Ce fut le texte de toutes les tempêtes : une préparation douloureuse de près de quinze mois, un passage au Parlement émaillé d’incidents, jusqu’à l’adoption d’une motion de rejet préalable à l’Assemblée nationale, des ministres qui menacent de démissionner, un recours au Conseil constitutionnel tout aussi tumultueux. Le 26 janvier 2024, au terme de cette bataille homérique, la loi “pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration” est promulguée au Journal officiel.Fin de l’histoire ? Pas du tout. Un an a passé. Cette loi nécessite 30 mesures d’application, or à ce jour, d’après les informations du gouvernement, 16 décrets seulement ont été publiés, soit 53 %. Certains, par exemple sur “le seuil de rémunération sous réserve duquel un étranger se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention ‘talent-salarié qualifié’ d’une durée maximale de quatre ans”, sur “le seuil de rémunération que doit justifier l’étranger qui bénéficie d’une décision d’affectation” ou sur la durée du mandat des membres de la Cour nationale du droit d’asile, devaient être publiés en mai ou en juillet 2024 : on les attend toujours…Leur nom exact est décret d’exécution : ils sont indispensables pour qu’une loi entre en application réelle et modifie ainsi la vie des gens. Le vote par le Parlement et l’examen de validité par le Conseil constitutionnel ne sont que des étapes intermédiaires. Le gouvernement est, d’après une jurisprudence du Conseil d’Etat, censé prendre ces décrets dans des “délais raisonnables” : six mois en moyenne, jusqu’à neuf, au-delà le temps commence à devenir long. Tout citoyen peut en théorie enjoindre l’exécutif d’agir et ce dernier se met dans l’illégalité lorsqu’il ne le fait pas. Pire, si un préjudice naît de la non-application d’une loi votée par le Parlement, le citoyen est en droit de demander une indemnisation. Vraie obligation juridique, donc, mais grande incertitude politique.L’exception de la réforme des retraitesEn rythme de croisière, ce n’est déjà pas flamboyant. “Entre la lenteur de l’exécutif, les oublis volontaires par les successeurs de textes pris par les prédécesseurs et les freins de l’administration”, selon l’expression d’un vieux routier de la vie publique, habitude a été prise de se hâter lentement. Mais l’année 2024, avec sa flopée de Premiers ministres et sa dissolution, qui ont entraîné une instabilité particulièrement néfaste à la vie de l’Etat et de ses services, peut être hissée au rang d’annus horribilis. La perte en ligne se révèle ainsi spectaculaire. On sous-estime les conséquences souterraines des épisodes des derniers mois, qui pourraient se résumer en un mot, voire deux : immobilisme ou blocage – quand “l’efficacité de l’action” ou la quête de “résultats” font figure de formule magique autant que creuse dans les discours officiels.La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a instauré au début de 2024 un baromètre de l’application des lois. Et à chaque fois qu’arrive un nouveau Premier ministre (c’est-à-dire à un rythme soutenu par les temps qui courent), elle leur rappelle que cet outil existe désormais et qu’il convient de se montrer vigilant. Pour la législature 2022-2024, le taux moyen se situe à 82 %. Avec quelques anomalies qui sautent aux yeux, soulignant encore le décalage entre les mots et les actes. La loi pour le plein-emploi de décembre 2023 : 32 % des décrets nécessaires ont été publiés à ce jour. Celle de janvier 2023 visant à faire évoluer la formation de sage-femme : 20 %. Celle sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables de mars 2023 : 49 %. Celle de mai 2024 pour sécuriser et réguler l’espace numérique : 14 %. Celle de mai 2024 visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires : 0 %. Peut mieux faire…C’est l’autre emblème de ce quinquennat. La fameuse loi sur la réforme des retraites (incluse dans le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023) est en ordre de marche : 87 des 91 décrets d’application ont été publiés. Cette fois, il n’y a pas eu de retard. La loi est appliquée, la loi est exécutée, mais elle est déjà remise en cause. Moins de trois ans après sa promulgation, le Premier ministre François Bayrou s’est engagé à la modifier pour tenir compte des travaux de son fameux conclave des partenaires sociaux. Dura lex, sed lex. On serait tenté de préciser : que c’est dur d’être une loi.
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Author : Eric Mandonnet
Publish date : 2025-02-15 07:45:00
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