cette stratégie. Ce qui m’inquiète, c’est que Donald Trump, bien qu’extrêmement imprévisible, est aussi très réceptif à la flatterie. Dans le cas de Kim Jong-un, cela a donné de belles images médiatiques, mais sans la moindre concession concrète de la Corée du Nord.Sous l’égide des Etats-Unis et de Donald Trump, les accords d’Abraham, visant à normaliser les relations diplomatiques entre Israël et plusieurs pays arabes, ont été signés en 2020. Cela ne démontre-t-il pas qu’il peut obtenir des succès diplomatiques sans recourir à la théorie du fou ?En effet, la plupart des dirigeants construisent et réussissent leur carrière sans appliquer cette théorie. J’ai d’ailleurs tendance à penser qu’une approche plus traditionnelle, fondée sur la prudence, est souvent plus efficace. Néanmoins, cela peut être une bonne chose de voir un dirigeant sortir des sentiers battus pour faire pression sur toutes les parties en présence. Par exemple, s’agissant de la guerre en Ukraine, mettre la pression à la fois sur le Kremlin et sur Volodymyr Zelensky pour qu’ils fassent des concessions à la table des négociations pourrait s’avérer être une stratégie payante pour Donald Trump.Un chroniqueur du Washington Post a récemment soutenu que la stratégie de folie de Trump avait poussé le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou à accepter un cessez-le-feu à Gaza le 15 janvier dernier. Partagez-vous son analyse ?Je ne suis pas certaine que ce soit la meilleure illustration de la théorie du fou. Il s’agissait plutôt d’une manière non conventionnelle de mettre la pression sur un allié. Mais ce n’est pas comme s’il avait réellement menacé Israël de manière concrète. De plus, il ne s’agit que d’un cessez-le-feu temporaire de six semaines dans sa première phase. Israël a peut-être simplement décidé d’y adhérer en se disant que Trump continuerait à les soutenir à l’avenir.Selon vous, la théorie du fou utilisée par Donald Trump “pourrait échouer de manière spectaculaire” lors de son second mandat. Pourquoi ?Eh bien pour parvenir à un accord, une partie adverse doit non seulement craindre les conséquences d’un échec des négociations, mais aussi croire en la possibilité d’un compromis durable. L’autre partie doit être convaincue qu’une fois l’accord conclu, elle ne subira pas de sanctions supplémentaires à l’avenir. Or, l’approche très agressive de Trump envers la Chine, par exemple, pose problème. Si le président américain veut obtenir des concessions de la part de Xi Jinping sur le plan commercial, celui-ci doit avoir la conviction que ces concessions aboutiront à une relation plus stable et productive. Si, au contraire, la Chine estime que Trump continuera à l’attaquer quoi qu’il arrive, elle aura alors plutôt intérêt à tenir tête aux Etats-Unis plutôt que d’engager des négociations.L’imprévisibilité de Donald Trump est-elle calculée ou liée à son tempérament ? Quelle est la part de véritable folie en lui ?Difficile à dire. Le principe même de la théorie du fou, c’est que si vous la maîtrisez parfaitement, il devient impossible de la distinguer de la véritable folie. Si vous donnez l’impression de faire semblant, comme cela semble avoir été le cas pour Richard Nixon face aux Nord-Vietnamiens, alors cela ne fonctionne pas car il faut être convaincant. Dans quelle mesure Trump est-il sincère et dans quelle mesure simule-t-il ? Mon impression est que son comportement est en partie authentique, mais qu’il exagère aussi un peu délibérément. Certaines personnes peuvent se montrer impulsives, mais elles essaient de se maîtriser. Lui, au contraire, est borné. Il en est conscient et semble même y prendre du plaisir. C’est du moins mon intuition. Pour le savoir avec précision, il faudrait être un psychologue professionnel et s’asseoir avec lui [Rires].Donald Trump applique-t-il à nouveau la stratégie du fou lorsqu’il assure vouloir s’emparer du Groenland ?C’est fort possible. Mais c’est difficile à savoir car il s’agit ici d’une menace très inhabituelle. Une personne perçue comme rationnelle n’envisagerait probablement pas une telle idée. Toutefois, sa démarche ici ne relève pas nécessairement uniquement de la théorie du fou. Il se pourrait que Trump soit prêt à se satisfaire de moins que ce qu’il revendique publiquement. On l’a déjà observé dans le cas de la Corée du Nord, où il s’était contenté d’effets