“Il faut être dur avec soi, avoir une conscience, se regarder en face.” Ces mots de Suzanne Valadon (1865-1938) pourraient résumer, à eux seuls, son parcours : modèle du tout-Montmartre, peintre et dessinatrice sans concession, mère célibataire et amante décomplexée. Bizarrement, cette artiste aussi libre qu’audacieuse, célébrée par ses pairs de son vivant, n’est pas restée dans la postérité comme une figure de premier plan. La donne est peut-être en train de changer puisque ces deux dernières années, une exposition d’envergure autour de son œuvre a circulé de Metz à Barcelone en passant par Nantes. Aujourd’hui, le centre Pompidou, à Paris, en propose une version enrichie dans ce qui restera la première monographie parisienne consacrée à Valadon depuis 1967. L’occasion de souligner son rôle précurseur, souvent sous-estimé, dans la modernité artistique en marche du tournant du siècle, et d’élargir le propos en décryptant son œuvre graphique à travers nombre de dessins rarement montrés.Marie Clémentine Valadon, de son nom de baptême, s’est très tôt affranchie des conventions de son temps. Fille naturelle d’une blanchisseuse avec laquelle elle vit au cœur de la bohème montmartroise, elle pose, dès l’âge de 14 ans, sous le sobriquet de Maria, pour des maîtres installés tels Renoir, un temps son amant, Puvis de Chavannes ou Toulouse-Lautrec. Ce dernier, avec lequel elle a une liaison enflammée, la rebaptise Suzanne en référence à l’innocente séductrice de vieillards de la Bible.Inlassable observatrice, la modèle fait ses gammes d’artiste en regardant œuvrer les peintres. Ses esquisses enchantent Degas – “Vous êtes des nôtres !”, s’exclame-t-il, avant de lui ouvrir les portes de son atelier. Elle ne pose pas pour lui mais il l’aide à perfectionner ces dessins “méchants et souples” dont la critique louera ou fustigera “l’âpreté” et la “mâle brutalité”. Le trait appuyé dont elle cerne les corps devient sa marque de fabrique, et La Chambre bleue de 1923, son œuvre reine.Suzanne Valadon, “La Chambre bleue”, 1923.Trop pauvre pour payer des modèles, Suzanne Valadon a d’abord portraituré les membres de son clan, que l’on trouve réunis dans le fameux Portrait de famille de 1912 : sa vieille mère Madeleine ; son fils Maurice, qu’elle a eu à 18 ans et auquel l’ingénieur catalan Miquel Utrillo, père putatif parmi d’autres, a donné son nom ; son amant au long cours André Utter ; elle-même en cheffe de tribu assumée. André, qui a vingt-cinq ans de moins qu’elle, est au centre de son corpus de nus, à l’instar d’Adam et Eve, peint en 1909, l’un des premiers tableaux d’artiste femme représentant un homme de face avec ses parties génitales offertes au regard. Par la suite, elle recouvrira l’objet du délit d’une feuille de vigne pour faire accepter la toile au Salon des Indépendants de 1920.”Etude pour le Lancement du filet”, 1914.Dans une veine libertaire assumée, sa dernière œuvre de nu masculin, le Lancement du filet (1914), qui lui vaudra d’être traitée de “vieille salope” par le chroniqueur Arthur Cravan, voit le corps athlétique d’Utter se déployer en trois dimensions sans que nulle référence biblique ou mythologique ne vienne légitimer la nudité. Du jamais-vu ! Les nus féminins de la Valadon marqueront aussi une rupture : ils racontent sans complaisance le quotidien, parfois fastidieux, de celles qui, loin d’être idéalisées, ne sont plus ici figurées pour le désir d’un spectateur voyeur.Exposition “Suzanne Valadon” au Centre Pompidou (Paris), jusqu’au 26 mai.
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Author : Letizia Dannery
Publish date : 2025-01-25 10:00:00
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