Il est sans doute l’écrivain vivant le plus vénéré, notamment chez les trentenaires comme François-Henri Désérable, qui le tiennent pour le dieu des lettres. Lauréat du prix Décembre en 2002 pour Corps du roi, puis du Grand prix du roman de l’Académie française en 2009 pour Les Onze, Pierre Michon fait partie de ces rares auteurs que plus personne n’ose critiquer de peur de passer pour un analphabète. Il y a pourtant beaucoup à redire sur sa prose ampoulée et son statut usurpé de grantécrivain national.Principalement publié chez Verdier, rare en librairie et vivant reclus au fin fond de la Creuse, il était jusque-là notre Julien Gracq contemporain. Une sorte de moine copiste égaré dans la post-modernité. Ce fin stratège avait bien calculé son coup. Avec Corps du roi, où il reprenait la célèbre théorie d’Ernst Kantorowicz pour l’appliquer à quelques écrivains qu’il aime (Dante, Shakespeare et autres), Michon, volontiers mégalomane, ne parlait-il que de sa personne ? Il y aurait en lui un Michon mortel mais surtout un Michon éternel, voué à la postérité. Ainsi a-t-il sculpté sa propre statue, devant laquelle s’inclinent ses disciples, épatés par ses phrases alambiquées dans lesquelles ils croient distinguer un grand style. On plaint ces derniers : comment pourront-ils défendre sérieusement un texte aussi débraillé que J’écris l’Iliade ?Une sorte de labyrinthe compositeCe livre maintes fois annoncé et repoussé devait être le testament de Michon, qui fête cette année ses 80 ans. Au vrai, c’est une sorte de labyrinthe composite mêlant la confession, l’autofiction et l’essai, alternant digressions amphigouriques sur Homère et logorrhée lyrique sur la propre vie de l’auteur, qui se peint en clochard céleste ayant collectionné les conquêtes féminines. Dans Le Figaro Magazine, Frédéric Beigbeder n’a pas tari d’éloges sur cet autoportrait de Michon en Priape alcoolisé, moitié Henry Miller moitié Antoine Blondin. Dans l’époque puritaine qui est la nôtre, on peut en effet voir un geste punk dans ces exploits d’un vieux Don Juan dont pas mal de passages devraient horrifier les néoféministes. Hélas, Michon fait pâle figure à côté d’Apollinaire. Ses scènes de galipettes n’ont ni la sensualité suprême de D. H. Lawrence ni la fantaisie débridée de Philip Roth. Rendez-nous le Journal particulier de Paul Léautaud ! Enfin il n’est pas interdit de lever un sourcil devant les innombrables métaphores sexuelles du niveau de celle-ci (Michon décrit alors un temple grec) : “C’est mâle ou c’est femelle ? C’est de la bite et encore de la bite, au premier coup d’œil – c’est toujours comme ça avec ces foutues colonnes. Mais l’ensemble est une femelle qui attend le dieu, c’est-à-dire d’être montée. Bien cambrée, bien patiente, son beau triangle exposé à tout-va. Les deux sexes s’y emboîtent depuis trois mille ans.” Belle image, digne du poète, pardon, de l’aède qu’est Michon…Dans la scène finale (de loin la meilleure du livre), Michon brûle toute sa bibliothèque dans un joyeux feu de joie. Les flammes n’épargnent personne. Page 115, passant aux éditions Gallimard (où est publié J’écris l’Iliade), l’écrivain se moque de tous ces “auteurs ridicules” dont les photos sont placardées dans le hall – ses consœurs et confrères de la “Blanche” apprécieront le compliment. Là encore, on peut au choix sourire ou se demander si notre homme a encore toute sa tête. La fièvre lubrique n’empêche pas l’angoisse existentielle.Avec une autodérision en laquelle un moraliste verrait une pointe d’orgueil, Michon ne cesse de s’interroger sur son œuvre. Page 123, pas complètement aveuglé par sa gloire illégitime, le James Joyce de la Creuse fait parler un thuriféraire déçu : “C’est que je l’ai admiré avec passion, Michon, quand j’avais vingt ans. Il était idolâtré. Ses bricolages étaient écoutés comme un oracle. Il est un peu oublié, à juste titre. Si je l’avais moins surévalué, je l’aurais mieux lu ; si je lui avais prêté moins de sagesse, j’aurais su voir comme il est retors, mais pas insurpassable.” Page 235, il évoque un de ses anciens éditeurs : “Je lui avais déjà fait avaler des croûtes ; nul ne s’en était avisé ; ayant pris la voie de m’encenser, la critique n’en avait pas dévié et avait porté mes croûtes aux nues, comme elle avait fait avec mes chefs-d’œuvre. On m’admirait par pure convention, un ronron, comme mes compères tortillards au long cours, Sollers et Modiano.” On laissera à d’autres le soin de crier au chef-d’œuvre. Pour nous, J’écris l’Iliade est à classer dans les croûtes.J’écris l’Iliade, par Pierre Michon, Gallimard, 269 p., 21 €.
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Author : Louis-Henri de La Rochefoucauld
Publish date : 2025-02-15 08:30:00
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