d’annonce plutôt que d’exiger de réelles concessions. Donc lorsqu’il affirme vouloir contrôler le Groenland, cela n’est peut-être qu’une position de départ. Si un accord lui permet de sauver la face, même avec des gains minimes, cela pourrait suffire à désamorcer la situation. Tant qu’il peut montrer qu’il a obtenu quelque chose…Pendant des décennies, les chefs d’Etat du monde entier ont eu recours à la théorie du fou. Qu’est-ce qui différencie Donald Trump de ces autres dirigeants ?La différence majeure est que Donald Trump est à la tête d’un pays beaucoup plus puissant. A l’exception de Richard Nixon aux Etats-Unis et de Nikita Khrouchtchev en Union soviétique, la plupart des dirigeants connus pour leur imprévisibilité étaient à la tête de nations moins influentes. Et comparé à Nixon, Trump excelle davantage dans l’art de paraître fou. Nixon était très belliciste, mais la plupart des gens le considéraient comme rationnel. Sa stratégie pour convaincre qu’il était fou reposait essentiellement sur des communications secrètes. Or, si vous voulez convaincre les autres parties que vous êtes fou, vous devez réellement faire des choses qui vous coûtent d’une manière ou d’une autre. Dans le cas de Trump, le simple fait qu’il fasse toutes ces déclarations choquantes en public a un coût diplomatique, ou du moins cela en aurait un pour un dirigeant normal, parce qu’il se met à dos tellement de gens, à commencer par ses alliés européens. Le fait que Trump soit prêt à le faire prouve qu’il est fondamentalement différent de ses prédécesseurs, ou qu’il a des valeurs très différentes, voire qu’il est réellement fou.Comment les partenaires de Donald Trump peuvent-ils réagir face à ses déclarations jugées “folles” ?Trump semble généralement sérieux dans ses propos, mais comme je l’ai mentionné, il est parfois prêt à accepter moins que ce qu’il revendique. Il lui arrive d’adopter une position extrême, mais il est en réalité prêt à négocier. Je pense que c’est comme cela qu’il fonctionne. C’est ainsi qu’il a suspendu la hausse des droits de douane frappant le Canada et le Mexique quelques jours après l’avoir annoncée. Donc, peut-être que ceux qui négocient avec lui ne devraient pas nécessairement prendre ses menaces au pied de la lettre. Il faut prendre au sérieux le fait qu’il se soucie de cette question, mais ne pas forcément croire qu’il veut absolument ce qu’il dit vouloir. Comme je l’ai récemment lu quelque part, les partisans de Trump le prennent au sérieux, mais pas au pied de la lettre, tandis que ses détracteurs le prennent au pied de la lettre, mais pas au sérieux. Ses paroles ne devraient généralement pas être interprétées de manière littérale. Par exemple, cette histoire de prendre le contrôle du Canada est, selon moi, juste une blague, même s’il veut peut-être simplement un meilleur accord commercial avec ce partenaire historique. Quant au Panama et au Groenland, mon intuition est qu’il serait prêt à accepter moins que ce qu’il prétend vouloir. Mais tout cela repose sur l’hypothèse qu’il n’est pas réellement “fou”. Auquel cas, il ne resterait que deux options : céder ou subir ses foudres…Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, le président russe Vladimir Poutine a brandi à de multiples reprises la menace nucléaire. Applique-t-il également la stratégie du fou ?Oui, c’est un cas intéressant. Avant l’invasion de l’Ukraine, Vladimir Poutine était perçu comme l’exact opposé d’un “fou”. Beaucoup de gens le qualifiaient de maître stratège. Puis, une fois qu’il a envahi l’Ukraine, tout le monde a commencé à parler de la théorie du fou. Ses menaces nucléaires ont renforcé cette perception. Je pense cependant que Poutine illustre bien l’une des limites de cette stratégie, à savoir qu’on ne peut pas proférer sans cesse des menaces sans jamais les mettre à exécution, sous peine de perdre sa réputation d’homme imprévisible. Il n’y a pas de consensus absolu sur ce point, mais de plus en plus de gens affirment que la Russie n’a pas de véritables lignes rouges, ou que celles qu’elle a sont bien différentes de ce que Poutine veut nous faire croire. Paradoxalement, si l’on prend un peu de recul, Donald Trump a fait beaucoup plus de choses imprévisibles que Vladimir Poutine. Il a pris des décisions très coûteuses que beaucoup ont jugées insensées. Aujourd’hui, la réputation de “fou” de Poutine s’effrite. Alors qu’il y a deux ans, certains auraient pu le considérer comme incontrôlable, la plupart pensent désormais qu’il a simplement fait une erreur de calcul en envahissant l’Ukraine et qu’il s’obstine dans cette voie. En cela, Donald Trump fait un meilleur travail que lui pour paraître plus imprévisible.Selon vous, les dirigeants qui ont le plus de chances de réussir cette stratégie sont ceux qui associent une menace de guerre crédible à une promesse de paix crédible. N’est-ce pas là l’erreur de Poutine ? Il a évoqué à plusieurs reprises la possibilité de négociations, mais plus personne ne lui accorde de crédit…Oui, je pense qu’il a échoué sur les deux fronts. Comme je l’ai dit, ses menaces semblaient autrefois assez crédibles, ou du moins préoccupantes, mais elles ont perdu beaucoup de leur crédibilité avec le temps. Et beaucoup de gens s’inquiètent aussi du fait que ses promesses ne soient pas crédibles non plus. Tout cela repose simplement sur sa propre rhétorique. Il ne fait aucun doute qu’il voudrait toute l’Ukraine s’il pouvait l’obtenir. C’est ce qu’il a essayé de faire au départ. Alors, comment peut-on lui faire confiance pour respecter un accord de paix ? Et puis, il y a aussi des soupçons selon lesquels il pourrait vouloir s’emparer de parties encore plus grandes de l’Europe, y compris potentiellement des pays de l’Otan. Cela renforce la perception selon laquelle on ne peut pas se fier à ses engagements, ce qui rend toute négociation d’autant plus difficile.“La théorie du fou a beau être populaire, elle n’a pas fait grand-chose pour ses adeptes dans l’Histoire”, écrivez-vous, en citant les exemples de Richard Nixon qui a tenté de contraindre le Nord Vietnam à se rendre, et de Nikita Khrouchtchev lorsque l’Union soviétique a essayé de prendre le contrôle de Berlin.Eh bien, je pense que cette stratégie peut échouer de deux manières. La première, c’est si vous ne parvenez pas à convaincre les gens que vous êtes suffisamment fou. C’est ce qui s’est passé dans le cas de Khrouchtchev et Nixon. Ils comptaient principalement sur des menaces privées pour se faire passer pour des fous. Au début, les gens y croyaient en partie, mais comme ils ne sont jamais passés à l’acte, leur réputation de “fous” s’est estompée.L’autre façon dont cela peut échouer, c’est en donnant l’impression d’être tellement fou qu’on ne peut pas maintenir la paix. On a évoqué Poutine, mais Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi sont de parfaits exemples aussi. Comme vous le savez, Ils ont été renversés et destitués. Mahmoud Ahmadinejad, en Iran, pourrait aussi être un autre exemple de quelqu’un qui paraissait trop fou pour être digne de confiance. J’avais aussi tendance à classer Kim Jong-un dans cette catégorie, mais il semble avoir réussi à adoucir en partie son image de “fou”.Comment cela ?En se rapprochant un peu plus de Trump [NDLR : Donald Trump est devenu en 2019 le premier président américain à rencontrer un dirigeant nord-coréen et à entrer sur le territoire], il a clairement montré qu’il est un acteur stratégique. De plus en plus d’analystes considèrent maintenant que sa folie est un bluff, ce qui n’est peut-être pas idéal pour lui non plus. Idéalement, on voudrait qu’elle semble réelle, mais pas trop extrême. Car un dirigeant qui applique la théorie du fou doit faire en sorte que cette folie paraisse réelle, mais pas trop extrême. Les personnes les plus susceptibles de réussir sont celles qui peuvent convaincre les autres qu’elles sont vraiment folles sur une seule question en particulier, mais pas sur tout le reste. Ainsi, elles peuvent l’emporter sur cette question. L’exemple, controversé, que j’ai mentionné dans l’article dans Foreign Affairs est celui de Hitler qui, en 1938, a réussi à convaincre les autres puissances qu’il n’était vraiment déterminé que sur un seul point et rien d’autre : l’établissement d’une grande Allemagne. Cela a encouragé les Britanniques, en particulier, mais aussi les Français à accepter de le laisser annexer la partie de la Tchécoslovaquie peuplée d’Allemands “de souche” plutôt que de déclencher une guerre. De la même manière, si Trump parvenait à persuader le monde qu’il veut seulement le Groenland et rien d’autre, il aurait probablement plus de chances d’atteindre son objectif qu’en se montrant excessif et imprévisible sur tous les sujets.N’y a-t-il que les dirigeants autoritaires qui appliquent la théorie du fou ?Je pense que cela aide d’être autoritaire. En général, les électeurs n’aiment pas l’idée que leur dirigeant puisse être réellement fou. Un politologue de Carnegie Mellon, Joshua Schwartz, a mené une étude sur ce sujet et a constaté que si les gens vous croient réellement fou, ils ne voteront probablement pas pour vous. Cela peut donc rendre l’accession ou le maintien au pouvoir plus difficile. Dans le cas de Trump, certains de ses électeurs aiment justement le fait qu’il ne soit peut-être pas fou, mais au moins imprévisible. D’autres, en revanche, rejettent en bloc l’idée qu’il soit imprévisible. Trump est donc un peu une exception à cette règle. Mais je crois que, jusqu’à présent, la raison pour laquelle il a pu accéder au pouvoir dans une démocratie malgré cette réputation repose sur le fait que ses électeurs la nient ou ne s’en soucient pas.A contrario, on peut être un dirigeant autoritaire et ne pas avoir recours à cette stratégie du fou. Le dirigeant de la Chine Xi Jinping en est un bon exemple.Il n’est certainement pas très imprévisible et il est rarement, voire jamais, qualifié de “fou”. Il est cependant très déterminé et, dans une certaine mesure, extrême. Or, il existe une frontière floue entre être fermement déterminé et être considéré comme extrémiste ou irrationnel. On considère en général qu’un dirigeant est “fou” lorsqu’il semble prêt à tout, quelles qu’en soient les conséquences, pour obtenir ce qu’il veut. Par exemple, dans le cas d’Ahmadinejad, les avis étaient partagés : certains pensaient qu’il serait prêt à voir l’Iran détruit si cela signifiait également la destruction d’Israël. Mais je ne pense pas que quiconque voit Xi Jinping de cette manière. La plupart des observateurs le considèrent comme un acteur rationnel et stratégique dont l’objectif principal est d’accroître la puissance de la Chine. Il peut adopter une posture agressive, mais il évalue toujours les coûts et les bénéfices de ses différentes options.Comment les dirigeants qui appliquent la théorie du fou se jaugent-ils entre eux ?C’est une question intéressante. Lorsque deux dirigeants comprennent tous les deux qu’ils sont simplement en train de jouer une stratégie, cela peut renforcer le respect mutuel. C’est peut-être en partie pour cela que Trump et Kim Jong-un se sont bien entendus, et pourquoi il pourrait aussi s’entendre avec Poutine. En revanche, si deux dirigeants croient réellement que la folie de l’autre est authentique, alors tout dépendrait de qui est vraiment sincère. Si les deux sont réellement fous, ils ne seront probablement pas intimidés par la folie de l’autre. Mais si l’un feint d’être fou et pense que l’autre l’est vraiment, alors celui qui paraît le plus authentique aurait l’avantage. Historiquement, il y a peu d’exemples de ce type de situation, car la plupart des conflits dans le monde opposent des dictatures et des démocraties. Or, la plupart des dirigeants perçus comme “fous” ont historiquement été à la tête de dictatures.Diriez-vous que Donald Trump est l’un des dirigeants les plus imprévisibles au monde depuis la Seconde Guerre mondiale ?Je dirais qu’il est probablement le président américain le plus imprévisible depuis la Seconde Guerre mondiale. Mais je ne le considérerais pas comme le dirigeant le plus imprévisible au monde. Par exemple, quelqu’un comme Kadhafi faisait des choses qui semblaient complètement délirantes. Mais bien sûr, il y a aussi l’effet médiatique. L’imprévisibilité de certains dirigeants ne fait tout simplement pas autant de bruit dans les médias. Prenons le cas de Robert Mugabe au Zimbabwe : il a souvent été critiqué dans son propre pays pour son comportement jugé insensé, mais cela concernait surtout la politique intérieure, donc cela n’a pas beaucoup attiré l’attention des médias internationaux. En réalité, si Trump peut sembler plus imprévisible, c’est aussi parce qu’en tant que président des Etats-Unis, il occupe une position majeure sur la scène mondiale.
Source link : https://www.lexpress.fr/idees-et-debats/donald-trump-est-un-bien-meilleur-fou-que-poutine-les-secrets-de-la-strategie-de-la-folie-UJKEUOJ6OJHNHETM5ORRBL4RVQ/
Author : Laurent Berbon
Publish date : 2025-02-16 17:00:00
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